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1949, 9 septembre - Rita Morel; et 22 autres victimes

Dernière mise à jour : 22 déc. 2024



Meurtre par passion/Meurtre motivé par des gains relatifs à l’héritage – Explosifs (dynamite)

Sault-au-Cochon, près de St-Tite-des-Caps – 2 SC[1]

J.-Albert Guay, Généreux Ruest; et Marguerite Ruest-Pitre, pendus.

            Au matin du 9 septembre 1949, Rita Morel, 28 ans, s’est présentée au guichet de la compagnie aérienne du Canadien Pacifique au Château Frontenac avec son mari, J.-Albert Guay. Celui-ci a insisté pour qu’elle prenne l’avion en direction de Baie Comeau. Elle a donc pris la limousine qui conduisait d’autres passagers à l’aéroport de l’Ancienne-Lorette, où elle est montée à bord du Douglas DC-3 du vol 108. Quelques minutes après le décollage, vers 10h45, l’avion explosait en plein vol avant de s’écraser dans les bois de Sault-au-Cochon. Les 23 passagers et membres d’équipage sont tous morts. Parmi eux se trouvaient trois Américains. Le drame a causé une immense sensation à l’époque, d’autant plus qu’il s’agissait du tout premier attentat aérien à être commis en Amérique du Nord.

            L’enquête a permis de retracer rapidement trois suspects. On a établi que J.-Albert Guay avait décidé de tuer sa femme pour vivre librement avec sa jeune maîtresse, Marie-Ange Robitaille, ou alors pour toucher l’argent de l’assurance. Avant la fin du mois, Guay était arrêté le 23 septembre et subissait son enquête préliminaire les 4 et 5 octobre 1949. Lors de cette enquête, on a démontré qu’en avril 1949 il avait tenté d’engager quelqu’un pour éliminer sa femme par empoisonnement. Lors de son procès, en 1950, il a été reconnu coupable et condamné à mort. Il n’a pas porté sa cause en appel.

            Généreux Ruest, son associé en affaire (il réparait des montres pour Guay), a ensuite été accusé d’avoir fabriqué la bombe à retardement qui a causé la tragédie. À son tour, il a été reconnu coupable et condamné à mort. Le dernier procès en lien avec cette affaire s’est déroulé en 1951, avec pour accusée Marguerite Ruest Pitre, l’amie de Guay qu’on accusait d’avoir livré la bombe à l’aéroport au matin du drame. La preuve déposée contre elle a démontré qu’elle avait acheté la dynamite le 18 août 1949 en utilisant un faux nom, et qu’au matin du drame elle avait livré la bombe en sachant très bien ce qu’elle faisait. À son tour, elle a été reconnue coupable et condamnée à mort. Les trois complices ont péris sur l’échafaud de la prison de Bordeaux et madame Pitre est devenue, par conséquent, la dernière femme à avoir été exécutée légalement au Canada.

            Cette affaire unique dans les annales du Québec a inspiré une pièce de théâtre, quelques romans, dont celui de Roger Lemelin, Le crime d’Ovide Plouffe, qui à son tour a jeté les bases du film de Denys Arcand dans les années 1980.[2] Certains auteurs et produits de la culture ont clairement laissé entendre que Mme Pitre avait été victime d’une injustice. Après avoir révisé les quelques 7 000 oages des trois procès, l’auteur du DHQ a confirmé le verdict rendu par le jury en 1951.[3]

            Ici, les motivations peuvent avoir été brouillées en raison du fait que trois personnes ont été impliquées dans le crime. Or, on sait qu’initialement Guay voulait se débarrasser de sa femme pour avoir le champ libre avec sa maîtresse, comme le démontrer sa première stratégie d’empoisonnement. C’est par la suite que l’idée d’utiliser de la dynamite s’est installée, et seulement vers la fin que l’élément de l’avion s’est ajouté.


 

[1] On retrouve principalement deux scènes de crime dans cette affaire : le site de l’écrasement de l’avion dans les bois de Sault-au-Cochon, et l’appartement de Généreux Ruest situé au 108 rue Saint-François à Québec, là où la bombe a été fabriquée.

[2] Pour en savoir plus : Sault-au-Cochon, tome 1, Le crime du siècle (2021); Sault-au-Cochon, tome 2, L’arme du crime (2022); et Sault-au-Cochon, tome 3, Le témoignage qui tue (2023). Tous publiés aux Éditions de l’Apothéose, les trois tomes de cette trilogie sont du même auteur que le DHQ.

[3] Pour en savoir plus, lire la trilogie Sault-au-Cochon, tome 1, 2 et 3, publiée aux Éditions de l’Apothéose.

 

Photos d'Eddie Laplante sur le site de l'écrasement, à Sault-au-Cochon, 6 juin 2022.



 

Position GPS: 47,19354 N, 70,64818 O


 

Les victimes de Sault-au-Cochon (texte tiré du livre Sault-au-Cochon, tome 3, le témoignage qui tue, de Eric Veillette - Éditions de l'Apothéose, 2023)

Le temps écoulé depuis la publication du premier tome et ma visite du lieu de l’écrasement m’ont donné l’impression, en quelque sorte, de me rapprocher des 23 victimes. La nièce de l’une d’elles est entrée en contact avec moi très peu de temps après le lancement. Les informations et photos qu’elle m’a permis de vous partager m’a convaincu de vouloir retracer d’autres membres des familles éplorées. J’ai réussi à en rejoindre quelques-unes, qui ont cependant fait le choix de demeurer dans l’anonymat. D’autres pistes se sont taries d’elles-mêmes, faute de descendants.


Gertrude “Trudy” Kelly MacKay




L’hôtesse du vol 108 était âgée de 24 ans. Selon l’ancien quotidien montréalais Le Canada, elle était à la fois de Montréal et d’Edmonton, ce qui signifie probablement qu’elle devait avoir un pied à terre dans les deux villes. On sait qu’elle a travaillé sur des vols dans le district du fleuve Mackenzie. « Elle a déjà habité Lethbridge, Alberta. Son mari a perdu la vie dans un accident d’automobile, il y a quelques années », peut-on lire dans Le Canada du 10 septembre 1949.

