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1959, 15 mai - Alexander W. Heron

  • 3 nov. 2024
  • 5 min de lecture


Homicide commis lors d’un vol – Arme à feu (calibre .32)
Témiscamingue, Banque de Montréal – 3 SC
Ernest Côté, 37 ans, pendu; et Ronald Kyle Brush, acquitté.
Au matin du 15 mai 1959, vers 8h40, le caissier Jacques Tremblay, 23 ans, s’est présenté à la Banque de Montréal de Témiscamingue avec son trousseau de clé. Un homme attendait près de l’entrée et Tremblay lui a fait remarquer que l’ouverture s’effectuait seulement à 10h00. L’individu s’est contenté de le regarder, sans dire un mot. Au moment où Tremblay déverrouillait la porte, le suspect, qui sera plus tard identifié sous le nom d’Ernest Côté, 37 ans, est entré à l’intérieur en dégainant un revolver de calibre .32. Celui-ci a aussitôt demandé au caissier de lui ouvrir une porte latérale, par laquelle il a fait entrer son complice, Ronald Kyle Brush. Les blasphèmes lancés par Côté ont fini par attirer l’attention du gérant Alexander W. Heron, qui habitait à l’étage. Heron est descendu pour voir ce qui se passait. Dès qu’il a vu une arme dans la main du suspect, il s’est jeté sur lui. Au cours de la lutte qui a suivi, deux balles se sont logées dans la tête de Heron, alors qu’une troisième a perforé ses deux poumons. D’après ce que Tremblay dira plus tard lors du procès, cette troisième balle a été tirée alors que son patron se trouvait déjà par terre et qu’il tentait de se relever.
            Les deux braqueurs sont sortis par la porte latérale avant de s’engouffrer dans une Buick 1952 pour prendre la fuite à toute vitesse en direction de North Bay, la ville natale de Côté. Heron a trouvé la force de faire quelques pas en direction de la porte en disant « get’em guys! »[1] Dans sa fuite, Côté a été reconnu par un mécanicien du nom de Jim Lynn qui s’affairait à réparer un pneu. Lynn l’identifiera facilement lors du procès. Adémard Gaudette, un autre témoin, s’est fait une joie de remettre au chef de police Georges Dupont le numéro de plaque de la voiture qu’il avait pris en note : 146-531. Le chef Dupont a immédiatement téléphoné à ses confrères de North Bay pour leur filer l’information et c’est ainsi que, une trentaine de minutes plus tard, la voiture et les deux voleurs étaient interceptés par les policiers Bob Osborne et Vern Dix. Une brève poursuite s’est engagée, au cours de laquelle les deux braqueurs se sont débarrassés de deux revolvers de calibre .32.
Les deux individus ont ensuite été confiés au sergent-détective Gaston Archambault de l’escouade provinciale des homicides. On trouvera dans la voiture deux carabines et une trousse de maquillage. Une fouille sommaire des fossés a permis de retrouver les revolvers, que l’on a confié au Dr Jean-Marie Roussel de l’Institut médico-légal de Montréal pour faire des analyses visant à déterminer si les balles ayant tués Heron avaient été tirées par l’une de ces armes. Plus tard, on a appris que l’arme du crime appartenait à un certain Arthur Johnson, que Côté aurait connu en prison. Johnson lui avait « prêtée » ce revolver deux semaines avant le drame.
Normalement, selon Allô Police, le procès aurait dû se dérouler à Ville-Marie, dans le comté de Témiscamingue, mais puisque l’accusé parlait beaucoup mieux anglais que français la défense a obtenu un changement de venue à Hull, où il serait plus aisé de trouver des jurés anglophones. Le procès a donc eu lieu du 12 au 14 novembre 1959 devant le juge Paul Miquelon, qui en était à sa première cause de meurtre en tant que juge. La défense de Côté était assurée par Me Jérôme Somers de Hull, commis d’office. Celui-ci a tenté de plaider le fait que les trois coups avaient été tirés accidentellement, mais sans succès. Pour sa part, la Couronne était représentée par Me Roger Vincent, épaulé par Me Lionel Mougeot.
