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1971, 16 juillet – Carole Marchand, 13 ans; et Chantal Côté, 12 ans

  • 15 nov. 2024
  • 32 min de lecture


Homicide sexuel – Arme à feu (calibre .303) – Enlèvement – Viol

Cap-de-la-Madeleine – 2 SC

Michel Joly s’est suicidé avant d’être arrêté; et Ludger Delarosbil, 25 ans de prison.

            Le 16 juillet 1971, Carole Marchand et Chantal Côté, deux copines qui habitaient le même quartier à Cap-de-la-Madeleine mais qui devraient bientôt déménager en raison de l’implantation de l’autoroute 40, se sont éloignées dans les bois pour aller cueillir des bleuets. Pendant ce temps, deux braqueurs amateurs, Michel Joly et Ludger Delarosbil, avaient quitté Montréal la veille à bord d’une voiture volée. En cette matinée du 16 juillet, Joly s’était mis en tête de revoir une ex-copine au Cap-de-la-Madeleine, mais comme celle-ci n’était pas là, il s’est mis en chasse, confiant à son complice qu’il avait besoin d’une relation sexuelle. Tout au loin de cette journée, les deux hommes ont consommé beaucoup de bière.         

C’est alors qu’ils ont croisé Carole et Chantal, les forçant à monter en voiture avec eux. Plus loin, la voiture des agresseurs s’est enlisée dans un marécage. Joly n’a pas perdu de temps et il s’est éloigné avec Carole Marchand, alors qu’il a demandé à Delarosbil de garder un œil sur Chantal. À l’abri des broussailles, Joly a violé Carole avant de l’abattre froidement d’une balle de sa carabine .303 tronçonnée derrière la nuque. Il est ensuite revenu chercher Chantal et lui a réservé le même sort.

            Les deux tueurs ont regagné Trois-Rivières à pied, où ils ont pris l’autobus pour rentrer à Montréal. La police s’est rapidement mise sur leurs traces. Cependant, Joly s’est enlevé la vie sous le pont Wurtele de la rue Sherbrooke, à Montréal, avec la même arme, avant que les enquêteurs lui mettent la main dessus. Pour sa part, Delarosbil a été arrêté et il a dû subir un procès au terme duquel il a été condamné à 25 ans de prison. Selon nos informations, il aurait été libéré en 2003.


Témoignage de Ludger Delarosbil devant le coroner (31 août 1971):

Puisqu’on avait besoin de ses explications pour mieux comprendre ce qui s’était produit l’été dernier, le témoignage de Ludger Delarosbil allait s’avérer être le plus long à être entendu devant le coroner Lamothe.  Sans doute informé par son avocat que la déclaration qu’il s’apprêtait à faire devant le coroner ne pourrait servir par la suite lors de son procès, le jeune homme ne démontra aucune fermeture aux question qu’on lui soumit et commença donc par raconter qu’il était âgé de 22 ans et qu’il n’avait aucune adresse fixe.  Mais sous l’insistance de Me Roland Paquin, il avouera finalement habiter au 1860 rue Ontario à Montréal, appartement 92.  Du moins, c’est là qu’il disait avoir résidé avec Michel Joly au cours des deux semaines ayant précédées le drame.  Il finit par avouer qu’il s’agissait en réalité de l’Hôtel Papineau et croyait se souvenir que ses parents habitaient au 1838 rue Ontario.

-        Est-ce que l’un ou l’autre aviez un emploi à ce moment-là?

-        Non.

-        Vous ne travailliez pas?

-        On était sur le Bien-Être Social tous les deux.

Il expliqua ensuite que le paiement du loyer se répartissait entre les deux.  Avant de demeurer avec Joly, il fut également question qu’il habitait avec ses parents au 2079 de la rue Marchand à Montréal.

-        Est-ce que c’est votre père et votre mère qui demeurent à …?

-        Mon père.

-        Votre père seulement.  Vous avez encore votre mère ou elle demeure ailleurs?

-        Ma mère est à Gaspé.

-        Est-ce que je dois comprendre que, vous, vous êtes originaire de cet endroit-là?

-        Oui.

-        Est-ce qu’il y a longtemps que vous viviez dans la région de Montréal?

-        Quatre, cinq ans.

-        Est-ce que vous avez occupé un métier en particulier à Montréal pendant ces 4 ou 5 ans?

-        Bien, j’étais journalier.

-        Est-ce que votre dernier emploi, par exemple, que vous avez occupé comme journalier, c’était quoi?

-        Sur la construction.

-        Est-ce que ça faisait longtemps ça, ou il y a longtemps que vous avez travaillé sur la construction?

-        L’été d’avant.  Il y a un an.

-        Alors, je comprends que, depuis un an, vous n’avez pas travaillé?

-        Non.

-        Est-ce que je dois comprendre que ça faisait également un an que vous rencontriez monsieur Joly?

-        Non.

-        Depuis combien de temps que vous rencontriez monsieur Joly?

-        Je l’ai rencontré à la maison [prison] de Bordeaux.

-        À quel moment l’avez-vous rencontré pour la première fois?  Ça fait un an?  2 ans?  3 ans?

-        Ah!  … Cette année.

-        Cette année?

-        Ça fait six mois.

-        À peu près six mois?

-        Le temps que j’ai fait à Bordeaux.

-        Le temps que vous avez fait à Bordeaux?

-        Oui, c’est là que je l’ai connu.

-        Et vous en êtes sorti de cet endroit-là à quelle date?

-        Le 17 juin.

-        Et vous dites que, lui, vous l’avez rencontré là?

-        Oui.

-        Est-ce qu’il est sorti en même temps que vous?

-        Lui, il était sorti le 28.

-        Le 28 juin?

-        Oui.

-        C’est combien de temps après sa sortie à lui que vous l’avez rencontré?

-        Ah!  Disons … deux semaines, à peu près.  Environ deux semaines.

-        Bon.  Est-ce que l’un ou l’autre de vous deux avait une voiture?

-        Non.

Après avoir utilisé un calendrier pour bien situer le témoin, Me Paquin l’invita à explique que c’est dans la soirée du 15 juillet qu’il avait retrouvé Joly, les deux amis décidant de faire une « virée ».  Si la période où il s’était retrouvé sur l’assistance social pouvait correspondre avec un séjour passé derrière les barreaux, on n’en su jamais rien.

Après avoir identifié Michel Joly sur une photo, le témoin fut ramené au soir où les deux voyous avaient volés la Buick.  Delarosbil confirma que le vol s’était produit sur la rue Alexandre de Sève en plus d’estimer que la voiture était, selon lui, de modèle 1961 ou 1962.  Détail important, Me Paquin lui fit préciser qu’elle était alors verrouillée et que les clés étaient absentes.

-        Qui a conduit l’automobile au moment où vous en prenez possession?

-        Moi.  Je l’ai starté.  C’est Michel qui a conduit.  Moi, je ne savais pas conduire.  Bien, je savais conduire, mais … moi, j’ai starté le char.