À Montréal, elle habitait depuis quatre mois au 4177 boulevard Décarie avec trois autres amies : Mlle Phyllis Renouf[1], autre hôtesse de la C.P.A.; Mlle Raymonde Ouellette, également hôtesse pour la CPA; et Mme C. MacCaffrey, employée à la tour de contrôle de l’aéroport de Dorval. Selon La Presse, Raymonde Ouellette a confié à un journaliste que Gertrude McKay avait déjà quitté son emploi d’hôtesse, après un stage d’un an sur la ligne Edmonton-Whitehorse de la même compagnie. Passionnée d’aviation, elle n’avait rempli un emploi “terrestre” que pendant quelques mois, pour reprendre à la première occasion ses fonctions aériennes, cette fois sur la ligne Montréal-Québec-Baie Comeau-Sept-Îles. »

J’ai tenté d’explorer la piste des trois colocataires. Malheureusement, il y a trop peu d’éléments à recouper. J’ai cependant déniché une certaine Phyllis Renouf, née en 1926. Avec un nom aussi singulier et une date de naissance qui pourrait correspondre à une amie du même âge, j’ai bon espoir qu’il s’agit probablement de la bonne personne. Malheureusement, j’arrivais trop tard. Phyllis Renouf est décédée en 2019.

Puisque les journaux mentionnaient des origines dans la petite ville de Trochu, en Alberta, j’ai écrit directement à la municipalité, leur demandant de bien vouloir m’aider dans ma recherche de toute personne susceptible de conserver un souvenir de Mlle MacKay.

Dans un premier temps, l’archiviste de la Ville de Red Deer m’a référé à l’Alberta Genealogical Society. Le 31 mai 2021, Claudine B. Nelson, chercheuse pour cette dernière organisation, m’a précisé que Gertrude MacKay s’était mariée en mai 1946 et qu’en septembre de la même année son mari, Allan Mackay, avait trouvé la mort dans un accident. Par conséquent, son nom de jeune fille n’était pas MacKay, mais plutôt Kelly, comme nous le verrons au paragraphe suivant.

Le 7 juin 2021, Claudine m’apprenait que les parents de Gertrude étaient Thomas Gregory Kelly, né en 1886 et décédé le 13 décembre 1957, et Theresa McDonald Kelly, née en 1886 et décédée le 20 avril 1967. Gertrude était leur fille unique. Ses parents, tous deux originaires de l’Îles-du-Prince-Édouard, ont été inhumés dans le cimetière Ste-Anne à Trochu, en Alberta. En fait, comme le montre une photo apparaissant plus haut, ils ont été inhumés au côté de leur fille.

Selon Claudine, l’une des filles d’honneur au mariage de Gertrude en 1946, s’appelait Mary Jane Steinback. Celle-ci a fini par épouser un homme du nom de Brennan. Malheureusement, Mary Jane est décédée à Calgary en 2003. Puisque Gertrude et Allan n’ont pas eu d’enfant, la gentille hôtesse de l’air n’a laissé aucun descendant.

Par ailleurs, les précieuses informations fournies par madame Nelson me permettent de préciser que les parents de Gertrude se sont mariés en 1920. Ils ont eu leur fille en 1926, à Trochu. Le père s’est fait connaître dans la région pour son élevage de renards. Au cours de son enfance, Gertrude a fréquenté l’École Pontmain à Trochu et en 1944 elle s’est installée à Calgary afin d’y travailler pour la CPR comme opératrice de télétype. Son mari, Allan MacKay, originaire de Cochrane, a été tué dans un accident au volant d’une Jeep sur l’autoroute No 9, à deux milles de Langdon Corner, le 16 septembre 1946. Allan, un vétéran de la Seconde guerre, était âgé de 22 ans. Il est décédé à l’hôpital Col. Belcher des suites de ses blessures. Il a été inhumé dans le cimetière de Cochrane. Il s’était enrôlé dans la Royal Canadian Navy en 1943. Depuis sa libération de l’armée, en 1945, il travaillait comme arpenteur pour la Canadian Exploration Company.

Devenue veuve, Gertrude a continué de travailler de nuit comme opératrice jusqu’à ce qu’elle joigne la Canadian Pacific Airlines en tant qu’agente de bord sur la route de Yellowstone et de Norman. Ses parents l’ont vu pour la dernière fois à Edmonton, où l’avion à bord duquel elle travaillait a fait escale.

Selon The Gazette, Trudy avait été malade durant trois semaines. En fait, elle avait repris le travail seulement le lundi 5 septembre 1949. Les journaux de l’époque la décrivaient comme « l’une des plus jolies et des plus charmantes hôtesses de l’aviation canadienne. »


Gordon Oliver Alexander

Le co-pilote Alexander provenait, selon La Presse, des services aériens d’Edmonton, en Alberta. L’année précédente, il avait été affecté à la partie est du Canada pour le compte de la Canadian Pacific Airlines.

Il serait né en 1920. Au moment de sa mort, il habitait au 1244 boulevard Brown, à Montréal. Il comptait apparemment plusieurs amis dans la Ville de Québec. Selon un article publié en ligne par Dave O’Malley, Alexander aurait obtenu sa licence de pilote commerciale en 1936.[2] Au moment de sa mort, il avait accumulé une expérience de 4 000 heures de vol. Selon O’Malley, il était originaire de l’Ontario, même si, en 1949, il vivait à Verdun avec sa femme Margaret Ashton et leur fils de 2 ans nommé Bruce. Il aurait commencé à travailler pour la CPA en 1942, avant d’être nommé capitaine quatre ans plus tard.

Margaret aurait également travaillé comme contrôleur aérien durant la Seconde Guerre.

Au sein d’une base de données, j’ai retracé un Bruce John Alexander né le 15 juin 1943. Celui-ci a épousé Lorraine Adèle Wilcock en 1962. On décrit le métier de Bruce comme « Lithography » et de religion anglicane. Il habitait alors à Saint-Hubert et devait aller rester au 3 rue Logan après son mariage. On le disait d’origine écossaise. Malheureusement, il m’a été impossible de croiser d’autres informations me permettant de confirmer ou non s’il était bien le fils de Gordon.

La dépouille de Gordon O. Alexander a été inhumée à Brantford, en Ontario.


