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1961, 8 août - Denise Therrien, 16 ans

Homicide sexuel organisé – Objet contondant (tuyau métallique) – Enlèvement
Shawinigan-Sud – 3 SC
Marcel Bernier, 43 ans, inconnu de sa victime, condamné à mort, sentence commuée en emprisonnement à vie.
Le 8 août 1961, à Shawinigan Sud, Denise Therrien, une adolescente de 16 ans qui croyait se rendre à son premier véritable emploi, est descendu de l’autobus Carier & Frère en face du cimetière Saint-Michel. C’est la dernière fois qu’on la voyait vivante.
Devant un problème d’organisation policière, c’est Henri Therrien, le père de la jeune disparue, qui a été le premier à ouvrir sa propre enquête. Au soir même du 8 août, il a effectué des recherches dans les environs et le vendredi suivant il se rendait à la maison du fossoyeur Marcel Bernier pour lui demander s’il n’avait pas vu quelque chose. Bernier est aussitôt devenu très nerveux en plus de tenir un langage incohérent. Il a même donné des réponses à des questions qui ne lui étaient pas soumises. Le dimanche, c’est en compagnie de sa femme et de sa belle-mère que Bernier s’est arrêté en face de la maison des Therrien au volant de sa camionnette. Alors qu’il n’était question que de disparition, il a soudainement lancé : « ça prend un criss d’écœurant pour faire une affaire de même. » Étrangement, il a mentionné que Denise avait vidé son compte de banque, alors qu’Henri savait parfaitement que sa fille n’avait aucun compte de ce genre. Bernier a aussi tenté de s’immiscer dans l’enquête en essayant de promettre un marché avec le père de Denise : se tenir mutuellement au courant des développements.
Malgré ce qui aurait pu être une évidence, l’enquête a stagné pendant que les Therrien étaient bombardés d’appels téléphoniques de toutes sortes. Vers la fin de 1964, Henri, qui n’avait jamais abandonné, a réussi à attirer l’attention de Claude Wagner, le nouveau procureur général de la province, qui a immédiatement demandé à l’inspecteur Richard Masson, de la Sûreté provinciale, de se mettre sur cette affaire et de ne pas quitter la région de Shawinigan aussi longtemps que cette disparition ne serait pas résolue. Or, il n’a fallu que quelques mois à Masson pour boucler son enquête et procéder à l’arrestation de Marcel Bernier, qui est passé aux aveux le 4 avril 1965. Vers la fin du même mois, c’est sous ses indications que les policiers ont retrouvé le corps de Denise Therrien dans un boisé, mais également celui de Laurette Beaudoin, une prostituée qui fréquentait régulièrement Bernier.
En mai 1965, lors de l’enquête du coroner, Bernier avouera presque du bout des lèvres que le mobile de l’enlèvement était l’agression sexuelle, un élément qu’il refusera toujours d’aborder par la suite. De son côté, le rapport de l’inspecteur Richard Masson démontre qu’il y avait eu d’autres tentatives d’enlèvements très similaires auprès de jeunes filles dans les jours et les semaines qui ont précédés la disparition de Denise.
Le procès de Bernier s’est ouvert au palais de justice de Shawinigan le 14 février 1966. Il était défendu gratuitement par Me Guy Germain alors que la Couronne était représentée par Me Jean Bienvenue, le même procureur qui avait fait condamner le tueur en série Léopold Dion, trois ans plus tôt. Après une vingtaine de minutes de délibérations, les jurés sont revenus avec un verdict de culpabilité. Bernier a aussitôt été condamné à la peine capitale mais plus tard sa sentence a été commuée en emprisonnement à vie.
Pour la famille Therrien, l’histoire ne devait cependant pas se terminer là. Alors que le procès s’était déroulé sans histoire, Bernier lui-même a décidé de soulever la controverse en confiant ses mémoires à un député en 1977 et dans lesquelles il clamait son innocence. Mort la même année en prison d’une attaque cardiaque, les mémoires de Bernier ont été publiées chez Stanké peu après sous le titre Le Fossoyeur, les mémoires de Marcel Bernier. Principalement, l’assassin affirmait que Denise Therrien était morte accidentellement en chutant dans l’escalier de ses ravisseurs, car il faut comprendre que le scénario rocambolesque prévoyait que la jeune fille avait été enlevée dans un but ambigüe qui laissait entendre que le milieu de la prostitution n’y était pas étranger.
En 2007, le cinéaste Marc Bisaillon présentait son film La lâcheté, dont le scénario se basait entièrement sur les affirmations douteuses contenues dans le livre de Bernier. Deux ans plus tard, Isabelle Therrien, nièce de la victime, publiait son livre L’Inoubliable affaire Denise Therrien dans lequel elle démolissait les principaux arguments de Bernier après avoir consulté le dossier judiciaire. En juin 2014, la controverse est réapparue avec le livre La clef de l’énigme absolue, dont l’auteur, Jean-Guy Lefebvre, était un ancien patrouilleur de la Sûreté du Québec sans aucune expérience dans le domaine des enquêtes criminelles. Celui-ci, qui se dit défenseur de Bernier, multipliait les erreurs et les incompréhensions du système judiciaire.[1]


[1] Eric Veillette, Denise Therrien, une affaire classée, Éditions de l’Apothéose, 2015.

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