Meurtre par vengeance – Arme à feu
Sherbrooke – 1 SC
Joséphine Bégin, acquittée.
En 1894, Joseph Hébert, 30 ans, était veuf. Il a profité de son statut pour flirter avec sa jeune employée, Joséphine Bégin. Après s’être laissé séduire, elle est tombée en ceinte de cet homme d’affaires respecté à Sherbrooke. Mais au lieu de la soutenir, il s’est moqué d’elle. L'histoire ne permet pas de détailler la façon dont il l’a traité à cette époque, mais Joséphine dira plus tard qu’il s’était moqué d’elle.
Le 5 décembre 1894, au cœur de l’après-midi, Joséphine s’est présentée dans le petit bureau d’Hébert. Selon Alexandre Ouellet, 19 ans, qui se trouvait avec Hébert, la jeune femme a tenté de saisir une hachette pour régler ses comptes avec Hébert, mais ce dernier a réussi à l’en empêcher. Le comportement de Joséphine trahissait d’ailleurs ses intentions, car elle paraissait nerveuse.
Pendant ce temps, elle s’est rendue au magasin de Monsieur Coderre pour y acheter une petite arme de poing. Elle s’est ensuite rendue chez son père, un vieil homme de 75 ans, pour lui dire ce qu’elle s’apprêtait à faire. Elle en a également profité pour lui faire ses adieux car elle ignorait si elle allait revenir vivante ou non. Juste avant de partir elle a tiré un coup de revolver dans la maison avant de dire: “il marche bien!”
Vers 18h00, elle est revenue au bureau mais Hébert a demandé au jeune Ouellet de garder un œil sur elle. Dans le bureau, Joséphine s’est assise sur le poêle brûlant et Hébert lui demanda alors si elle était folle. Elle lui aurait répondu qu’il lui restait si peu de temps à vivre qu’elle en n’avait rien à foutre d’être brûlée. Son ancien amant lui a alors demandé de quitter. Joséphine a reculé de quelques pas et a sorti l’arme de sa poche. Dans la seconde qui a suivi, Hébert mourrait avec une balle dans la tête.
On ignore si Joséphine a voulu se suicider ou si Hébert a eu le temps de tirer un coup avant de mourir, mais la jeune femme est revenue avec une blessure d’un pouce et demi au front qu’on a décrit comme la trace d’un projectile qui a ricoché sur son crâne.
Joséphine se trouvait près de la rue Grove lorsque des policiers sont venus l’arrêter. Elle a même dit à l’un d’eux: “ Il s’est moqué de moi et je n’ai pu l’endurer plus longtemps”. La figure ensanglantée en raison de sa plaie au front, elle a aussi ajouté: “Bon, Joe Hébert ne rira plus de moi.” Le soir même, vers 20h30, Hébert succombait à sa blessure.
La famille Hébert était considérée comme très honorable à Sherbrooke et certains journaux penchaient visiblement en leur faveur. Quelques jours plus tard, un coroner a tenu responsable Joséphine Bégin de la mort de Hébert. Devant le coroner, elle a refusé de répondre car elle exigeait la présence d’un avocat.
Le procès pour meurtre de Joséphine Bégin s’est tenu en mars 1895. Lors des audiences, on a raconté que l’accusée avait perdu sa mère alors qu’elle était encore petite. Elle avait donc été élevée par son père, qui l’a vite fait de faire travailler dans les usines. La décision du juge de ne pas admettre une partie de la preuve de la défense a créé un tollé. Par ailleurs, on a démontré que le docteur avait soigné Joséphine pour des vomissements au cours des semaines ayant précédées le drame du 5 décembre, laissant clairement entendre qu’elle était enceinte.
Selon une témoin, 9 ans plus tôt, Joséphine s’était absentée de Sherbrooke pour une période d’un an, laissant entendre qu’elle avait été internée. Une objection a empêché le témoin de dire pourquoi. Hébert lui aurait fait des promesses de mariage et se serait ensuite moqué d’elle et de sa grossesse. Des témoins ont d’ailleurs confirmé qu’il y avait une relation intime entre Hébert et Joséphine. Le père de l’accusée est venu témoigner. À 75 ans, il a raconté que sa fille était entrée dans les usines à l’âge de 13 ans. Et maintenant qu’il ne pouvait plus travailler, c’est elle qui le faisait vivre.
Joséphine Bégin a été acquitté, alors que certains journaux se sont montrés en désaccord avec ce verdict plutôt que de respecter une objectivité journalistique.
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