Le principal témoin était évidemment le caissier Jacques Tremblay, mais on a aussi entendu 17 autres personnes. Après que le jury ait rendu son verdict de culpabilité, après 15 minutes de délibérations, Côté s’est tourné vers eux pour leur dire : « vous avez bien agi et je ne voudrais pas que vous soyez empêchés de dormir ce soir. Je n’ai aucune animosité contre vous, et vous n’avez pas à vous sentir coupables. Vous n’avez fait que votre devoir. » Puis, après avoir regardé son avocat, le juge et les policiers, il a ajouté : « je pense la même chose de vous. Vous avez tous fait votre devoir, et je vous remercie. »
Après avoir enfilé ses gants noirs, le juge Miquelon a répliqué : « vous avez raison, Côté, je n’ai agi que selon mon serment.  Je suis convaincu que vous n’aviez pas l’intention de tuer en allant perpétrer un hold-up dans cette banque, mais la loi est formelle, et elle nous contraint à appeler meurtre le crime que vous avez commis. D’ailleurs, cet assassinat devait vous arriver après la vie que vous avez menée, remplie de vols avec effraction, avec violence, et à main armée. Il est trop tard maintenant pour comprendre que le crime ne paie pas. Mais votre exemple servira peut-être aux autres. »
Allô Police a expliqué en ces termes pourquoi Côté se méritait tout de même la peine de mort : « comme l’a signalé le président du tribunal au procès, il est évident que Côté n’allait pas là dans l’intention de tuer. Mais, dans sa nervosité, et par un concours de circonstances spéciales, il l’a fait. Or, le code pénal prévoit le cas. À l’article 202, il spécifie que si une mort violente survient au cours d’un hold-up, il s’agit automatiquement d’un meurtre, même si l’intention de tuer est inexistante. Il dit, en somme, que si quelqu’un s’arme d’un revolver chargé pour obtenir de l’argent, il prend tous les risques que cela comporte. »
Étant donné le changement de mentalité qui était en train de s’instaurer au pays sur la question de la peine de mort, plusieurs juges confrontés à des causes similaires permettaient aux jurés la possibilité de rendre un verdict d’homicide involontaire, permettant ainsi au condamné d’éviter la corde. C’est pourquoi Allô Police a qualifié la position du juge Miquelon de « courageuse », alors qu’aujourd’hui on pourrait se poser de nombreuses questions.  Est-ce que devant un autre juge Côté n’aurait pas évité l’échafaud? Ce qui est sûr, c’est que Miquelon s’est adressé au jury en disant que le verdict de manslaughter était impossible, même si Me Somers avait basé sa défense sur ce point.
Côté, dont les cheveux étaient déjà gris malgré ses 37 ans, a été transféré à Bordeaux. Ronald Kyle Brush, son présumé complice, a subi son procès quelques jours plus tard. Il sera acquitté.
            Le 11 mars 1960, quelques heures avant son exécution, Ernest Côté a déclaré : « la société canadienne doit se débarrasser de la peine capitale. La peine de mort ne peut pas sérieusement et en toute honnêteté exercer un effet préventif contre le meurtre ». Il reste probablement le seul supplicié québécois à avoir émis une opinion intelligente sur ce lourd débat de société. Coïncidence ou non, il a été le dernier criminel pendu au Québec. À l’échelle canadienne, la dernière pendaison s’est produite le 11 décembre 1962 à la prison de Don Jail à Toronto, date à laquelle on a procédé à la double exécution de Ronald Turpin et Arthur Lucas, reconnus coupables d’avoir tué des policiers lors d’un cambriolage. Leur décès a été constaté à 0h18. En 1967, l’année du centenaire de la Confédération, le gouvernement canadien a aboli la peine capitale sauf dans les cas de meurtres de policiers et de gardiens de prison. En 1976, l’abolition est devenue complète et officielle. Sur le plan militaire, il faudra attendre jusqu’en 1998 pour la voir disparaître complètement.

[1] Attrapez ces gars-là!

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