-        Puis c’est Michel, vous dites, qui a conduit?

-        Moi, je l’ai pris, j’ai été le porter au garage sur la rue Ontario.  À partir de ce moment-là, c’est Michel qui a conduit tout le temps.

-        Vous êtes allé la porter au garage sur la rue Ontario pourquoi?

-        Bien, pourquoi?  On s’en allait au club après.

-        Oui, mais au garage, est-ce qu’elle faisait défaut l’automobile?

-        Non, non, non.  On a été la parquer [stationner].

Après avoir précisé avoir dû fracasser la vitre de la portière côté passager pour procéder au vol, ils avaient laissé le véhicule dans ce qu’il décrira comme un garage ou une clinique Esso vers 0h15 ou 0h20 avant de marcher jusqu’au Lion d’Or sur la rue Ontario.  Lors de ses aveux, Delarosbil avait pourtant mentionné que c’est Joly qui avait fracassé la vitre, alors que maintenant il affirmait être responsable du geste.  L’apparition d’une telle contradiction laissait-elle entendre la venue d’une nouvelle version des faits?

Ils se seraient alors dirigé vers un magasin dans le but de commettre un braquage, mais en constatant que le commerce convoité était déjà fermé les deux amateurs étaient revenus au Lion d’Or, d’où ils seraient finalement sortis entre 2h30 et 3h00 de la nuit.  C’est ensuite qu’ils étaient revenus à la Buick avant de se rendre compte plus tard, alors qu’ils se dirigeaient vers le Cap-de-la-Madeleine, que la voiture contenait différents objets dont une canne à pêche, un cric, des accessoires de pêche, une perceuse de marque Black & Decker, des amortisseurs, et des bougies d’allumage.  Et dans l’habitacle, ils avaient également trouvés des couvertures.  Lorsqu’on lui montra la photo C-4, Delarosbil identifia formellement la voiture qui avait servi à leur escapade maudite et dont le numéro de plaque 294-620 apparaissait nettement sur le cliché noir et blanc immortalisé par le photographe de la police.

Au moment de leur dernière sortie du Lion d’Or, il dira qu’ils avaient eu « l’idée de s’en venir faire un tour à Trois-Rivières ».  Ils avaient donc emprunté la route 138.  Arrivé à Trois-Rivières en matinée, vers 5h30 ou 5h45, les deux comparses avaient mangé un morceau dans un restaurant qu’il ne put identifier.  En fait, puisqu’il n’avait apparemment jamais mis les pieds dans la région trifluvienne il sera difficile pour Delarosbil de situer plusieurs endroits tout au long de son témoignage.  Il fut aussi question d’un achat de cigarettes.

Après cet arrêt, ils s’étaient dirigés vers le Cap-de-la-Madeleine.  Il parlera alors d’un CEGEP dans le secteur avant de mentionner plutôt l’école des Métiers.  Voilà qui paraissait plus logique puisqu’il n’y avait aucun CEGEP au Cap.  Par la suite, Joly et Delarosbil s’étaient engouffrés dans un secteur boisé afin de dormir dans la Buick.  Il estima alors qu’il devait être environ 6h10.

-        Alors, voulez-vous nous raconter qu’est-ce qu’il se passe par la suite?

-        Là, on s’est couché.  On s’est levé il était environ 10h00.  Là, on est descendu à l’épicerie chercher de la bière.

-        Vous êtes allés à l’épicerie chercher de la bière?

-        Là, on s’est promené dans le bois.  On a pris ça, et puis après on est retourné à l’épicerie.

-        Bon.  Vous êtes allés chercher de la bière à l’épicerie, la première fois, vers 10h00?

-        Oui.

-        Où ça?

-        Ah!  Sur la rue Thibeau, je crois.

-        Vous avez acheté quoi exactement?

-        Douze [Labatt] 50.

-        Douze bouteilles de bière 50?

-        Oui, et puis un paquet de cigarettes.

-        Est-ce que vous avez acheté autre chose à ce moment-là?

-        Non.

-        Alors, vous avez juste acheté ça et puis vous retournez dans le bois?

-        Oui.

-        Et ensuite, qu’est-ce qu’il se passe?

-        Ensuite, on a pris ça.  On a encore retourné vers midi, je pense.  L’heure, ce n’est pas sûr.  Je n’avais pas de montre.

-        Mais vous êtes retourné à la même épicerie?

-        Oui.

-        Pour acheter quoi?

-        Douze autres petites 50.

-        Douze autres petites 50?

-        Oui, et puis deux paquets de cigarettes et puis un opener [ouvre-bouteille].

Les deux jeunes hommes étaient retournés dans le bois pour boire la bière qu’ils venaient d’acheter tout en occupant leur temps à changer l’huile de leur automobile volée puisque le moteur commençait apparemment à en manquer.  D’ailleurs, dit-il, un témoin rouge s’était allumé dans le tableau de bord pour l’indiquer.

          Peu après, Michel Joly s’était retrouvé à discuter une quinzaine de minutes avec un dénommé Michel qui s’était arrêté pour leur prêter un cric afin de les aider à se tirer de leur fâcheuse position.  Delarosbil se souviendra seulement que cet homme conduisait une Chevrolet ou une Pontiac de couleur jaune munie d’un toit en vinyle noir.

Après le départ du Michel à la voiture jaune, un camion s’était arrêté.  Joly et Delarosbil avaient alors dû expliquer pourquoi leur Buick s’était enlisée.  C’était parce que « on chauffait vite », dira Delarosbil devant le coroner.  La question était cependant de savoir si une voiture quittant la route en raison de la vitesse restait seulement embourbée en bordure de celle-ci ou alors n’allait-elle pas faire une sortie de route suivie d’un vol plané?  Est-ce que cet enlisement n’aurait pas été le résultat d’une conduite erratique causée par la consommation de plusieurs bières?  Or, il ne fut jamais question de ces détails devant le coroner.  Peut-être le procureur se gardait-il quelques cartes dans sa manche si toutefois Delarosbil aurait le culot de témoigner lors de son propre procès, là où les enjeux seraient beaucoup plus pointus.  D’ailleurs, dans ses aveux du 24 juillet, il avait plutôt expliqué que la voiture s’était embourbée au moment de se ranger sur le côté afin de se mettre à la recherche d’eau pour le radiateur.  Mais puisque ses aveux n’avaient pas été déposés en preuve et que ce n’était non plus le but d’une enquête de coroner, cette autre contradiction passa apparemment sous silence.

  Delarosbil, qui ne se serait jamais retrouvé au volant de la voiture volée en aucun moment au cours de la journée du 16 juillet, dira que l’homme à l’automobile jaune était demeuré en leur compagnie « le temps de prendre une petite bière ».

-        Vous lui avez offert de la bière ou quoi?

-        Oui, je lui ai offert une bière.  Il l’a pris[e].