Pierre Laurin

Dans Le Soleil du 27 septembre 1948, on découvre que le capitaine Laurin a participé au pageant aérien tenu, justement, sur le site de l’aéroport de l’Ancienne-Lorette. Participaient à cette grande célébration de l’aviation un hélicoptère Sikorsky, une escadrille de huit chasseurs américains Thunderbolt, une escadrille de neuf Harvard canadiens, un bombardier Lancaster et un chasseur Mustang. Or, il s’est avéré que l’aviation commerciale était représentée par un DC-3 de la Canadian Pacific Airlines, que je crois être celui qui devait périr à Sault-au-Cochon un an plus tard. L’article soulignait : « au début de l’après-midi, le DC-3 des Canadian Pacific Airlines était arrivé à l’Ancienne-Lorette pour démonstration avec comme équipage le capitaine Pierre Laurin de Québec et Montréal, le premier officier Jim Forbes et l’hôtesse P. Renouff, de Montréal. Il fut en démonstration toute l’après-midi. »

Né le 17 mars 1919, Pierre Laurin habitait au 3290 rue Barclay à Montréal au moment de la tragédie. Il était le fils du Dr Henri Laurin. Comme on l’a brièvement vu au cours du tome 1, il a participé à la Seconde Guerre mondiale. Il avait donc beaucoup d’expérience et ses talents étaient irréprochables, comme la preuve a pu le démontrer au cours des trois procès.

Selon Le Soleil, les funérailles de Laurin se sont déroulées à Québec le 14 septembre, soit le même jour que celles de Rita Morel et de la famille Chapados. Parmi les nombreux représentants de la Canadian Pacific Airlines à avoir rendu un dernier hommage au pilote, on constate la présence du capitaine Marcel Boisvert, qui a été témoin expert lors des trois procès. Le service a été célébré à l’église Saints-Martyrs canadiens. C’est dans cette même église que Pierre s’était marié avec Marthe Dufresne le 6 avril 1945. Le corbillard a été conduit par le Dr Henri Laurin, père du défunt. Ce dernier était médecin-chef de l’immigration.

Le capitaine Laurin était également le petit-fils du colonel Victor Laurin, médecin de l’Ancienne-Lorette, et arrière-petit-fils de Zéphirin Paquet, fondateur des grands magasins de la Compagnie Paquet, situé rue Saint-Joseph dans le quartier Saint-Roch, à Québec. « Dès son jeune âge, il avait manifesté des aptitudes pour l’aviation. Après ses études à l’Académie de Québec et au Collège des Jésuites, il offrit ses services aux C.P.R. Airlines, suivit des cours à Montréal et à Sudbury, Ont., où il obtint ses brevets de pilote. Il avait épousé en 1945 Mlle Marthe Dufresne, fille de M. A.-O. Dufresne, sous-ministre des Mines dans le gouvernement de la province […] »[3] (Le Canada, 10 septembre 1949).

Selon Le Soleil du 10 septembre 1949, Laurin était un pionnier du transport aérien de l’Ungava, où il effectuait des vols pour le compte de la Hollinger North Shore Exploration Company. « L’hiver dernier, il avait volé pendant plusieurs mois en Alaska pour le compte de la Canadian Pacific Airline. » Après ses études chez les Jésuites et à l’Académie de Québec, il s’était entièrement voué à l’aviation. « Il prit ses leçons de vol d’un aviateur canadien-français bien connu pour ses légendaires envolées dans le Grand Nord, le capitaine Louis Bisson, OBE, de Hull. »

C’est au début de la Seconde Guerre mondiale que Laurin est entré au service de la Canadian Pacific Airline, qui l’a prêté à la Ferry Command de la RAF en 1943 en tant que pilote de transport de bombardiers destinés à l’Angleterre. Ainsi, il aurait fait 38 traversées de l’océan, que ce soit pour se rendre en Écosse, à Gibraltar, en Afrique ou au Brésil. « Il reçut aussi la mission de conduire à San Francisco plusieurs des diplomates anglais, qui s’y rendirent assister à la conférence de fondation de l’Organisation des Nations-Unies. Pour son service rendu, il a reçu la Médaille de Guerre, L’Étoile de l’Atlantique et l’Étoile de la campagne d’Afrique. »

Henri-Paul Bouchard, Julienne Larivière et leur fille Lise

Henri-Paul Bouchard, né le 2 juillet 1917, a épousé Julienne Larivière (née le 3 mars 1921) à Baie Comeau le 8 juillet 1946. Ils ont eu une fille, Lise, qui a vu le jour le 12 mai 1949.

Henri-Paul, Julienne et leur fille ont montés à bord du DC-3 du vol 108 à Dorval. Ils retournaient chez eux, à Baie Comeau. Selon l’une des nièces de Henri-Paul, la petite famille serait venue à Montréal afin d’acheter une voiture qui devait leur être livrée plus tard sur la Côte-Nord. Henri-Paul, qui détestait prendre l’avion, serait sorti prendre l’air durant quelques minutes lors de l’escale à Québec.

La nièce d’Henri-Paul m’a fourni des photos que j’ai insérées dans les tomes 2 et 3, dont l’une sur laquelle on les voit monter dans l’avion, quelques instants avant le décollage. C’est la dernière fois qu’on les prenait en photo. Julienne tenait alors sa fillette de 4 mois dans ses bras, tout comme lorsqu’on les a retrouvé à Sault-au-Cochon.

Jean-Paul Bouchard, le frère d’Henri-Paul, s’est rapidement rendu sur les lieux de l’écrasement à Sault-au-Cochon et il en restera marqué pour le reste de ses jours. Né le 21 février 1917 à Sorel, Jean-Paul était l’aînée d’une famille de 10 enfants. Il a fait ses études au Collège Sacré-Cœur. La musique étant un art très présent dans la famille, il a fait partie de nombreuses chorales, dont l’Harmonie Sainte-Cécile, l’Harmonie Calixa Lavallée et la Chorale Georges Codling. Plus tard, il a voulu s’enrôler dans l’armée mais sa candidature a été rejetée en raison de ses pieds plats.

Le 1er septembre 1941, il a épousé Gisèle Arcand, fille du navigateur Elzéard Arcand et d’Eugénie Bourdelais. Le couple aura cinq enfants, dont trois étaient toujours vivants au moment d’écrire ces lignes. Le talent de Jean-Paul pour la musique l’a conduit à devenir maître-chantre et à chanter à différents mariages. Pendant la guerre, il a travaillé pour la Sorel Industries afin de fabriquer des culasses de canon. Le soir, il continuait de travailler, mais cette fois comme annonceur à la radio CJSO de Sorel.

