Homicide commis lors d’un vol – arme blanche (hache)
Saint-Jean-Deschaillons, rang 2 -
Roland Sinclair alias Leclerc, 27 ans, pendu.
Le 4 novembre 1935, c’est au fond d’une fosse du rang 2, à Saint-Jean-Deschaillons, qu’on a retrouvé le corps de Lucien Malo. On l’avait probablement attaqué par derrière puisque l’autopsie a démontré deux blessures à la tête causées par des coups très violents. La hache qui a servi à commettre le crime a été retrouvée tout juste au bord de la fosse. Les poches de la victime étaient retournées et sa montre avait disparue.
Le soir même, Roland Sinclair alias Leclerc, un homme qui n’avait généralement pas un rond, a dépensé la somme de 105$ pour boire et s’amuser. Quand les policiers ont procédé à son arrestation, il était toujours en possession de billets appartenant à Malo. Il avait tenté de voler son automobile. Celle-ci a été retrouvée dans le fossé à trois arpents de la résidence de la victime. L’enquête a révélé que Sinclair était un piètre conducteur, ce qui expliquait la position dans laquelle on a retrouvé le véhicule.
Le procès de Sinclair s’est déroulé du 10 au 14 février 1936 au palais de justice de Québec devant le juge Lucien Cannon. La Couronne était représentée par Me Valmore Bienvenue tandis que la défense était assurée par Me Mark Drouin.
Une fois la preuve de la Couronne close, la défense a pris la décision de ne faire comparaître aucun témoin, ce qui lui a conféré l’avantage de parler en dernier devant le jury. Or, dans sa plaidoirie, la Couronne a expliqué que le meurtre était prémédité puisque « Sinclair avait dit à quelques-uns de ses amis, qu’il s’attendait de recevoir un héritage d’une tante de Montréal. Il mentait quand il disait cela. Je ne sais pas s’il a une tante à Montréal, ou ailleurs, mais chose certaine c’est que s’il avait réellement reçu de l’argent d’une de ses tantes, cette dame serait venue en défense nous dire : c’est vrai, je lui ai donné 200$. Mais la vraie tante que Sinclair attendait de Montréal, c’est Lucien Malo. Il préméditait son crime, il se proposait plusieurs jours à l’avance d’assassiner Lucien Malo. »[1]
Le 13 février, vers 16h15, au moment où Me Mark Drouin s’apprêtait à livrer sa plaidoirie, un juré s’est senti indisposé, ce qui a provoqué un ajournement de quelques minutes. Peu de temps après, il a fallu ajourner de nouveau puisqu’un second juré est tombé malade. Ces deux jurés, David Lachance et Napoléon Pérusse, ont reçu la visite d’un médecin, le Dr Eudore Parent. « Les assistants furent distraits pendant l’absence des jurés par l’arrivée inattendue d’une souris dans la salle d’audience. Comme il y avait une foule très compacte, les constables durent user de toute la puissance de leur voix pour empêcher une panique. La surprise ne fut pas de longue durée et l’ordre fut bientôt rétabli. »[2]
Dans sa plaidoirie, Me Drouin a fait remarquer l’absence de preuve démontrant que l’accusé ait eu l’intention de s’en prendre à Malo. Selon lui, il n’y avait pas d’intention criminelle, ce qui obligeait le jury à écarter l’élément de préméditation. Autrement dit, il tentait de sauver la tête de son client en essayant de réduire la condamnation à un homicide involontaire. On a également reproché à la Couronne d’avoir livré une preuve sur le milieu des bootleggers, mais il semble que ce détail ait uniquement servi à brouiller l’esprit des jurés.
Le 14 février, vers 14h30, Sinclair a été reconnu coupable. « Il avait une physionomie sombre et fuyante, mais pas un trait de son visage n’a semblé réagir pendant la scène pénible qui a suivi. » Lorsque le greffier Charles Gendron lui a demandé s’il avait quelque chose à déclarer, Sinclair a seulement répondu : « je ne suis pas coupable. » Le juge Cannon a enfilé ses gants noirs et son tricorne pour fixer la date de l’exécution au 17 avril 1936.
La date de l’exécution a été repoussée jusqu’au 27 novembre 1936. Ce matin-là, vers 8h00, le condamné de 27 ans a payé sa dette à la société.
[1] L’Action Catholique, 15 février 1936.
[2] Ibid.
Comments