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1951, 10 novembre - Dolorosa Trépanier, 55 ans

Homicide motivé par les gains relatifs aux assurances et à l’héritage/Homicide domestique par un conjoint non suicidaire – Par incendie – Mise en scène
Lac Sainte-Marie, Outaouais, 95 km au nord de Hull – 1 SC
Rhéal Léo Bertrand, son mari de 39 ans, pendu.
On se souviendra que Rhéal Léo Bertrand avait été acquitté du meurtre de sa première femme, survenu en 1934, et qu’ensuite il avait dépensé l’argent des assurances et passé plusieurs années derrière les barreaux suite à un vol à main armé. Au début des années 1950, il a tenté de refaire sa vie. Il s’est improvisé docteur et avorteur, mais il a surtout dissimulé son passé à Dolorosa Trépanier, qu’il a pris comme deuxième épouse. Il était alors âgé de 39 ans alors que celle-ci en avait 55[1].
Le 10 novembre 1951, Dolorosa est décédé dans l’incendie d’un chalet de chasse au Lac Sainte-Marie, à une centaine de kilomètres au nord de Hull, en Outaouais. Les enquêteurs ont soupçonné que son jeune époux avait mis le feu pour toucher l’héritage.  Du corps de Rosa, on n’a retrouvé que des fragments d’os dont les restes ne pesaient plus que deux ou trois livres.
Le procès de Bertrand devait se tenir en février 1952, mais « le juge Bienvenue, 57 ans, a été foudroyé par une crise cardiaque mardi soir alors qu’il faisait ses recommandations au jury qui devait décider du sort de Rhéal-Léo Bertrand, d’Ottawa, accusé de meurtre. Sa mort soudaine a mis fin au procès. À l’ouverture de la Cour, hier, l’Hon. Juge Paul Ste-Marie a libéré le jury et a sommé Bertrand de comparaître de nouveau le 6 mars alors que seront décidés la date et l’endroit où aura lieu le nouveau procès. Il est possible qu’un nouveau centre soit choisi pour la tenue du procès à cause des difficultés qu’il y aura à former un jury désintéressé pour entendre cette cause, la plus spectaculaire jamais entendue devant les tribunaux de Hull. Me Noël Dorion, avocat de la Couronne, a dit aux journalistes, qu’il tentera peut-être de faire transférer le procès à Montréal. D’autres avocats suggérèrent Québec comme lieu propice. Bertrand sera détenu jusqu’à son nouveau procès. »[2]
Finalement, le procès s’est déroulé à Hull du 12 au 21 mai 1952, devant le juge François Caron. Dans l’après-midi du 19 mai, les docteurs Rosario Fontaine et Jean-Marie Roussel, du laboratoire médico-légal de la Sûreté provinciale à Montréal, ont témoigné à l’effet « que le cadavre de la victime a dû être saturé d’un liquide inflammable quelconque pour avoir été détruit aussi complètement qu’il l’a été ». La Couronne soutenait que Bertrand avait imbibé de varsol[3] les vêtements de la victime avant d’y mettre le feu. Le Dr Fontaine a expliqué que, puisque le corps humain était composé à 75% d’eau, il était très difficile de le faire brûler entièrement et que dans la plupart des incendies on en retrouvait des portions importantes. Or, dans le cas de Mme Bertrand, il ne restait plus que quelques ossements du crâne et des jambes. Le tronc avait entièrement disparu. À une question de Me Dorion, le Dr Fontaine a révélé que « si le cadavre a été détruit si complètement en une demi-heure, c’est que l’incendie a été anormal; il faut dans ce cas que le feu ait été alimenté par une matière inflammable quelconque. »[4]
Cette fois, Bertrand a été reconnu coupable et son exécution a été fixée au 8 août 1952. Cette date a cependant été repoussée au 29 mai 1953, et finalement au 12 juin 1953. Toutes ses requêtes en cassation lui ont été refusées. Pour l’occasion, La Patrie a souligné que Bertrand, décrit comme un homme de 37 ans, convoitait la fortune de son épouse, estimée à 30 000$. À 1h10 de la nuit, le tueur de femmes a grimpé sur le gibet en refusant de serrer la main de l’aumônier et du directeur de la prison, comme cela était pratiqué lors de chaque exécution. « Il avait un air sinistre et est demeuré silencieux. Peu avant son exécution, il avait assisté à la messe et reçu la sainte communion. » Le lendemain de sa pendaison, il aurait célébré son 40e anniversaire.
La Patrie s’est montré d’avis que Bertrand avait probablement tué sa première femme : « Bertrand, après avoir été accusé du meurtre de sa première femme pour se voir ensuite reconnaître innocent, avait épousé sa deuxième femme en septembre 1951 et la Couronne a prouvé que le 10 novembre, soit deux mois plus tard, il amenait sa femme dans un chalet isolé de chasse, pour ensuite mettre le feu au chalet ». Le téléfilm Les Grands Procès du Québec, diffusé au milieu des années 1990, lui a consacré un épisode intitulé l’affaire Tuxedo Kid, un surnom que la presse ontarienne a attribué à Bertrand en raison du fait qu’il portait un habit de soirée lors des comparutions à l’époque de son procès pour hold-up.[5] En 2018, l’auteur Raymond Ouimet lui a consacré un livre de 160 pages.


[1] Dolorosa Trépanier est née le 29 juin 1896.
[2] La Patrie, 21 février 1952
[3] Diluant à peinture.
[4] La Patrie, 20 mai 1952.
[5] Dans les articles de journaux que j’ai consultés à propos de cette affaire il ne m’a pas été possible que ce surnom ait été attribué à Bertrand à l’époque des faits, que ce soit son procès de 1935 ou les autres pour le meurtre de sa seconde femme.  Peut-être le retrouve-t-on dans les notes sténographiques des procès.

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