-        Est-ce que vous avez parlé, vous, avec ce type-là?

-        Bien, j’ai parlé.  Il m’a demandé, il me questionnait si ça faisait un bout de temps que je connaissais Michel, tout ça.

-        Vous dites que lui, il avait l’air à bien connaître Michel Joly?

-        Oui, parce que c’étaient des amis.

-        Vous souvenez-vous un peu de quoi il a été question avec le Michel, là?

-        Non.

-        Vous ne vous souvenez pas?

-        Juste l’affaire qu’il travaillait dans un bar, il jouait du piano et puis il chantait.

-        Qu’est-ce qui se passe dans l’après-midi?

-        Là, on est descendu au lac.  Le stock qu’il y avait dans le char, on a été le cacher dans le bois.

-        En partant du Lac Montplaisir?

-        Oui.

-        Est-ce que c’était à l’endroit où vous avez couché ou à un autre endroit?

-        C’est dans le bois, mais je ne peux pas dire où est-ce que c’est.  C’est la première fois que j’allais là.  Il y a juste Michel qui connaissait bien l’endroit.

-        Vous dites que Michel connaissait bien l’endroit?

-        Oui.

-        Ensuite, qu’est-ce que vous avez fait après avoir caché le stock?

-        On s’est promené à peu près une demi-heure dans le bois, trois quart d’heure.  Après ça, on est descendu au garage chercher du gaz.

-        Où ça, à peu près?

-        Moi, je me souviens que c’est un garage sur la rue Thibeau[1].

Il précisa ensuite que cette station d’essence qu’il croyait être à l’effigie de Texaco se situait près de l’épicerie dont il avait déjà été question mais du côté opposé du boulevard Thibeau.  Ils auraient donc mis seulement 3.00$ d’essence, ce qui avait été suffisant pour remplir le réservoir.  Il fut également question qu’on leur avait alors remis une carte cadeau Galaxie

Après avoir fait le plein, les deux complices étaient retournés dans le bois, où ils avaient passé un certain temps avant de revenir au garage Texaco s’acheter deux Coca-Cola.  À force de cuisiner le témoin, on apprit que tous ces achats et courses auraient été effectuées au cours de la matinée.  Sans que tous ces détails n’apparaissent nécessairement d’une clarté sans reproche, il fut question d’un autre achat de bière un peu plus tard au cours de la journée.  Ainsi, on devait en déduire qu’ils avaient bu douze bières chacun.  Finalement, ainsi motivés par l’alcool, ils s’étaient enfin décidés à se rendre chez Diane Gauthier, l’ex-copine de Joly.  Si Delarosbil croyait qu’elle habitait quelque part au Cap, il ne put se rappeler du nom de la rue.

-        Qu’est-ce qui s’est passé, là?

-        Bien, Michel a sorti du char pour voir si elle était là, et puis elle n’était pas là.  Il n’y avait personne.

-        Est-ce que vous l’avez vu sonner à quelque part ou …

-        Il a sonné.  Je pense qu’il a sonné ou il a cogné.  Je sais qu’il a placé sa main sur le bord de la porte.

-        Est-ce que c’était dans un premier étage ou un deuxième?

-        Un premier.

-        Et puis ensuite, qu’est-ce que vous avez fait quand vous avez vu que Mlle Gauthier n’était pas là?

-        Là, on est parti.

-        Parti pour où?

-        On est parti pour aller dans le bois.

-        Encore dans le même bois que tantôt?

-        Oui.

-        Et ensuite, qu’est-ce qui est arrivé?

-        Là, on est sorti et puis on a rencontré les deux petites filles.  Et puis Michel, il a retourné trois, quatre fois.  On s’est promené deux, trois fois.  C’est là qu’a eu lieu le kidnapping sur la rue Pierre Boucher.

-        Bon.  Là, vous dites que vous avez fait quelques tournées dans le bois?

-        Oui.

-        Et puis vous avez rencontré les deux petites filles sur la rue Pierre Boucher.  Elles étaient sur la rue Pierre Boucher?

-        La rue Pierre Boucher est de même, là, et puis il y a une côte de sable, là.  Il y a du sable, là.

-        Il y a une côte de sable, vous dites?

-        C’est un chemin de sable.  C’est là qu’on les a rencontrées, et puis Michel leur a parlé.

-        Est-ce que, à l’endroit où vous les avez vues pour la première fois,  c’était proche de la rue ou loin?

-        À peu près 25, 30 pieds de la rue.

-        Cette rue-là, savez-vous où elle débouche?

-        Non.

-        Qu’est-ce qu’elles faisaient les petites filles au moment où vous les voyez pour la première fois?

-        Elles s’en allaient à la maison, je pense bien, et puis elles avaient des bleuets.

-        Dans quoi avaient-elles ces bleuets-là?

-        Dans des canisses.

-        Des canisses de quoi?  Vous rappelez-vous?

-        Il y en a une qui avait comme une chopine de crème à la glace, et puis l’autre c’était une canne de café Sanka.

Sur la photo C-4, le témoin identifia la fameuse boîte métallique de café qu’il venait de mentionner[2].

-        Qu’est-ce qu’on voit sur le siège?, questionna Me Paquin en se référant toujours à la même photo.

-        Des bleuets.

-        Monsieur Delarosbil, vous nous avez parlé antérieurement, dans votre témoignage, de votre intention d’aller faire un vol, n’est-ce pas?

-        Oui.

-        À minuit le soir?

-        Oui.

-        Et puis là, vous venez de nous parler de kidnapping?

-        Bien, sur la rue Pierre Boucher, ça.

-        Oui, oui, sur la rue Pierre Boucher au Cap-de-la-Madeleine?

-        Oui, mais ça n’a pas d’affaires avec le vol.

-        Non, non, je comprends.  Mais quand même, ces deux incidents, dont je veux rapprocher les circonstances, est-ce que vous étiez armés à ce moment-là?

-        Oui, oui.  On avait une carabine de calibre .303 tronçonnée.

-        C’était à qui cette arme?

-        Michel.

-        À Michel Joly.  À quel moment avez-vous pris possession de cette arme-là?

-        Nous?

-        Oui.

-        Le soir.

-        Où l’avez-vous prise cette arme-là?

-        À l’appartement.

-        Est-ce qu’il y a longtemps que vous aviez déjà vue cette arme-là?

-        Je l’ai vue la première semaine que j’ai resté avec.

-        La première semaine que vous êtes resté avec lui?

-        Oui.

-        Est-ce que vous avez eu l’occasion de constater qu’il s’en soit servi pendant le temps que vous êtes demeuré avec lui?

-        Oui, deux ou trois fois.

-        Deux ou trois fois.  Pourquoi?

-        Pour faire des hold-up.

-        Avant votre voyage au Cap-de-la-Madeleine?

-        Oui.

Après que le témoin eut identifié la carabine tronçonnée, entre autres par certaines écorchures sur le bois, on la déposa sous la cote C-9.

