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1941, 10 juillet – Amy Geer Moranville



Homicide domestique par un conjoint[1] non suicidaire – arme à feu

Stanstead – 1 SC

Sumner Montle, 57 ans, condamné à mort, sentence commuée.

            Sumner Montle, 57 ans, habitait sur la ferme de son frère, John Montle, un avocat de Stanstead. Selon le rapport du juge Hector Verret, préservé dans le dossier judiciaire, Montle est né le 7 décembre 1883 à Standbridge, Québec. Il a travaillé durant près de 6 ans pour la banque Eastern Townships avant de s’enrôler, en 1915, dans la 5e Canadian Mounted Rifles. Il en a été congédié pour « cause de maladie ». En 1916, il s’est enrôlé dans la 117e E. T. Battery et encore congédié pour la même raison. En 1919, il a fait son service militaire aux États-Unis et servit, entre autres, au Panama. Là-bas, il a souffert de malaria. De 1919 à 1921, il a été interné « pour démence dans les hôpitaux suivants, savoir : Bellevue Hospital of New York, du 4 mars au 29 mars 1919, alors qu’il a été hospitalisé au Central Islip Hospital for insane of the State of New York, d’où il sortit le 24 mai 1919.  Et le 16 juin 1921, il a été interné au Walter Reed General Hospital à Washington D. C. jusqu’au 11 août 1921. »

            En 1933, Montle est revenu dans la région de Stanstead afin de venir habiter avec son frère. L’ancien militaire a fini par s’amouracher d’Amy Geer Moranville, la servante de John Montle. Mais celle-ci lui ayant refusé sa demande en mariage, le juge Verret verra cette cause comme une affaire de crime passionnel. En effet, le 10 juillet 1941, Sumner a pris un fusil de chasse pour tirer froidement sur Amy. Le crime a été commis « dans la maison de Me John Montle, avocat de Stanstead, chez qui demeurait son frère Sumner. Mme Moranville était employée de M. Montle. Elle aurait déjà refusé Sumner Montle, le coupable, en mariage. »[2]

Le procès de Montle s’est déroulé du 9 au 13 décembre 1941 à Sherbrooke devant le juge Hector Verret. L’accusé était représenté par Me Charles Mignault, qui a tenté de plaider la folie. Parmi les derniers témoins entendus, on compte les docteurs Daniel Plouffe de l’hôpital des aliénés de la prison de Montréal et J.-A. Porteous de l’asile protestant de Verdun. Ces deux professionnels de la santé se sont montrés d’accord sur le fait que Montle était sain d’esprit au moment de commettre son crime, bien qu’il avait souffert de maladies vénériennes par le passé. Pour la défense, le Dr Dancey tenta de démontrer que l’accusé était inapte à subir son procès.

            Les jurés ont délibéré « durant une couple d’heures. »[3] À la tombée du verdict, le condamné n’a eu aucune réaction et quand on lui a demandé s’il avait quelque chose à déclarer, il a dit : « I am not responsible for that crime, Sir. »[4] Le juge Verret n’eut d’autre choix, comme la loi l’exigeait, de fixer la date de l’exécution au 20 mars 1942. Les journaux ont mentionné à quel point le juge se sentait affecté en prononçant cette sentence de mort.

Le 26 février 1942, le même juge a écrit au ministre de la Justice de l’époque, Louis Saint-Laurent  : « il me semble que d’après la preuve le jury n’aurait pas dû rendre un verdict de coupable de meurtre mais plutôt de manslaughter, car il n’y avait aucune preuve démontrant qu’il y avait préméditation. Comme je l’ai d’ailleurs dit dans mon rapport Montle est un déséquilibré et le motif du crime n’a pas été établi au procès; mais il y a tout lieu de croire, d’après la preuve, que Montle s’était amouraché de la victime et lui avait même proposé le mariage. C’est sans doute à cause du refus de la victime d’accueillir sa proposition de mariage que, dans un moment de surexcitation, il a commis son crime et je m’en rapporte à ce qui a été prouvé au procès quant à son internement à différentes reprises pour démence pour arriver à cette conclusion. »[5]

            Le juge Verret a vu juste puisque le 16 mars 1942 la peine de Montle a été commuée en emprisonnement à vie au pénitencier Saint-Vincent-de-Paul.[6]


 

[1] Amy et Sumner n’ont jamais été conjoints, mais lui a agi comme tel. Comme le DHQ le souligne dans sa classification détaillée, le mot conjoint est utilisé pour désigner un conjoint actuel, un ex-conjoint ou alors une personne qui se croit être le conjoint de sa victime. Ce ne pourrait être de l’érotomanie puisque Montle connaissait sa victime. L’érotomanie s’applique à une personne qui se croit aimé d’une personne qu’il ne connait pas personnellement. Généralement, cette catégorie s’applique à des gens qui tombent en amour ou en admiration devant une célébrité.

[2] Le Devoir, 15 décembre 1941.

[3] Ibid.

[4] Rapport de l’Honorable juge Hector Verret, « je ne suis pas responsable de ce crime, monsieur ».

[5] Le juge Verret ajoutait également dans sa lettre de deux pages qu’il ne connaissait pas l’accusé mais que, en revanche, le frère de celui-ci comptait parmi ses amis personnels.

[6] La commutation de peine lui évitait la peine de mort mais ne changeait rien au fait qu’il avait été condamné pour meurtre, c’est-à-dire avec préméditation. Si cette préméditation n’a pas été prouvée, comme l’a mentionné le juge Verret, aurait-il fallu accorder à Montle un second procès?

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