Par la suite, il a travaillé pour la compagnie d’assurance La Prudentielle d’Amérique jusqu’à sa retraite, au début des années 1980. Durant 41 ans, il a personnifié le Père Noël lors des parades et de l’accueil des enfants pour la Ville de Sorel; un record de fidélité qui n’a toujours pas été battu. « Sa stature et sa voix rendaient tellement bien le personnage », m’a confié sa fille Paulette.

Malgré cette vie bien remplie, sa véritable passion résidait dans les trains miniatures. En fait, il avait entretenu longtemps le rêve de conduire des locomotives. On lui aurait refusé une telle carrière en raison d’un léger problème de vision qui, en fait, passerait aujourd’hui pour une affaire insignifiante.

La femme de Jean-Paul est décédée en 1988. Il est allé la rejoindre en août 1997.

En 2021, sa fille Paulette m’a permis d’ajouter beaucoup de détails entourant la famille Bouchard-Larivière, en plus de me confier qu’elle gardait un souvenir de satisfaction à l’endroit du travail des policiers de l’époque. Selon elle, toutefois, l’enquête ne se serait pas faite aussi rapidement sans la présence à bord des trois Américains. Le procureur-général de l’époque, Maurice Duplessis, serait intervenu afin qu’on fasse le maximum dans cette affaire. Lors de la levée du scellé sur les archives du procureur-général, vers 2050, nous découvrirons peut-être quelques pièces fascinantes.

Lionel Dallaire

Les journaux de 1949 affirmaient que Dallaire était un mécanicien originaire de Chute-aux-Outardes. Toutefois, le dossier judiciaire donne son adresse comme le 2315 rue Villiers à Montréal et il serait né en 1925, ce qui veut dire qu’il devait être âgé de 24 ans en 1949.

C’est un article paru dans The Gazette le 10 septembre 1949 qui nous renseigne un peu plus. Le journal anglophone mentionnait que Lionel Dallaire rentrait chez lui sur la Côte Nord après un séjour à Montréal, où il était venu pour subir une opération de l’appendice.

Par ailleurs, l’enquête du coroner nous apprend que Lionel avait un frère de 19 ans nommé Maurice Dallaire qui demeurait au 2315 rue Villiers à Montréal. On pourrait très certainement en déduire que Lionel avait séjourné chez lui le temps de sa chirurgie. Le document du coroner montre aussi que Lionel avait un demi-frère du nom de Gérard Dallaire, élevé par la mère de Lionel.

Grâce aux bases de données en généalogie, j’ai trouvé – en tenant compte de l’âge de Maurice – un Maurice Fernand Dallaire né le 6 septembre 1930 dans la paroisse St-Jean-Baptiste à Pointe-aux-Outardes, comté de Saguenay, et ayant pour parents Joseph Dallaire et Églantine Lavoie. Si ces derniers sont bien les parents de Maurice et de Lionel, alors il m’a été permis de découvrir une autre histoire triste. En effet, Lionel s’était marié moins d’un mois avant la tragédie avec une certaine Rita Poitras. Leur mariage a été célébré la 13 août 1949 dans la paroisse de St-Jean-Eudes à Ragueneau, près de Baie Comeau. Les parents de Lionel apparaissent bien comme Joseph et Églantine Lavoie.[4]

Sur le bulletin de mariage, Lionel est effectivement décrit comme « garagiste » né le 20 octobre 1924 et résident de Ragueneau. Sa jeune épouse, dépeinte comme une ménagère, avait vu le jour le 11 janvier 1931.

Rita Poitras, la veuve de Lionel, s’est remariée le 19 juillet 1952 à Ragueneau avec Gérard Bérubé, fils d’Henri Bérubé et de Laura Michaud. Rita, qui avait connu un mariage si bref avec Lionel Dallaire, s’est éteinte le 27 juillet 1990 à Baie Comeau.

Gérard Dallaire, le demi-frère de Lionel, a épousé Marie-Anne Dastous à Ragueneau le 23 septembre 1940. Il était journalier et elle institutrice. Gérard était donc l’aîné de Lionel. Il est décédé en 1980. Sa dépouille a été inhumée à Baie Comeau au côté de son épouse, qui était décédée en 1972.

Le 13 juin 2021, j’ai téléphoné à la Corporation du Cimetière St-Joseph de Manicouagan afin de leur demander leur collaboration pour retracer des descendants de Lionel Dallaire ou de son demi-frère. Ils ne m’ont jamais rappelé.

Émile Zéphirin Therrien

Comme on l’a vu dans le tome 1, Therrien était le mécanicien-ingénieur qui s’occupait du chargement des bagages et du ravitaillement de l’avion, ce qui explique sa présence à bord du vol 108.

Émile Zéphirin Therrien est né le 30 août 1922. Au moment de sa mort, il habitait au 3302 rue Goyer, à Montréal. Ses parents étaient Georges Therrien et Rose-Anna Gauthier. Sa femme, Reine Aimée Nathalie Dubé, est née le 31 décembre 1923.

J’ai pu apprendre qu’Émile et Reine Aimée se sont mariés le 22 janvier 1944 à Montréal. Selon le bulletin de mariage, il est décrit comme “mécanicien-aviateur”. Sa jeune épouse avait 20 ans et résidait au 3302 rue Goyer, à Montréal, avant de se marier. Vraisemblablement, il a donc emménagé avec elle après leur union. Au moment de la tragédie, le couple avait deux fils, Michel, 4 ans, et Pierre, 5 ans.

La naissance du jeune Pierre a été mentionnée dans le journal Le Canada français du 8 juin 1944. Il avait vu le jour le 2 juin. Son parrain était Bernard Cardinal et sa marraine Yolande Guérin. La porteuse est décrite comme Thérèse Guérin. Un mois après le baptême de Pierre, Bernard Cardinal et Yolande Guérin se sont mariés, soit le 29 juillet 1944. Bernard était menuisier et Yolande couturière. Yolande est décédée le 7 décembre 1992 à Westmount. Bernard l’a suivi le 17 octobre 1993, à L’Annonciation.