-        Est-ce que vous avez eu connaissance quand elle a été coupée cette arme-là?

-        Non.  Quand j’ai arrivé à l’appartement, elle était de même.

-        Est-ce que, d’après vous, elle est coupée aux deux extrémités?

-        Oui.

-        Vous dites que c’est un calibre .303?

-        Oui.

-        Avez-vous vu des projectiles, vous, dans l’automobile, des munitions, quand vous vous êtes rendu au Cap-de-la-Madeleine?

-        Il y avait 8 ou 9 balles dans le chargeur.

-        Comment savez-vous ça qu’il y avait 8 ou 9 balles dans le chargeur?

-        C’est lui qui me l’a dit.

-        L’avez-vous déjà utilisée, vous, cette arme-là?

-        Non, jamais.

-        À l’appartement où vous étiez, est-ce qu’il y avait des munitions également?

-        Oui, il y avait … il y en avait trois.  Il y avait trois douilles dans un sac.

-        Il y avait trois …

-        Trois balles de .303 dans un sac.

-        C’est tout ce qu’il y avait, ça?

-        Oui.

-        Comme munitions?

-        Oui, et puis le chargeur était plein.

-        Alors, voulez-vous nous dire comment ça se passe quand vous rencontrez les petites filles pour la première, sur la rue Pierre Boucher?

-        En partant direct sur la rue?

-        Oui, la première fois que vous voyez les petites filles, là?

-        Là, on voit les petites filles.  Michel a fait le tour sur la rue Pierre Boucher.  Il est revenu.  Puis là, il leur a parlé.

-        Il leur a parlé?

-        Oui.  Et puis il a demandé le nom de la petite fille.  Là, Carole, elle dit « Carole ».  Michel a répondu tout de suite « Carole Marchand ».  Je pense qu’il la connaissait avant.

-        Vous dites qu’il la connaissait avant?

-        Bien … il a dit son nom.

-        Ensuite?

-        Ensuite, il a sorti avec la carabine.  Il a changé de bord de rue.  Il leur a dit d’embarquer dans le char.  Et puis après ça, on a monté dans le bois.

-        Est-ce qu’il leur a parlé, leur a dit d’autres choses aux petites filles?

-        Bien, quand elles ont embarqué dans le char, il leur a dit qu’il travaillait pour la police.

-        Il leur a dit qu’il travaillait pour la police?

-        Oui.

-        Vous, qu’est-ce que vous avez dit dans tout ça?

-        Qu’est-ce que vous voulez que je dise?  Je n’ai rien dit.

-        Vous n’avez rien dit?

-        Non.

-        Êtes-vous descendu, vous, de l’automobile quand les petites filles sont embarquées?

-        Non.

-        Les petites filles, est-ce qu’elles ont monté en avant de la voiture ou en arrière?

-        En arrière.

-        Les deux?

-        Oui.

-        L’autre petite fille – il a été question de Mlle Carole Marchand, mais l’autre?  Est-ce qu’on a demandé son nom?

-        Non.

-        Est-ce que vous le savez aujourd’hui son nom?

-        Bien, je le sais par rapport …  Bien, il a demandé son nom dans le bois.  Il a demandé à Marchand.  Marchand a dit que c’était une petite Côté.

-        Son petit nom, savez-vous?

-        Chantal.

-        Chantal Côté.  Est-ce qu’il a été question, au moment où les petites filles sont montées dans la voiture, de l’endroit où vous alliez?

-        Non, il n’y a pas eu de question.  On les a embarquées, et puis on a monté tout de suite dans le bois.  Là, on s’est promené.  On a monté dans le bois, là.  Les petites filles ont embarqué, on a monté dans le bois, on s’est promené environ une demi-heure dans les trails qu’il y avait là.

-        Vous vous êtes promenés environ une demi-heure?

-        Oui.

-        Avec les petites filles assises en arrière?

-        Oui.

-        Qu’est-ce qu’elles disaient à ce moment-là les petites filles?

-        Bien, elles disaient qu’elles étaient nerveuses.

-        Est-ce qu’il y en a qui ont demandé, il y en a une des deux qui a demandé pour descendre, s’en aller ou …?

-        Non.

-        De toute façon, elles pensaient que c’était la police, eux autres?

-        Bien, il a dit qu’on travaillait pour la police.

-        C’est ça que vous avez dit?

-        Ce n’est pas moi, c’est lui.

-        Et ensuite, qu’est-ce qui s’est passé?

-        Là, on est monté dans le bois.  On s’est promené.  Michel a débarqué avec Marchand.  Là, il a fait environ à peu près 100 pieds et puis il est revenu.  Moi, j’ai resté dans le char avec la petite Chantal.  Là, il m’a fait débarquer du char et puis il m’a dit d’aller me promener avec, qu’il avait quelque chose à faire avec la petite Marchand.  Après ça, quand moi j’ai revenu, lui, il a embarqué avec Carole dans le char.  Et puis là, il est parti avec.  Après ça, là, il est revenu tout seul.

-        Là, vous allez dans le bois, vous dites, avec les deux petites filles.  Et puis à un moment donné vous dites que Michel Joly part avec laquelle des deux?

-        La petite Marchand.

-        Bon.  À pieds ou en automobile?

-        À pieds.

-        Où va-t-il?

-        À peu près 100 pieds plus loin.

-        Tout seul avec?

-        Oui.  Là, il est revenu.

-        Il est revenu tout seul?

-        Il est revenu avec elle.

-        Avec elle?

-        Oui.

-        Combien de temps après?

-        À peu près 5 minutes.

-        Est-ce qu’il avait apporté son arme?

-        Oui, il l’avait tout le temps.

-        Il l’avait tout le temps?

-        Tout le temps.

-        La première fois qu’il s’en va avec Carole Marchand, il a emporté son arme?

-        Oui.

-        Est-ce que vous pouviez le voir, lui, à l’endroit où il était?

-        Non.

-        Quand il est revenu, qu’est-ce qu’il vous a dit?

-        Là, il m’a fait débarquer du char et puis il m’a envoyé … il dit : « va te promener avec Carole … avec Chantal », je veux dire.  Après ça, bien, il a arrivé.  J’ai parti, moi, là.  J’ai été me promener et puis il a rentré dans le char avec Carole.  Là, … bien, il a parti au côté du char avec.  Après ça, il m’a fait rechanger et puis il a parti avec.  Quand il est revenu, quand il a été revenu, il est revenu tout seul.

-        Quand il est revenu la première fois avec Carole Marchand, qu’est-ce qu’elle faisait?

-        Elle faisait rien.  Elle était nerveuse.  Elle ne parlait pas.

-        Elle ne parlait pas?

-        Michel lui parlait et puis elle ne répondait pas.

-        Est-ce qu’elle pleurait?

-        Non.

-        Elle ne pleurait pas?

-        Non.

-        Là, il vous fait descendre de l’automobile, vous et Mlle Côté, et puis il vous dit de vous promener dans le chemin?

