
Homicide situationnel commis lors d'un vol – Battu à mort – Séquestration –
Drummondville, 1395 rue Monfette – 1 SC
Mario Toussaint, 21 ans, perpétuité; 4 ans de prison en plaidant coupable avant son 2e procès.
Vendredi Le 26 décembre 1980, Ephrem Cordeau, 85 ans, est retrouvé mort dans son appartement situé au 1395 de la rue Monfette à Drummondville. Il partageait son domicile avec son fils Prosper, 59 ans. Celui-ci ne pouvant habiter seul pour cause de troubles mentaux.
Lundi le 29 décembre, un suspect a été arrêté en lien avec cette affaire. Il s'agit de Mario Toussaint, 21 ans, originaire de Drummondville. Lui et sa copine Linda Martel, accompagnés de leur fillette de 1 an et demi, avaient été invités à passer le réveillon de Noël chez un ami. Mario a consommé plusieurs boissons alcoolisées au cours de la soirée et de la nuit. Le 25 décembre au matin, ils ont pris un taxi pour retourner à leur domicile. Seulement Linda et le bébé sont descendus de la voiture. Toussaint a demandé au chauffeur de le reconduire jusqu'au domicile de son père, voisin de celui des Cordeau, pour lui emprunter sa voiture dans le but de trouver de l'argent et de la bière. Pour une raison quelconque, il a changé de plan et c'est à ce moment qu'il s'est dirigé vers l'immeuble d'à côté pour trouver ce qu'il voulait. Il est entré par le logement du sous-sol, où réside Herman Dugré, absent à ce moment-là. Il est ensuite monté au rez-de-chaussée, convaincu que les Cordeau seraient absents également. À l'intérieur, Toussaint a été surpris par la présence d'Ephrem Cordeau et de son fils. Ceux-ci ont essayé de se défendre pendant que Toussaint les frappait à coups de poing et de manche à balai. Un morceau de bois arraché d'un tiroir de cuisine a aussi été utilisé pour frapper ses victimes. Il les a amenés dans la chambre, les a attachés au lit avec des cravates, et a fouillé la chambre. Toussaint a finalement saisi la télévision et la voiture de Cordeau et a quitté l'endroit vers 9h30, en prenant soin d'arracher les fils du téléphone. La voiture et la télévision ont été retrouvées abandonnées non loin des lieux du crime.
Ce n'est que le lendemain, le 26 décembre, que la police a été alertée par le locataire de l'étage inférieur, Herman Dugré. Prosper était descendu chez ce voisin, qui était rentré chez lui vers 15h00 la veille, pour lui signaler qu'il avait froid et qu'il fallait un nouveau téléphone. Herman a observé que Prosper se tenait un bras et avait un œil au beurre noir. C'est sur ce constat qu'il a immédiatement appelé la police.
Dans l'appartement, les policiers ont trouvé Ephrem Cordeau sans vie, étendu sur son lit. Il avait visiblement reçu plusieurs coups à la tête et au corps. Le médecin légiste a témoigné en cour qu'il avait 17 côtes fracturées et que sa cage thoracique a été écrasée « comme si Cordeau avait été coincé entre deux wagons de chemins de fer... » [1] Il y avait des taches de sang à plusieurs endroits, une pelle maculée de sang, de la vaisselle cassée, et des morceaux de cravates découpées aux ciseaux. Les tiroirs de la chambre ont été vidés, mais seulement quelques objets ont disparu.
Mario Toussaint a toujours été convaincu qu'il n'est pas l'assassin d'Ephrem Cordeau. Selon lui, quelqu'un d'autre est passé entre son départ, à 9h30, le 25 décembre, et le moment où Herman Dugré est rentré, à 15h00, le lendemain. Par ailleurs, c'est lors de l'enquête préliminaire que Dugré dira qu'il est rentré chez lui à 15h00. On apprendra quelques années plus tard qu'il n'est plus sûr et pense plutôt être rentré vers 9h30. Selon les dires de Toussaint, il aurait quitté l'appartement en s'assurant qu'Ephrem était en bonne santé. « Lorsque j'ai quitté la maison d'Ephrem Cordeau, j'étais resté près de lui assez longtemps pour savoir que je pouvais partir sans inquiétude; il ne donnait aucun signe d'un homme mourant; il marchait, il buvait l'eau que je lui ai donnée, il me parlait. Je sais que la police l'a trouvé mort le lendemain matin, mais j'ai toujours pensé que d'autres avaient pu intervenir dans l'intervalle. » [2] De plus, Toussaint jure qu'il ne s'est pas servi d'une pelle pour frapper ses victimes. Une expertise a été réalisée par un chimiste de renommée mondiale, du Laboratory of Forensic Sciences, à New York, Herbert Leon MacDonnell. L'expert s'est rendu sur les lieux du crime pour examiner les pièces à conviction. Il a démontré que les cravates ayant servi à ligoter les Cordeau ont été coupées aux ciseaux par une autre main que celle de Mario Toussaint ou de Prosper Cordeau, qui avait réussi à se détacher par lui-même. Il constate aussi qu'Ephrem Cordeau a été battu deux fois. MacDonnell est ferme, quelqu'un d'autre est passé après le départ de Toussaint.
Dans un procès qui a duré sept jours, son avocat, Me Normand Corriveau, n'a jamais pu soumettre au jury l'hypothèse d'Herbert Leon MacDonnell selon laquelle l'accusé aurait pu être disculpé. Le juge Jean-Guy Boilard n'a pas permi à la défense de plaider sur ces nouvelles informations. C'est donc contre son gré et avec les conseils de son avocat que Mario Toussaint a plaidé coupable de meurtre au second degré. Il a écopé d'une peine de prison à perpétuité.
En avril 1984, trois juges de la Cour d'appel du Québec ont renversé le verdict de culpabilité rendu en 1981. Un deuxième procès est ordonné. L'avocat de Mario Toussaint, cette fois, a été en mesure de démontrer, dans un rapport d'expertise, que quelqu'un d'autre est allé chez les Cordeau après que Toussaint ait pris la fuite. Mario Toussaint a choisi de ne pas avoir de nouveau procès, il choisira de plaider coupable d'homicide involontaire. C'est au palais de justice de Drummondville que le juge Réjean Paul lui fixera une sentence de quatre ans de pénitencier.
[1], [2] La Presse, 17 mai 1984
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