Bernard et Yolande ont laissé un fils, Robert Cardinal, qui a épousé Micheline Dessurault le 30 octobre 1967, dans la paroisse Saint-Marc, sur l’Île de Montréal.

Cécile Bilodeau Durette

Cécile Bilodeau, née en 1916, était l’épouse de Roger Durette. Le couple habitait à Baie-Trinité, près de Baie Comeau. Le 9 septembre 1949, Roger l’a attendu en vain à l’aéroport de Baie Comeau.

Le corps de Cécile a été identifiée à Québec avant d’être rapatrié chez elle par le navire M. V. Jean Brillant, que Guay et sa jeune maîtresse avaient emprunté durant leurs déplacements entre Québec et la Cote-Nord. La levée du corps a été faite par l’abbé Jean-Charles Gamache et le service chanté par Monseigneur Napoléon-Alexandre LaBrie, évêque du Golfe Saint-Laurent et oncle de la défunte. Avant sa mort, il arrivait à Cécile de jouer de l’orgue lors de funérailles.

Outre son mari, Cécile laissait dans le deuil ses frères Lionel et Lucien, deux demi-frère, Paul-Marie et Charles-Henri Simonneau, ainsi que ses demi-sœurs Micheline et Thérèse Simonneau. Son corps a été inhumé au cimetière des Ilets-Caribou. Cécile était la fille de feu Isidore Bilodeau et Léa LaBrie. “La famille Bilodeau vivait à Trinité depuis de nombreuses années. L’ancêtre Bilodeau avait été un pionnier de l’endroit.” (La Presse, 22 septembre 1949).

Le 24 août 1957, Roger s’est remarié à Baie-Trinité avec Ghislaine Jourdain. Sur le bulletin de mariage, le métier de Roger était décrit comme “mesureur de bois”. Le couple eut au moins deux enfants, dont un fils, Claude Durette, décédé en 2017. En lisant l’hommage funéraire, on constate que Roger était déjà décédé mais que Ghislaine Jourdain était toujours vivante. En mai 2021, cette information m’a poussé à contacter la Coopérative Haute-Côte-Nord Manicouagan afin de pouvoir laisser savoir aux descendants de Cécile que j’étais à leur recherche, et cela dans le but éventuel de rendre un quelconque hommage aux victimes.

Henri Durette, frère de Roger, est décédé à Trois-Rivières en 2012. On y constate que Roger était déjà mort à cette date. Sa belle-sœur Ghislaine Jourdain était mentionnée comme toujours vivante.

William Buick Scoular (ou Schoular)

Né le 8 mai 1913, Scoular était de St. Catharines, en Ontario. Tout comme Calnan, il travaillait pour la Québec North Shore Paper Co. Selon l’auteur Alan Hustak, les deux hommes étaient plutôt de l’Ontario Paper Company (propriété du colonel Bertie McCormick, éditeur du Chicago Tribune). Scoular accompagnait Calnan à Baie Comeau pour visiter l’usine où on fabriquait le papier du Chicago Tribune.

Selon le Vancouver Daily Province, Scoular avait été chef ingénieur de la Powell River Company de novembre 1944 à mai 1947. Ingénieur pour la Dominion Bridge durant la guerre, il avait ensuite quitté pour travailler à l’Ontario Paper Company à Thorold, Ontario.

Edward Joseph Calnan

Né le 4 février 1901, il était de St. Catharines, en Ontario. Il accompagnait William B. Scoular pour visiter l’usine qui fabriquait le papier du Chicago Tribune.

Les journaux de l’époque ne font mention d’aucune information pertinente à son sujet. Il en va d’ailleurs de même pour Scoular. Pour en savoir davantage sur cet homme, je devais donc me tourner vers d’autres sources.

Au matin du 29 mai 2021, j’ai découvert que son fils, qui portait le même prénom, venait de s’éteindre le 4 avril 2021 à l’âge de 87 ans.

Selon l’éloge funèbre, il n’y avait aucun doute possible. Edward Joseph « Joe » Calnan, fils d’Edward et Lydia (Upton) Calnan, est né en 1933 à St. Catharines, en Ontario. Il habitait à New York City au moment de son décès. Il avait 16 ans lorsque son père a perdu la vie à Sault-au-Cochon. Il a suivi les traces de son père à l’Université de Toronto, où il est devenu ingénieur en chimie. En 1956, il a épousé Barbara Jane Hutchison. En 1961, il était transféré au siège social d’Exxon - la plus imposante compagnie pétrolière au monde qui fut d’ailleurs inscrite au Dow Jones durant plusieurs années - à New York. Sa famille s’est alors installée à Nutley, où trois autres enfants devaient naître.

En 2004, il s’est remarié à Patricia « Pat » Turner.[5]

Le 15 juin 2021, j’ai envoyé un courriel à l’église Saint Mary’s Parish de Nutley afin de leur demander de mettre la famille Calnan au courant de mon projet hommage.

Beatrice Hume 

Née en 1902, elle était l’épouse de James Ferloff (ou Firlotte), de Broadland, au Québec. Les journaux de l’époque ne fournissent pratiquement aucun détail à son propos. Selon The Gazette, cependant, elle avait rendu visite à sa sœur Mme D. Rutherford au 7361 Truan street à Verdun et se dirigeait à Baie Comeau pour voir des membres de la parenté avant de retourner chez elle. Son mari avait perdu la vie à Hong Kong, où il était rattaché à la Royal Rifles durant la Seconde Guerre mondiale.

Curieusement, c’est dans Le Petit Journal du 18 septembre 1949, le même que Guay aurait apporté à l’appartement de Marguerite Ruest Pitre, que mes recherches à propos de Beatrice connaissent un certain déblocage. En effet, on y apprend en page 39 que le mari de Beatrice était Terrence F. Flahiff, un homme bien connu dans la province et directeur des relations extérieures pour la Quebec North Shore Paper Company. “De par ses fonctions, M. Flahiff voyage très souvent par avion entre Montréal et Baie Comeau. Or, le vendredi 9 septembre, il prenait ce fameux DC-3 à Dorval, à 8 heures du matin, en compagnie de sa femme et des 23 voyageurs dont on déplore maintenant la mort. Il peut évidemment se compter chanceux de n’avoir pas partagé leur sort. Mais de là à parler de miracle, il y a loin, et c’est ici qu’il faut opter entre la réalité et la fiction. Mme Flahiff est la fille de l’honorable Albert Sévigny, juge en chef de la Cour supérieur de la province de Québec.” Sévigny est le juge qui a présidé le procès de Guay.

