1961, 23 juin - Benoît Massicotte, 36 ans
- 5 nov. 2024
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Dernière mise à jour : 25 nov. 2024
Homicide conflictuel? – Arme à feu (calibre .38)
Shawinigan, stationnement de l’usine Du Pont Chemicals – 1 SC
Non résolu. Jean-Marc Rufiange, 36 ans, acquitté.
Au soir du 23 juin 1961, vers minuit, Benoît Massicotte et Wellie Beaulieu étaient parmi les employés de la Du Pont Chemicals, à Shawinigan, qui terminaient leur quart de travail. Tous deux regagnaient leur voiture dans le stationnement. Peu après, un compagnon de travail a vu une voiture qui quittait les lieux à toute vitesse. Après cet incident, il a entendu des gémissements. L’instant d’après, il tombait sur le corps de Massicotte, qui gisait près de sa Buick. L’homme de 36 ans, père de jumeaux âgés de 5 ans, avait reçu une balle de calibre .38 en pleine tête. D’après l’auteur et journaliste Daniel Proulx, qui a consacré un chapitre à cette affaire en 1996, on ne connaissait aucun ennemi à Massicotte.
Dans un premier temps, l’enquête policière a mené aux arrestations de Jean-Marc Rufiange, 36 ans, ainsi que son beau-frère Bertrand Métivier, propriétaire d’une salle de quilles où travaillait Rufiange, ainsi que la veuve de Massicotte. Ces deux derniers ont rapidement été relâchés, alors que Rufiange s’est vu accusé du meurtre. Selon la police, celui-ci aurait voulu éliminer Massicotte parce que ce dernier voulait causer des problèmes à Métivier, qui couchait apparemment avec sa femme.
Le procès de Rufiange s’est ouvert au palais de justice de Trois-Rivières le 20 novembre 1962. La Couronne a déposé en preuve deux déclarations faites par l’accusé, mais celui-ci dira les avoir faits sous la contrainte des policiers. Néanmoins, on a appris dans celles-ci que Rufiange aurait avoué à l’un des frères Hamelin, qui lui avait procuré le revolver, avoir tué Massicotte pour défendre son beau-frère. Il aurait ajouté avoir jeté l’arme dans la rivière Saint-Maurice. Lors de son propre témoignage, Rufiange a expliqué avoir tenté de faire croire aux Hamelin qu’il avait fait le coup pour tenter de les faire parler.
Dans une seconde déclaration, il aurait dit que la femme de Massicotte s’était confiée à lui au début de juin pour lui dire à quel point son mari était violent et qu’elle était sur le point de révéler l’identité de tous les hommes avec qui elle avait eu des aventures. Les trois frères Hamelin ont ensuite confirmé avoir procuré l’arme à Rufiange et que celui-ci leur a bien dit être l’auteur du crime.
La jeune épouse de l’accusé, Irène Savignac, dira sous serment avoir passé toute la soirée du 23 juin à la maison avec son mari. On apprendra aussi que le couple s’était marié le 7 octobre 1961, c’est-à-dire en pleines procédures judiciaires.
Dans son témoignage, la veuve de Massicotte s’est dit convaincue que Rufiange n’était pas l’assassin de son mari. Selon elle, il s’agirait plutôt d’hommes qui devaient de l’argent à Massicotte. Dans sa plaidoirie, le procureur de la Couronne a fait remarquer que la veuve avait tout de même empoché 30 000$ des assurances.
Après une heure de délibérations, le jury est revenu pour expliquer être incapable de s’entendre sur un verdict unanime. Le juge les a cependant forcés à refaire leurs devoirs et les douze hommes ont dû retourner s’isoler durant encore trois heures. Cette fois, ils sont revenus avec un verdict de culpabilité. Rufiange a aussitôt été condamné à la perpétuité.
En septembre 1963, les juges de la Cour d’appel ont déterminé qu’au moins une partie des déclarations de Rufiange n’étaient pas libres et volontaires. Le deuxième procès s’est déroulé en novembre 1963, mais Rufiange a de nouveau été reconnu coupable.
Le 15 juin 1965, trois des cinq juges de la Cour d’appel ont déclaré que les aveux étaient illégaux, et un troisième procès a eu lieu en février 1966. Cette fois, le jury n’est pas arrivé à s’entendre. Le quatrième procès s’est déroulé à Shawinigan, en juin 1966. Encore une fois, il a été reconnu coupable.
L’affaire s’est finalement rendue jusqu’en Cour suprême, qui a ordonné la tenue d’un cinquième et dernier procès, un record toujours inégalé jusqu’à ce jour pour une affaire d’homicide. Cette fois, les audiences se sont déroulées à Montréal, en mai 1968. Contre toute attente, Rufiange a été acquitté. Enfin libre, sa femme lui a sauté dans les bras, ainsi que ce fils né pendant son incarcération.
Toutefois, ce verdict signifiait que le meurtre de Benoît Massicotte demeurait non résolu. Selon Proulx, la liberté de Rufiange a été de courte durée puisqu’il aurait été tué dans un accident de la route peu de temps après. Les recherches du DHQ permettent d’établir qu’il est mort le 30 octobre 1971. Il avait 44 ans.[1]
[1] Daniel Proulx, Les grands procès du Québec (Montréal: Éditions de l’Homme, 1996).
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