-        Oui.

-        Où ça, vous promener?

-        Dans le chemin où est-ce que le char était.

-        Est-ce qu’il passait des automobiles dans ce chemin-là?

-        Bien, le char n’était pas là, mais où est-ce que les chars passent, c’est là qu’on s’est promené.

-        Est-ce qu’il est passé des automobiles pendant que vous vous promeniez?

-        Non, aucune.

-        Est-ce qu’il pouvait en passer?  Vous en avez vu passer dans ce chemin-là?

-        Non.  J’en ai entendu sur la rue St-Maurice, mais pas dans le chemin où est-ce qu’on était.

-        Mais vous autres, vous aviez passé dans ce chemin-là en automobile?

-        Oui.

-        Est-ce que ça circulait bien?

-        Oui.

-        C’est un chemin de gravelle?

-        Non, non, c’est un chemin de terre.

-        Mais ça allait bien en automobile?

-        Oui.

-        Et puis vous, vous vous êtes promené dans le chemin pendant que Michel Joly était parti avec Carole Marchand en automobile?

-        Non, non.  Quand je me suis promené, moi, il a été au côté de l’automobile avec.

-        Il n’a pas déplacé le char?

-        Non.  Le char est resté à la même place.

-        Et puis vous, vous vous promeniez?

-        Oui.

-        Qu’est-ce qui se passe pendant ce temps-là?

-        Il ne se passait rien.  On se promenait.

-        Non, mais avec Carole Marchand et Michel Joly?

-        Je ne sais pas, moi.  J’ai rien vu.

-        Où étiez-vous à ce moment-là?

-        J’étais en haut.

-        En haut?

-        J’étais à peu près 125 pieds du char.

-        Comment savez qu’il est resté à côté de l’automobile?

-        Bien, je l’ai vu y aller.  Je l’ai vu aller à côté de l’automobile.  C’est là que j’ai parti avec la petite Côté.

-        Quand ils sont arrivés tous les deux à côté de l’automobile, qu’est-ce qu’ils ont fait?

-        La petite Marchand a embarqué en avant.  Michel a embarqué à côté du conducteur.  Là, il a parti.  Deux, trois minutes après, Michel est arrivé tout seul.

-        Vous n’êtes pas capable de nous dire qu’est-ce qu’il a fait à côté de l’automobile?

-        Bien, qu’est-ce qu’il a fait!  Il m’a dit qu’il avait fait du mal avec, un viol.

-        Il vous a dit qu’il avait fait du mal avec?

-        Oui.

-        Mais vous, vous ne l’avez pas vu?

-        Non, j’ai rien vu de ça.

-        À quel moment qu’il vous dit ça?

-        Il m’a dit ça quand il est parti avec, là.  Quand il est revenu tout seul.  C’est là qu’il m’a dit qu’il avait violé la petite fille et puis qu’il ne voulait pas … qu’il l’avait tuée, tout ça.  Qu’il ne voulait pas avoir de témoin.  Et puis là, il a poigné la petite Chantal et puis il l’a tirée.

-        Mais il vous a dit que le viol, ça s’était passé à côté de l’autombile?

-        Oui.

-        Est-ce que vous étiez là quand il est parti avec pour s’en aller en automobile?

-        Oui.

-        Vous étiez là, avec mademoiselle Côté?

-        Oui.

-        Vous étiez tous ensemble?

-        Oui.

-        Et puis là, vous prétendez que, à ce moment-là, il avait violé mademoiselle Marchand?

-        Oui.

-        Et puis là, il partait en automobile avec?

-        Oui.

-        Est-ce qu’il vous a dit qu’est-ce qu’il allait faire?

-        Bien, il ne m’a pas dit … il est parti avec.  Et puis moi, j’ai entendu un coup de carabine.  Quand j’ai arrivé, j’ai dit de même, j’ai dit « tu as fait une folie là, toi ».  Il dit : « je ne veux pas avoir de témoin pour une charge de viol ».

-        Ça, il vous a dit ça quand il est revenu?

-        Oui, il est revenu tout seul.

-        Quand il est parti en automobile avec mademoiselle Marchand, est-ce qu’il a apporté l’arme qui est là?

-        Oui.

-        Dites-nous donc, monsieur Delarosbil, est-ce que vous saviez qu’est-ce qu’il allait faire?

-        Non, il ne me l’avait pas dit.

-        Il ne vous l’a pas dit?

-        Non.

-        N’est-il pas vrai qu’il vous avait dit à ce moment-là qu’il ne voulait pas avoir de témoin et puis qu’il s’en allait la tuer?

-        Non, il ne m’a pas dit ça.

-        Au moment de partir avec elle?

-        Non.  Après.

-        Après?

-        Il m’a dit ça après qu’il avait …  Il m’a dit ça pendant qu’il prenait la petite Côté, là, qu’il s’en allait la tuer.  C’est là qu’il m’a dit ça.

-        Pour aller la tuer.  C’est là qu’il vous a dit …

-        Qu’il l’avait tuée.

-        Est-ce qu’il est allé loin en automobile?

-        Je ne sais pas.

-        Combien de temps après avez-vous entendu quelque chose, vous?

-        À peu près … deux, trois minutes.

-        Deux, trois minutes après son départ?

-        Oui.

-        Vous avez entendu quoi?

-        Un coup de feu.

-        Monsieur Joly est revenu combien de temps après?

-        Deux, trois minutes après.

-        Et ensuite, quand il est revenu, qu’est-ce qui s’est passé?

-        Là, il m’a dit, de même, que …  Là, il m’a dit de même qu’il ne voulait pas avoir de témoin pour ça, une charge de viol de même, là.  Il venait de faire une folie, qu’il l’avait tuée.  Il ne voulait pas avoir de trouble avec ça.  Il a poigné la petite Côté et puis il a été la tirer.

-        Vous dites qu’il a poigné la petite Côté et puis …

-        Il est allé la tirer.

-        Pendant ce temps-là, vous, pendant qu’il était parti avec mademoiselle Marchand, en automobile, vous vous promeniez dans le chemin avec la petite Côté?

-        Oui.

-        Qu’est-ce qui se passait avec elle pendant ce temps-là?

-        Rien.

-        Il ne s’est rien passé?

-        Rien du tout.

-        Avez-vous parlé de quelque chose?

-        Non.  Bien, j’y parlais.  J’y ai demandé si elle était nerveuse.  Elle me disait « oui ».  J’y disais qu’il n’avait pas d’affaires à y avoir du trouble, pas être sur les nerfs, qu’il aurait rien arrivé.

-        Vous lui disiez de ne pas être sur les nerfs, qu’il arriverait rien?

-        Oui.

-        Est-ce qu’elle a manifesté le désir de s’en aller à un moment donné pendant que vous étiez seul avec?

-        Non.

-        Lui avez-vous offert de s’en aller?

-        Non, bien non.

-        Vous ne lui avez pas offert?