Le couple Flahiff a eu la vie sauve parce qu’ils sont descendus à Québec afin d’assister à un mariage.

Earl Tappan Stannard

Selon le site Find a Grave, Stannard serait né le 9 décembre 1882 à Chittenango, dans l’État de New York. En 1905, il graduait comme ingénieur minier de la Sheffield Scientific School de l’Université de Yale. Peu de temps après, il s’est retrouvé à la tête de la Federal Mining Company, une filiale appartenant au magnat du cuivre Benjamin Guggenheim, à Flat Rock, dans le Missouri. En 1910, on l’a envoyé au Chili pour régler certains problèmes de gestion. En 1913, les Guggenheim l’ont transféré à la Kennecott Copper en Alaska afin que la mine puisse prendre de l’expansion. Là-bas, il a inventé un procédé de lessivage qui a amélioré la récupération du cuivre dans une proportion de plus de 95%.

En fait, l’histoire de la Kennecott remonte à 1901, lorsque Stephen Birch a acquis les droits de propriété des terrains situés près de Kennicott Glacier, en Alaska. L’appellation de Kennecott, utilisée par la suite, proviendrait d’une erreur d’orthographe commise par un employé. Birch est retourné dans l’est afin d’obtenir l’aide de certains investisseurs et c’est ainsi qu’il a réussi à rencontrer le célèbre J. P. Morgan et les membres de la famille Guggenheim. Ensemble, ils ont formé la Kennecott Mines Company, à la tête de laquelle Birch a été nommé directeur général.

Il s’avéra que la mine d’Alaska contenait du cuivre pour une durée estimée à une vingtaine d’années, ce qui a poussé les dirigeants de la compagnie à prévoir le coup en élargissant leurs champs d’activités, entre autres en prenant de l’expansion dans l’Utah et au Chili.

C’est à la suite de la Grande dépression que la Kennecott a connu sa première année déficitaire, en 1932. L’année suivante, Birch a été remplacé par Earl Tappan Stannard, qui était alors l’un des directeurs chez J. P. Morgan. Au cours des années suivantes, Stannard s’est concentré à préparer la compagnie à l’arrivée de la Seconde Guerre mondiale. C’est sous sa direction qu’elle est devenue la plus grande productrice de cuivre au monde.

En 1940, Stannard a annoncé que sa compagnie fournissait mensuellement 8000 tonnes de cuivre à la France, ainsi que 2000 tonnes à l’Italie et 1000 au Japon. C’était un an avant que le Japon déclare la guerre aux États-Unis.

En partie grâce à la guerre, la compagnie a fait des profits de 265$ millions en 1943. À la fin des conflits, cependant, Stannard a dû se tourner vers d’autres marchés. Il s’est concentré sur l’or, le pétrole et le titanium. Vers 1947, la compagnie a découvert que le plus important gisement de titanium au monde - au-delà de 100 tonnes – se trouvait au Lake Tio dans l’est du Québec. Aussitôt, il a investi un demi-million de dollars dans le projet. En 1948, on a formé la Quebec Iron and Titanium Corp. (Q.I.T.), dont les deux tiers étaient contrôlés par la Kennecott et le reste par la New Jersey Zinc Co.

En 1997, la Kennecott a fusionné avec la Rio Tinto.

Au moment de périr dans l’explosion du DC-3, Stannard résidait au 1 Beekman Place, à New York City. Selon le quotidien montréalais Le Canada du 10 septembre 1949, “L’avion qui a fait explosion ce matin transportait les principaux officiers des sociétés américaines et québécoise au Lac Allard, où le président de la Kennecott Copper, M. E.-S. Stannard [sic], de New York, devait transmettre ses pouvoirs à un nouveau président, M. Arthur-D. Storke, de New York, ancien président de “Climax Molibdenum”, qui l’accompagnait avec M. R. J. Parker, de New York, vice-président de Québec Iron & Titanium.”

Le 19 septembre 1949, le même journal souligna que Carl T. Ulrich, vice-président et trésorier de la Kennecott Copper, avait été nommé pour remplacer temporairement la perte de Stannard, jusqu’à ce qu’un successeur soit nommé.

Stannard était également membre du bureau des directeurs de la Corporation Johns-Manville, dont la filiale canadienne exploitait des mines d’amiante avec moulins et manufactures en Ontario et au Québec. En décembre 1949, il fut remplacé à ce poste par J. C. Raymond Atkins.

            Selon le journal américain The Post-Standard de Syracuse, dans l’État de New York, Stannard laissait dans le deuil sa sœur, Mme L. F. Tift, qui habitait alors au 319 Allen Street. Il était aussi le cousin de Mme A. W. Johnston, du 107 Rugby road. Bien sûr, il laissait également sa femme, Mme Jean Stannard, et un frère, Bruce M. Stannard de Binghamton. On raconte que Mme Tift avait reçu la triste nouvelle du crash aérien par un téléphone de sa belle-sœur. Stannard prévoyait prendre sa retraite de la Kennecott Copper avant la fin de l’année.

Selon le site Find a Grave, sa dépouille a été inhumée dans le Femcliff Cemetery Mausoleum à Hartsdale, dans le Westchester County, État de New York. Sa conjointe, Jeannette Condon Stannard, est décédée le 11 septembre 1977. Au moment de sa mort, on a souligné le fait qu’elle était originaire du Montana. On ne lui connaissait aucun descendant.

On sent bien que la perte de Stannard et de ses acolytes à Sault-au-Cochon a causé un problème de taille à la compagnie afin de bien assurer leur succession. Sept décennies plus tard et dans une situation qui nous oblige à demeurer hors contexte, il est impossible d’en mesurer adéquatement la portée.

