1956, 7 août - Ernest Chalifoux, policier de 48 ans
- 2 nov. 2024
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Dernière mise à jour : 22 déc. 2024
Homicide commis lors d’un vol – Arme à feu (revolver calibre .32)
Sainte-Agathe-des-Monts – 1 SC
Michel Benoît, condamné à mort, sentence commuée; Bernard Landry, 24 ans, coupable d’homicide involontaire.
Dans la nuit du 7 août 1956, à Sainte-Agathe-des-Monts, dans les Laurentides, le policier de la Sûreté provinciale Ernest Chalifoux, 48 ans, a reçu un appel téléphonique l’informant que deux suspects étaient en train de fouiller dans une voiture stationnée sur la rue Saint-Albert. Un peu plus tôt, le boulanger Anatole Lussier et son employé avaient remarqués deux hommes aux allures louches qui déambulaient sur la rue Saint-Henri avant de forcer une vitre de l’épicerie Cloutier. En s’approchant des deux suspects, Chalifoux leur a demandé ce qu’ils étaient en train de faire et la réponse s’est traduite par des coups de feu. Selon les premiers comptes rendus, deux projectiles se sont engouffrés dans la peau du policier, une dans l’épaule et une autre dans la poitrine. Malgré ses blessures, il est parvenu à remonter dans sa voiture de patrouille et à revenir au poste, où il a klaxonné pour attirer l’attention de son collègue, Paul Éthier. L’instant d’après, cependant, il succombait à ses blessures. « Les meurtriers n’ont laissé aucune trace apparente. La seule chose que l’on sait sur eux est leur âge approximatif, dans la trentaine. »[1] Les détectives Ubald Legault et Gaston Archambault, de l’escouade des homicides de la Sûreté Provinciale, ont hérité de l’enquête.
Le journaliste Jacques Barrette, qui écrivait pour le compte de La Patrie,[2] a apporté quelques rectifications en précisant que Chalifoux avait plutôt été atteint à l’épaule et au cou. « Selon le Dr T.-A. [sic] Fontaine, médecin-légiste de la province, la seconde balle aurait percé l’épaule droite, passé entre les 2e et 3e côtes, perforé les poumons et, finalement, coupé l’aorte, artère principale du cœur. L’arme employée a été un revolver de calibre .32. Toujours selon le médecin, le capitaine n’aurait pas pu vivre même s’il s’était rendu tout de suite à l’hôpital. L’autopsie a été conduite chez Vanier, à Ste-Agathe. » On a également appris que c’était le constable Éthier qui avait reçu l’appel « mais le capitaine Chalifoux, reconnu pour sa force et sa bravoure, a lui-même pris charge de l’affaire. Ce devait être sa dernière mission! »
Le journaliste a ajouté un détail intéressant et selon lequel on avait prévu de couper l’électricité vers 4h00 de la nuit dans tout le village pour des travaux. Les enquêteurs devaient donc envisager la possibilité que les suspects aient été informés de ce détail puisque le meurtre s’est produit dans l’obscurité totale, une dizaine de minutes après cette interruption de service. De plus, les médias ont mentionné le fait que la police possédait les empreintes digitales des suspects qui, entre autres, avaient volé des caisses d’alcool dans une camionnette stationnée sur la rue Saint-Albert. De plus, un cordon policier de 24 km a rapidement été installé tout autour de la municipalité de Sainte-Agathe.
« La veuve du capitaine, Mme Anita Chalifoux, ne croyait pas que son époux avait entrepris le voyage dans l’autre Monde. Elle ne réalisait pas encore que son Ernest, qui était âgé de seulement 46 ans [sic], avait été victime d’un meurtre aussi horrible. Il avait cinq enfants : André, 24 ans, Gabrielle (Mme Jean Larocque), 22 ans, Jean-Guy, 21 ans, Michel, 13 ans, et Roger, 11 ans. André et Jean-Guy font partie de la force constabulaire de Montréal. »
Dans l’édition du 9 août, Barrette annonçait à ses lecteurs que la police était sur le point d’appréhender les suspects, qu’elle croyait cachés dans les bois entre Saint-Donat et Saint-Jovite. Plus de 900 personnes ont participé aux recherches, ce qui a fait dire à La Patrie qu’il s’agissait de « la chasse à l’homme la plus intensive de la région ». Au matin du 10 août, un homme affamé et trempé qui se dira de la marine marchande est sorti de la forêt pour se livrer. Les recherches se poursuivirent pour retrouver le second suspect, que la presse a d’abord identifié sous le nom de Tony Landry avant de l’appeler Bernard Landry, alias Champagne, 32 ans. Pendant ce temps, le suspect qui s’était livré, et qui portait une blessure par balle à la main droite, était identifié comme étant Michel Benoît. En raison de son escapade en forêt, il était couvert de lacérations et de piqûres d’insectes.
Le procès de Benoît pour le meurtre du policier Chalifoux a eu lieu du 27 novembre au 3 décembre 1956 à Saint-Jérôme, devant le juge George S. Challies. L’avocat de Benoît a plaidé l’aliénation mentale, au point où « le Dr François Cloutier, chef de la division de psychiatrie de l’hôpital Notre-Dame de Montréal, fut le principal témoin de la défense. Il a déclaré qu’il croyait que l’accusé « souffrait d’un dérangement mental et qu’en moment de panique il ne pouvait distinguer le bien du mal. » Il a catalogué Benoît comme étant un « paranoïaque. » Des experts médicaux ont aussi témoigné pour la Couronne. »[3]
Le 3 décembre, le jury s’est retiré à 17h30 pour revenir environ trois heures plus tard avec un verdict de culpabilité. Son exécution a été fixée au 12 avril 1957. L’avocat de Benoît a déclaré qu’il porterait la cause en appel. Il a eu du succès puisque la sentence de son client a été commuée en emprisonnement à vie.
« Un autre individu, Bernard Landry, 24 ans, de Montréal, a été accusé de meurtre en rapport avec la mort du capitaine de police. Son procès a été fixé en février. »[4] Il sera reconnu coupable d’homicide involontaire après que le jury ait délibéré durant environ deux heures.
En 2019, la famille Chalifoux a rendu hommage à leur bien-aimé disparu. Une plaque commémorative a été érigé à Sainte-Agathe, dans le parc Maurice-Demers, afin de rappeler l’ultime sacrifice qu’il avait fait pour protéger ses concitoyens.
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