-        Je n’ai pas eu l’idée.

-        Vous n’avez pas eu l’idée?

-        J’étais trop nerveux.

-        Vous étiez trop nerveux.  Vous n’avez pas eu l’idée de la cacher?

-        Non.

-        Ou de la faire disparaître?

-        Non.  … Bien, oui.  Il y a une fois, je lui demande, j’ai dit : « Si tu veux t’en aller, si tu veux déserter », quelque chose de même, en tout cas.  Elle dit : « non, je préfère attendre mon amie ».

-        Quand Michel Joly est revenu tout seul, est-ce que vous avez vu son arme?

-        Oui, il l’avait dans les mains.

-        Est-ce qu’il est descendu de l’automobile quand il est revenu?

-        Oui.

-        Est-ce qu’il a parlé à mademoiselle Côté?

-        Il l’a fait embarquer et puis là, il était monté à peu près une cinquantaine de pieds.

-        Est-ce que vous êtes embarqué vous-même?

-        Oui.

-        Et puis vous dites qu’il a fait une cinquantaine de pieds?

-        Oui.

-        Pas plus que ça?

-        Non.

-        Et puis ensuite?

-        Et puis ensuite, c’est là qu’il a parlé de ça « je ne veux pas avoir de témoin ».  Moi, j’y ai dit de pas faire ça, et puis il a commencé à crier après moi.

-        Mademoiselle Côté, où était-elle dans la voiture?

-        En arrière.

-        Vous, vous étiez en avant?

-        Oui.

-        Avec monsieur Joly?

-        Oui.

-        Et l’arme?

-        L’arme était en avant.  Sur les genoux de Michel.

-        Et puis là, pendant le trajet, le cinquante pieds en question, il dit qu’il ne veut pas avoir de témoin puis qu’il veut faire disparaître aussi la petit Côté?

-        Oui.

-        Et puis ensuite, qu’est-ce qui arrive?

-        Ensuite, c’est là qu’il l’a poignée par le bras.  Il l’a sortie de la voiture et puis il est allé la tirer.

-        Êtes-vous sorti de la voiture vous-même?

-        Non.  J’ai resté dans la voiture.

-        Et puis vous, vous attendiez que ça finisse dans l’automobile?

-        Oui.

-        De l’automobile, est-ce que vous pouviez voir Michel Joly qui tuait …

-        Non.

-        … Mademoiselle Côté?

-        Non.

-        Vous ne pouviez pas voir ça?

-        Non.

-        Et puis ensuite, qu’est-ce qui est arrivé?

-        Là, on est allé pour sortir du bois.

-        Après coup, quand vous avez constaté que mademoiselle Côté avait été tuée également, vous n’êtes pas allé voir son corps dans le bois?

-        Non.

-        Constaté quelque chose, lui porter secours?

-        Non.

-        Vous n’êtes pas allé?

-        Si j’aurais été, c’est moi qui l’aurais eu.

-        C’est vous qui auriez eu quoi?

-        J’aurais eu une balle.

-        Ensuite, qu’est-ce qui s’est passé?

-        Là, Michel est rentré dans le char, a été pour partir du bois.  Là, il a été pour tourner et puis il s’est trouvé pris.  Il a essayé de sortir le char de reculons ou d’avant, et puis ça n’a pas marché.  La transmission a manqué.  C’est là qu’il l’a envoyé dans le bois.

-        La transmission a fait défaut, vous dites?

-        Oui.  Le reculons a manqué, dessus.

-        Là, vous avez rentré dans le bois?

-        Oui.

-        Est-ce que Michel Joly vous a raconté comment il s’était pris pour tuer les deux petites filles?

-        Bien, il m’a dit qu’il les avait tirées dans la nuque.

-        Dans la nuque?

-        C’est la seule chose qu’il m’a dit.

-        Les deux de la même façon?

-        Oui.

-        Qu’est-ce que vous avez fait après avoir placé l’automobile dans le bois?

-        Là, on est sorti du bois et puis on a été dans un cimetière au Cap.

-        Vous êtes allé au cimetière au Cap?

-        Oui.  Michel …  Là, à ce moment-là, on a essayé de voler un char pour monter à Montréal.

-        Vous étiez toujours avec Michel Joly?

-        Oui, oui.

-        Et puis vous essayez avec lui de voler un char pour vous en aller à Montréal?

-        Oui.  Ça, c’est avant d’aller au cimetière.

-        À ce moment-là, quand vous êtes partis de l’automobile, où était cette carabine-là?

-        Elle était dans un sac à poignée gris.

-        Qu’est-ce que vous en avez fait quand vous êtes parti de l’automobile?

-        On l’a placée dans un sac et puis Michel l’avait … Michel, là, quand on a sorti du bois, Michel l’avait dans les mains.  Après ça, il y a la voie ferrée, et puis rendue sur la voie ferrée on l’a mis dans un sac.

Delarosbil jura ensuite que l’arme, la fameuse carabine tronçonnée de calibre .303, les avait accompagnées depuis leur départ de Montréal et qu’elle était chargée.  Après le double meurtre, il dira être sorti du boisé et avoir traverser quelques rues où ils avaient tenté de voler une ou plusieurs autres voitures.  C’est seulement ensuite qu’ils avaient atterrit dans un cimetière, que l’on devine être celui de Ste-Marthe puisque Delarosbil ne connaissait pas suffisamment le secteur pour le préciser.  Après être resté de 1h30 à 2h00 dans ce cimetière, ils avaient repris leur périple à pied vers Trois-Rivières avant de monter à bord d’un taxi qui les avait conduit au terminus d’autobus de Trois-Rivières, où ils s’étaient embarqué vers Montréal, toujours avec la carabine sur eux.

-        À quel endroit vous avez pris votre taxi?

-        Ah!  Là, au juste, je ne sais pas.

-        C’est au Cap-de-la-Madeleine?

-        Oui.

-        Vous savez où est le pont Duplessis au Cap-de-la-Madeleine, qui traverse … là?

-        Oui.  Avant le pont.

-        Enfin, du côté du Cap?

-        Oui, oui.

-        Bon.  Est-ce que c’est loin du pont?

-        Ah! Non.  Je ne pense pas.

-        Le monsieur qui vous a conduit en taxi à l’autobus, vous dites?

-        Oui.

-        Pouvez-vous nous le décrire, quelle sorte de type que c’était?

-        C’est un petit noir.  Il était à peu près de 37 ans, 39 ans.  Il portait des lunettes et puis il avait une perruque sur la tête[3].

Il estimera ensuite que le départ de l’autobus de la compagnie Voyageur s’était effectué à 23h45 pour rouler en direction de Montréal.  Lui et Joly n’auraient attendu qu’une dizaine de minutes seulement à la gare de Trois-Rivières.  Les deux voyous, maintenant devenus des tueurs accomplis, seraient arrivés au terminus de Montréal vers 2h10.  Ils avaient finalement pris un taxi pour rentrer à l’appartement, où ils s’étaient couchés sans tarder, probablement vidés de leur énergie.