Le 6 décembre 2014, Earl Tappan Stannard a été intronisé au American Mining Hall of Fame lors d’une cérémonie qui s’est tenue à Tucson, en Arizona, par la Mining Foundation of the Southwest. Le 8 juin 2021, j’ai envoyé un courriel au American Mining Hall of Fame, dont les bureaux sont basés à Leadville, dans le Colorado, afin de leur demander s’il leur était possible de me fournir de plus amples informations à propos de Stannard. Ils ont été incapables de m’en apprendre davantage.

Selon Le Chicago Tribune du 2 octobre 1949, les autorités canadiennes auraient demandé la collaboration du FBI à l’époque, surtout parce qu’on retrouvait trois Américains parmi les victimes. Le 15 juin 2021, j’ai donc écrit au FBI afin de savoir si leurs archives ne gardaient pas une trace de cette enquête. Après tout, ils ont déclassifié de nombreux dossiers il y a quelques années, et parmi eux on retrouve un document de 324 pages sur le mystérieux écrasement survenu dans l’Indiana en 1933.

En juin 2021, l’University de Yale, dans le Connecticut, qui possède un fonds d’archives sur Stannard, m’a envoyé trois photographies: l’une de Stannard et deux autres d’une femme que l’on croit être son épouse, Jeannette Condon.

Arthur Ditchfield Storke

Selon les informations récoltées sur le site Find a Grave, Storke est né le 21 mai 1894 à Auburn, comté de Cayuga, dans l’État de New York. Il était donc âgé de 54 ans au moment de son décès. Dans sa jeunesse, il a fréquenté les universités de Stanford et du Colorado avant de se joindre à la Climax Molybdenum en 1917, au sein de laquelle il a gravi les échelons jusqu’à en devenir directeur.

Le 1er juin 1921, il a épousé Mary Rice à Joplin, dans le Missouri. Il fut ensuite directeur de plusieurs compagnies minières africaines. Durant la Seconde Guerre mondiale, il a été conseiller britannique dans le domaine minier, entre autres pour un minerai destiné à servir dans le développement de la bombe atomique.

En 1947, le gouvernement britannique l’a intronisé comme Compagnon de l’Ordre de St-Michael and St-George. Au moment de sa mort, il accompagnait Earl T. Stannard car celui-ci devait lui transmettre ses pouvoirs à la direction de la Kennecott Copper Company avant la fin de l’année. Storke laissait dans le deuil sa femme, Mary Rice[6], qui s’éteindra à son tour en 1977. Au moment de sa mort, Storke habitait avec sa femme à New York.

La dépouille de Storke a été inhumée dans le Fort Hill Cemetery, à Auburn. L'un de ses frères, Frederic Putnam Storke, est décédé en 1973.

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Russell Johnston Parker

Vice-président de la Kennecott Copper, il résidait sur Polly Park Road, dans la municipalité de Rye, dans l’État de New York. Il serait né en 1897.

“On sait que le gouvernement de la province a récemment concédé les mines de titanium du Lac Allard, 25 milles de Havre St-Pierre, sur la Côte Nord du St-Laurent, à la Kennecott Copper Corporation, le grand cartel du cuivre des États-Unis et du monde entier. La Kennecott est à construire un chemin de fer entre Havre St-Pierre et le Lac Allard pour le transport du fer et du titane qu’elle extraiera dès l’automne prochain de ses mines de la Côte Nord. La corporation américaine a créé une subsidiaire la “Quebec Iron & Titanium Company”, qui exploitera nos richesses. (Le Canada, 10 septembre 1949)

Les sympathies éprouvées devant la mort de Parker se sont fait ressentir jusque dans le Salt Lake Tribune, dans un article on soulignait que Parker et Stannard devaient faire une visite en Utah en novembre.

Parker était vice-président de la Kennecott mais aussi président de la Québec Iron and Titanium  Company.

Alphonso Ross Keller

Au moment de la tragédie, Keller habitait au 870 Buchanan, Ville Saint-Laurent, à Montréal. Tout comme Humphries, il était inspecteur pour la Banque de Montréal.

Selon The Gazette, il est né le 21 juin 1903. Il avait rejoint la Banque de Montréal à Midland, Ontario, en 1923. Il s’était enrôlé dans l’armée canadienne et avait atteint le grade de capitaine. En 1946, on l’avait nommé assistant gérant à la City Hall Branch de London, Ontario (continue The Gazette, 10 septembre 1949)

Cecil Charles Goddard Humphries

Cet inspecteur de la Banque de Montréal habitait au 546 avenue Pine (ouest), à Montréal, au moment de sombrer avec les autres passagers du vol 108. Il était né le 18 septembre 1920;

Selon le Sherbrooke Daily Record du 10 septembre 1949, il était inspecteur pour la Banque de Montréal. Il serait né le 18 septembre 1920 à Salvage, à Terre-Neuve, mais avait passé plusieurs années à Sherbrooke. Son père était le Révérend E. H. Humphries, recteur de la Church of the Advent in East Sherbrooke. Il s’était enrôlé dans la RCAF en 1941 et après son service il était revenu à la Banque de Montréal, où il a été nommé assistant inspecteur en 1948. Ses parents résidaient à Grand-Mère, en Mauricie, où son père était recteur de la Stephens Anglican Church.

            Selon Le Nouvelliste, Cecil Humphries avait débuté sa carrière à la Banque de Montréal au bureau de Grand-Mère. Le service funéraire de Humphries a eu lieu en l’église anglicane de Grand-Mère, mais sa dépouille a été inhumée à Marbleton.

Harold Steven Pye

Harold Pye, né en 1925, habitait au 292 rue King (ouest), à Sherbrooke, au moment du drame. Le dossier judiciaire a permis de nous apprendre qu’il était un professeur de culture physique qui s’apprêtait à s’établir sur la Côte-Nord. Malheureusement, il ne m’a pas été possible d’en apprendre davantage à son sujet.

Selon le Sherbrooke Daily Record du 10 septembre 1949, Pye était un athlète connu dans la région de Sherbrooke et avait pour surnom « Tarte ». Il était natif de Sand Point, en Ontario. Il était diplômé du Mitchell High School et du Sherbrooke High School. Il avait travaillé comme enseignant en éducation physique au High School de Lennoxville et directeur athlétique à Noranda, Québec, et aussi directeur à Arvida. Il avait également agi comme coach pour plusieurs équipes sportives. Il évoluait dans des disciplines comme le rugby, le hockey, le basketball, le badmington et le softball.

