1940, 16 décembre – Magdalena Scotonick (Mme Nicolas Lebznick), 44 ans
- 28 déc. 2024
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Homicide domestique par un conjoint suicidaire – arme blanche (couteau)
Montréal, rue Hochelaga, Longue-Pointe – 2 SC
John « Yan » Maryniak, son conjoint de 46 ans, condamné à mort, sentence commuée.
Dans son édition du 16 décembre 1940, La Patrie annonçait que le polonais Yan Maryniak, 46 ans, était tenu responsable du meurtre de Magdalena Scotonick, que l’on désignait également sous les noms de Mme Nicolas Lebznick (nom de son mari) ou encore Madeleine Scotanyk, alias Maryniak. La Patrie a qualifié l’incident comme « un des meurtres les plus atroces de l’année, peut-être aussi l’un des pires des annales policières de la métropole, s’est produit, hier après-midi, rue Hochelaga, à Longue-Pointe. Une polonaise de 44 ans, Mme Madeleine Scotanyk-Lebznick, domiciliée au No 6405, rue Hochelaga, fut poignardée à mort, en pleine rue, vers 2 heures, hier après-midi. »[1]
Son compagnon de 44 ans, Yan Maryniak, habitait avec elle. Selon des témoins, le couple se querellait depuis plusieurs mois. La veille, leur engueulade s’était intensifiée, au point où une voisine a dû s’enfermer à double tour pour se sentir en sécurité. « Vers 11 heures, ils se bousculèrent dans une chambre de la maison. On croit que le Polonais frappa la femme, car on relève, à la suite d’une visite au logis de la malheureuse femme, des traces de sang sur un drap de lit. Quelques instants plus tard, le Polonais alla chercher un gros couteau à dépecer, dont la lame mesurait près de 12 pouces de long. « Si tu veux faire un bel ouvrage », lui cria alors la Polonaise, pour le narguer, « va l’aiguiser sur la meule! » C’est ce que fit l’individu. Peu après, il revint dans la maison et la querelle continua de plus belle pour se terminer par l’événement tragique. Voyant que son compagnon manifestait ses intentions de lui enlever la vie, Mme Scotonyk courut vivement à l’extérieur. »[2]
En dévalant la rue Hochelaga, le visage ensanglanté, elle a réussi à arrêter le chauffeur d’un autobus pour lui dire : « mon mari veut me tuer. Alertez la police! » L’homme a hésité, avant de poursuivre sa route. Selon une voisine, qui a été témoin de toute la scène depuis sa fenêtre, le chauffeur n’aurait eu qu’à ouvrir la porte de son véhicule pour sauver la vie de Magdalena. Malheureusement, Maryniak l’a rattrapé, l’a couché par terre entre ses jambes et, tenant son couteau à deux mains, a plongé la lame à quatre reprises dans le corps de sa maîtresse. « Il la tua comme un boucher égorge un animal », a confié Mme Lamarche au journaliste de La Patrie. « Je fermai les yeux et faillis m’évanouir de peur de l’affolement. J’avais mes deux enfants avec moi. Il fallait leur cacher toute l’atrocité de l’affaire. »
Après son crime, Maryniak est retourné chez lui pour attendre que la police vienne le cueillir. À l’arrivée des détectives, le corps de la victime gisait dans la neige près d’un poteau de téléphone. Ceux-ci ont constaté qu’elle avait reçu deux coups à la poitrine et un troisième dans le côté droit. Mme Lamarche leur a expliqué que Nick Lebznick, le mari de la victime, « purge actuellement une longue sentence à Saint-Vincent de Paul, sous une accusation de tentative de meurtre commise il y a plusieurs années, sur la personne d’un constable. » Or, Maryniak vivait avec elle depuis maintenant 6 ans. L’hiver précédent, il avait été victime d’un accident qui lui avait fait frôler la mort. « Il conduisait une voiture à traction animale, sortant de sa ferme, au moment de cet accident. Soudain, devant l’arrivée d’un tram, le cheval prit le mors aux dents. La voiture fut littéralement réduite en miettes, sous le tram. La bête fut mortellement blessée. Maryniak fut transporté à l’hôpital, souffrant de graves fractures. On craignit pour sa mort plus d’un instant. Toutefois, après quelques mois, il quittait l’institution, parfaitement rétabli. »[3]
Magdalena était la mère de plusieurs enfants. Toutefois, aucun d’entre eux n’habitait sous son toit au moment du drame. Selon Mme Lamarche, l’un d’eux, âgé de 14 ans, se trouvait à l’école de réforme; un autre était recherché pour avoir déserté l’armée canadienne; et deux autres se trouvaient en service actif à Petawawa, en Ontario. Après son crime, Maryniak aurait voulu se suicider. L’enquête du coroner a été dirigée par Me Richard Duckett. Le premier témoin entendu était Mme Ephrem Lamarche, née Nellie Butler, qui résidait au 6405 Hochelaga. On a ensuite entendu le Dr Jean-Marie Roussel, qui a expliqué avoir noté sur le cadavre des bleus aux bras et plusieurs égratignures, en plus d’un « coup pénétrant au moins 5 à 6 pouces dans le corps et transperçant le cœur de part en part. Il y avait aussi des coupures superficielles aux doigts. »
Le procès de Maryniak s’est tenu au palais de justice de Montréal du 1er au 3 avril 1941 devant le juge Wilfrid Lazure. Face aux preuves accablantes, le jury a délibéré durant 2h30 avant de le déclarer coupable de meurtre. Lors du prononcé de la sentence, le condamné aurait simplement remercié le juge, qui a fixé son exécution au 4 juillet 1941. Sa peine sera cependant commuée en emprisonnement à vie et il a pris le chemin du pénitencier Saint-Vincent-de-Paul. Selon La Patrie, l’Ukrainien de 44 ans, « imperturbable comme toujours, l’accusé entendit le prononcé de sa sentence traduit en ukrainien par l’interprète J. Mackay, et répondit simplement « merci, Votre Seigneurie ». »[4] Lorsque le juge lui a demandé s’il avait quelque chose à déclarer, il seulement répondu « non ».
On croit que Maryniak serait décédé à Montréal le 15 février 1963.
[1] La Patrie, 16 décembre 1940.
[2] Ibid.
[3] La Patrie, 16 décembre 1940.
[4] La Patrie, 4 avril 1941.
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