Parmi les autres points que la Couronne se devait d’éclaircir on retrouvait la question concernant l’unité entre les complices.  En d’autres termes, le fait de déterminer le temps qu’il était demeuré auprès de Joly suite à leur retour à Montréal pouvait révéler certains indices quant à sa complicité ou, en quelque sorte, son accord avec la commission de ce crime.  Par exemple, un complice qui n’aurait pas trouvé la force nécessaire d’intervenir au moment même du drame aurait très bien pu manifester vivement son désaccord peu de temps après.  Fut-ce le cas?

Apparemment non, puisque Delarosbil ne mentionna aucun conflit entre eux et dira même que le mardi soir, 20 juillet, Michel Joly avait quitté l’appartement seul.  C’était la première fois que le duo se séparait depuis le double meurtre.  En fait, il expliqua avoir passé la nuit du 16 au 17 juillet avec Joly à leur appartement de la rue Ontario.  Le samedi soir, ils s’étaient rendus chez des amis de Delarosbil, tout comme le dimanche soir, mais chez des amis différents.  Ce dimanche soir, ils se trouvaient chez un certain Robert Filion du 1950 de la rue Alexandre de Sève, appartement 7.  Le lendemain, ils fut question que les deux tueurs se seraient rendu sur la rue Masson.

-        La carabine, à ce moment-là, qui est ici, où était-elle?, questionna Me Houde.

-        Elle était sur la rue Whitehead, et puis Sherbrooke.  Bien, pas sur la rue Whitehed, mais Montgomery, je pense, Montgomery et puis Sherbrooke.

-        Chez qui?

-        Elle était cachée.

-        Dans une maison ou …?

-        Non, non.  Dans le bois, en dessous d’un arbre.

-        Sur la rue …?

-        Montgomery, en bas de Sherbrooke.

-        Qui l’avait cachée là?

-        Michel.

-        Vous étiez présent à ce moment-là?

-        Non.

Si Delarosbil n’était pas avec Joly au moment de cacher l’arme du crime, c’est donc dire qu’il fallait apporter une nuance importante au fait qu’il prétendait être resté en sa compagnie jusqu’au mardi soir.

-        Il l’a cachée samedi soir, ajouta Delarosbil.

-        Qui vous a dit ça?

-        C’est lui.

-        L’avez-vous revue ensuite cette arme-là?

-        Non.  Je ne l’ai plus revue après.

Le dimanche soir Joly et Delarosbil s’étaient donc rendu chez un ami de ce dernier du nom de Dollard « Gerry » Boudreau qui habitait sur la rue Basile-Patenaude, près de Masson.  À force de le presser de questions, le témoin revint quelque peu sur son idée.  Cette fois, il fut question que le duo s’était séparé le lundi soir pour coucher en deux endroits différents.  Alors que Joly avait à nouveau dormi chez Boudreau ce soir-là, Delarosbil avait dû crécher dans l’appartement d’un dénommé Paquin puisqu’il n’y avait apparemment plus de place chez le premier.

Quant à la suite de son témoignage, elle connaîtra plus tard toute son importance puisque des questions précises seraient soulevées en lien avec cette période de quelques jours de cavale au cours de laquelle Michel Joly s’était enlevé la vie.

-        Et le lendemain, c’est lundi.  Qu’est-ce que vous faites le lundi?

-        Le lundi, Michel va coucher chez Dollard Boudreau, et puis moi, je vais coucher chez le même que dimanche soir.

-        Vous couchez encore à la même place le lundi soir.  Pendant la journée de lundi, qu’est-ce que vous avez fait?

-        On n’a rien fait.  On a resté à l’appartement.

-        Est-ce qu’il y avait une raison particulière pour …

-        Bien, on était traqué.

-        Et ensuite?

-        Là, mardi, Michel est parti.

-        En avez-vous parlé à votre copain?

-        Moi, je n’en ai pas parlé.  Je pense que Michel en a parlé à Dollard Boudreau, quelque chose de même.

-        Est-ce qu’il y a quelqu’un qui vous en a parlé à part que Michel, que vous étiez traqués?

-        Non.

-        Monsieur Boudreau ne vous a pas dit que vous étiez traqués et puis de ne pas sortir?

-        Non.  Moi, il ne m’en a pas parlé à moi.  Michel était tout le temps avec.  Dollard nous a dit de nous en aller quand il a vu la photo de Michel dans les journaux.

-        Et puis?

-        Et puis moi, le jeudi soir, mon nom a sorti à la radio.  Là, il m’a dit de m’en aller moi aussi.

-        Chez le monsieur en question dont vous n’êtes pas sûr du nom?

-        Oui.  Là, je me souviens plus du nom.

-        Il a entendu votre nom à la radio?

-        Oui.

-        Michel Joly, est-ce qu’il s’est fait des transformations pendant le temps où il se sentait traqué?

-        Qu’est-ce que vous voulez dire par là : « transformations »?

-        Est-ce qu’il a changé sa figure, son comportement, ses cheveux?

-        Oui, il était très nerveux.

-        Il était très nerveux?

-        À part de ça, il n’a pas changé.

-        Mais je vous demande s’il a changé quelque chose?

-        Il a changé son linge.

-        N’est-il pas vrai qu’il s’est teint les cheveux?

-        Il ne s’est pas teint les cheveux le temps que j’étais là.

-        Vous n’avez pas eu connaissance de ça.  Naturellement, ses cheveux étaient de quelle couleur?

-        Blonds.

-        Et vous-même, est-ce que vous avez fait des changements sur votre personne pendant cette période-là?

-        Oui.  Jeudi après-midi, je me suis teint les cheveux.

-        Où est-ce que vous étiez à ce moment-là?

-        Sur la rue Basile-Patenaude.

-        Mais à ce moment-là, votre chambreur n’était pas au courant que vous étiez recherché?

-        Bien, c’est la même journée que mon nom a sorti à la radio.  Je l’ai envoyé me chercher une teinture.

-        Et vous vous êtes teint les cheveux avant de partir?

-        Oui.

-        Naturellement, vos cheveux, ils sont de quelle couleur?

-        Roux.

-        Et puis là, de quelle couleur sont-ils?

-        Noirs.

-        Est-ce que c’est la première fois que vous changez votre couleur de cheveux comme ça?

-        Oui.

-        Quand vous êtes parti de chez le monsieur en question, vous êtes allé à quel endroit?

-        Je suis allé sur la rue St-Denis et puis Mont-Royal, au Lincoln.

-        C’est quoi ça, le Lincoln?

-        C’est un club.

-        C’est le jeudi, ça?

-        Oui, jeudi soir.  Puis là, j’ai rencontré le gars qui restait avec …  Le gars qui restait avec celui qui nous chambrait.  Il est venu me reconduire sur la rue St-André.  C’est là que je me suis fait arrêter.