Malgré son jeune âge, Pye était un ancien président de la Sherbrooke High School Athletic Association. Il avait été diplômé du High School de Sherbrooke en 1944 et à cette époque il agissait déjà comme secrétaire-trésorier pour la ligue de basketball du district.

Au moment de témoigner au procès de Guay, le 3 février 1950, Helen Pye, sa sœur de 26 ans, habitait au 1155 Essex, à Montréal. On la décrivait comme infirmière. Grâce à elle, on sait que son frère a quitté Ayerscliff le 8 septembre pour se diriger à Sherbrooke, où il a pris l’autobus pour Québec. Il venait de passer 7 jours chez sa sœur. Il portait deux bagages lorsqu’il est parti.

La dépouille de Harold S. Pye a été inhumée dans le cimetière Elmwood, à Sherbrooke. Helen Grace Pye, sa sœur qui avait témoigné au procès de Guay, s’est éteinte en 2007. Son corps a été enterré dans le cimetière Elmwood, près de son frère.

Rita Morel

Née le 4 avril 1920, Rita Morel, comme on le sait, était la seule victime ciblée par les tueurs. Épouse de Guay, elle lui a donnée une fille, Lise, née en 1944, et qui, croit-on, sera plus tard adoptée par une tante et son mari. Au moment de sa mort, Rita habitait chez ses parents, au 90 rue Du Roi, à Québec.

Selon Le Soleil du 15 septembre 1949, “Les funérailles de madame J.-Albert Guay ont été faites en l’église Saint-Roch. C’est M. l’abbé Léopold Desrosiers, du séminaire de Rimouski, cousin de la défunte, qui a chanté le service. Il était assisté de MM. Les abbés Noël Blanchet et A. Rochette, qui agissaient comme diacre et sous-diacre.” On peut également y lire que le cortège était conduit par Albert Guay et le père de Rita, Wilfrid Morel. On constate également que Lucille Lévesque, qui a témoigné au procès de Guay à l’effet qu’elle avait été l’une des dernières personnes à voir Rita Morel en vie, a assisté aux funérailles en tant que représentante de la compagnie aérienne.

Quoique sa mort ait été au centre de toute l’affaire, on en sait bien peu à son sujet et sur la femme qu’elle a été. Certes, on constate qu’elle fut victime d’un mari narcissique et manipulateur qui aurait tenté de l’assassiner à plusieurs reprises, toujours par des moyens détournés. Selon André Sirois, qui conserve des souvenirs très détaillés de son enfance passée à Québec, Rita Morel serait venue se réfugier chez ses parents à au moins une reprise en pleine nuit. Elle fuyait apparemment son mari, qui aurait tenté de la faire périr dans un incendie. Le souvenir qu’il garde de Guay est celui d’un homme au profil évasif, qui donnait l’impression de se faufiler telle une couleuvre.

Aujourd'hui, la dépouille de Rita Morel repose dans le même emplacement funèbre que celui de ses parents, dans le cimetière Saint-Charles, à Québec. En supposant que ma source et moi ayons vu juste et que la petite Lise Guay ait effectivement été adoptée par Gérard Denis et Cécile Morel, c’est donc sous le nom de Lise Denis qu’elle a finalement épousé Jacques Roy en 1963. En 1971, leur couple a donné naissance à un fils, Gérard Yves Christian Roy, né à Sainte-Foy le 26 septembre 1971.

Bernadette Charest et ses trois enfants

Née en 1912, Bernadette Charest a épousé Roméo Chapados le 8 novembre 1947. Au moment du drame, le couple vivait à Baie Comeau avec trois enfants: Jean-Claude Chapados, 13 ans, Fleurette Chapados, 14 ans, et le tout dernier Jacques Chapados, âgé de 11 mois. Bernadette avait donc 37 ans au moment de la tragédie.

Selon Le Soleil du 15 septembre 1949, les funérailles de Bernadette et de ses trois enfants ont eu lieu à l’église Saint-Jean-Baptiste, à Québec. “Un des spectacles les plus touchants fut celui de la translation des restes de madame Chapados et de ses trois enfants. Les restes mortels de madame Chapados reposaient dans le même cercueil avec ceux de son enfant de 11 mois, Jacques. Quant aux dépouilles mortelles de Fleurette et de Jean-Claude, elles étaient chacune dans leurs cercueils respectifs. […] Malgré une pluie torrentielle, une foule nombreuse s’était massée aux abords des salons mortuaires de la maison Sylvio Marceau, où les corps de Mme Guay, de Mme Chapados et de ses trois enfants étaient exposés depuis dimanche dernier. Un détachement de policiers assurait même le service d’ordre et fermait la rue Saint-Vallier à la circulation dans ce secteur.”

Toujours selon la même source, c’est “une foule très nombreuse” qui a assisté à l’arrivée du cortège. On soulignait que Roméo Chapados “avait peine à se soutenir. Ce sont ses frères qui l’aidaient à suivre le cortège. M. Roméo Chapados suivait la dépouille mortelle de son épouse et celles de ses trois enfants Fleurette, Claude et Jacques. Il était accompagné du frère de Mme Chapados, M. Paul Charest; des beaux-frères, MM. Louis Morel, Gérard Couture, Armand Chapados, Abel Chapados, Édouard Paquet, Xavier Chapados et Cléophas Chapados; un neveu, Marc Charest.”

Les quatre victimes ont été inhumées au cimetière Saint-Charles, à Québec. Il semblerait que Roméo ne se soit jamais remarié. Il serait décédé le 23 avril 1964 à Baie Comeau.

            Le 3 février 1950, lors du procès de Guay, Célia Charest, épouse d’Armand Chapados, a témoigné. Elle habitait alors au 25 rue St-Réal, à Québec. Elle était âgée de 42 ans. Elle était la sœur de Bernadette. (165125)


 

[1] J’ai trouvé une Phyllis Renouf, née en 1926 et décédée en 2019, mais je n’ai malheureusement pu prouver hors de tout doute qu’il s’agissait de la bonne personne.

[3] Le Canada, 10 septembre 1949.

[4] Les parents de la mariée étaient Noël Poitras et Juliette Desbiens.

[6] Il semble qu’elle se soit remariée plus tard avec un dénommé Haubiel.

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