-        Qui ça, le chum qui est allé vous reconduire sur la rue St-André?

-        Un des amis de celui qui reste à la même place que l’autre.

-        Vous ne savez pas son nom?

-        Je l’ai son nom, mais je ne m’en souviens pas.

-        Et ça, ça reste tous à la même place?

-        Oui.

-        Il y a un appartement où Michel Joly couchait?  Et puis un autre appartement où vous, vous couchiez?

-        Oui.

-        Monsieur Boudreau et puis le monsieur chez qui vous couchiez est allé vous acheter de la teinture?

-        Oui.

-        Est-ce qu’il y a une raison pourquoi vous vous êtes teint les cheveux?

-        Bien, c’est parce qu’on a donné la description au radio.  Pendant qu’il a été cherché ma teinture, il ne savait pas que j’étais recherché.

-        Est-ce qu’il y avait une raison pourquoi vous vous êtes teint les cheveux, vous?

-        Bien, je ne voulais pas me faire pincer.

-        Lors de votre trajet au Cap-de-la-Madeleine vous étiez habillé comment?

-        J’avais une chemise rose et puis des pantalons gris et puis une paire de souliers bruns.

-        Avez-vous toujours été habillé comme ça?

-        Dans l’après-midi, j’ai enlevé ma chemise.

-        Vous avez toujours eu les mêmes pantalons?

-        Oui.

-        Et puis les souliers bruns?

-        Oui.

-        Est-ce que ça vous est arrivé de les enlever vos souliers, circuler nu pieds?

-        Non.

-        Du tout?

-        Non.

-        Et Michel Joly, lui?

-        Michel Joly, il avait des bottes blanches, des pantalons gris, gris-bleu, et puis il avait une chemise mauve.

-        Est-ce qu’il a toujours eu les mêmes vêtements?

-        Il a enlevé sa chemise, lui aussi, et puis lui s’est promené nu-pieds.

-        Lui s’est promené nu-pieds, quand?

-        Quand il s’est trouvé pris.  Il chauffait nu-pieds.

-        Et puis vous, en circulant en automobile, vous ne les avez pas enlevé vos souliers, vos bas?  Vous ne vous êtes pas mis pieds nus?

-        Non.

-        Mais Michel Joly, lui, circulait pieds nus?  Il chauffait pieds nus?

-        Pas pieds nus, il avait ses bas dans les pieds.

-        Mais vous dites que, dans le bois, quand il s’est trouvé pris, il était nu-pieds?

-        Ce n’est pas dans le bois qu’il s’est trouvé pris.  Moi, je parle quand on était dans le char, qu’il s’est trouvé pris sur le bord du chemin, c’est là que …

-        Mais vous étiez dans le bois à ce moment-là?  Vous n’étiez pas en pleine ville quand même?

-        Sur le chemin, sur le trajet du Lac Montplaisir.

-        Puis c’est à ce moment-là, vous dites, quand vous êtes resté pris, que Michel Joly était nu-pieds?

-        Il avait les pieds nus.  Après ça, il était nu-bas.  Là, il a mis ses bottes, puis là, il a tombé à l’eau, là.  Il les a enlevées.

Selon Delarosbil, Joly portait toujours ses bottes en débarquant au Lac Montplaisir, là où les deux voyous s’étaient affichés torse nu.  Ces précisions quant à l’habillement furent l’occasion pour le procureur d’en apprendre davantage quant aux signes distinctifs que portait Michel Joly.

-        Michel Joly, est-ce qu’il avait des signes particuliers sur son corps?  Avez-vous remarqué ça?

-        Ah!  Il était plein de tatous.

-        Il était plein de tatous?

-        Oui.

-        Alors, sur le torse, par exemple, ou sur les bras, pouvez-vous dire qu’est-ce qu’il y avait exactement?

-        Une femme icitte et puis icitte.

-        Alors, là, vous montrez le bras gauche?

-        Oui.

-        L’avant-bras gauche?

-        Il y avait une femme.

-        Une femme nue?  Habillée?  Comment?

-        Bien, il y avait juste le bikini dessus.

-        Ensuite?

-        Il avait un aigle dans le dos.

-        Dans le centre du dos?

-        Oui, à peu près icitte et puis il y en avait bien sur les bras.

-        Il en avait plusieurs sur les bras?

-        Il avait ses initiales sur ce bras-là?

-        Vous dites qu’il avait ses initiales sur le bras droit?

-        Oui.  M.J.

-        Et puis les autres tatouages qu’il avait sur les bras, c’était quoi comme dessins?

-        Il avait des aigles, pas mal toutes.  Des cœurs.  Il en avait pas mal.

-        Il avait plusieurs aigles, vous dites?

-        Bien, des tatous.

-        Maintenant, ailleurs sur le corps, sur les cuisses, est-ce que vous avez remarqué qu’il pouvait en avoir?

-        Icitte, sur les cuisses, il en avait.

-        C’était quoi, là?

-        Je pense qu’il avait des cœurs, quelque chose de même.

-        C’est tout, annonça Me Paquin.  Merci, monsieur.

-        Maître, ajouta Delarosbil, je pourrais-t-y [sic] entendre le témoignage des autres?

-        Non, trancha le coroner Lamothe.

Après un ajournement de quelques minutes, on rappela cependant Delarosbil à la barre des témoins pour lui permettre d’apporter certaines précisions découlant sans doute de discussions ayant eu lieu durant l’ajournement.

-        Monsieur Delarosbil, reprit Me Paquin, quand vous êtes parti de Montréal avec Michel Joly et [qu’il a été] décidé de vous en venir à Trois-Rivières, est-ce qu’il y avait une raison particulière?  Pourquoi?

-        Bien, il voulait voir une nommée Diane Gauthier pour essayer de se réconcilier avec.  S’il ne se réconciliait pas avec, il l’aurait peut-être rendue infirme pour la vie.  C’est ça qu’il m’a dit à moi.

-        Alors, il voulait se réconcilier avec Diane Gauthier ou bien, si ça marchait pas …

-        Il l’aurait rendue infirme pour la vie.  Moi, il m’a dit ça ici en arrivant à Trois-Rivières.

-        C’est tout, merci.

-        Comme ça, c’est « non », insista encore Delarosbil, qui tenait apparemment à assister à la totalité des audiences.

-        Malheureusement, non, trancha le coroner.

-        Bien, il n’y a aucune raison pour ça?, rouspéta Delarosbil.

-        C’est sous ma discrétion, monsieur, fit le coroner.


Notes:


[1] Boulevard Thibeau.

[2] Les cotes des photos apparaissant à la fin du livre sont celles du procès et non celles utilisées durant l’enquête du coroner.  Pour mieux s’y référer, il est préférable de se laisser imprégner de l’ambiance du procès, quelques chapitres plus loin.

[3] Le dossier judiciaire ne permet pas de l’identifier car il n’a pas été appelé à témoigner au procès.


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