1913, 9 novembre – Humberto Califano 

Homicide à motif indéterminé – Arme à feu 

Montréal, 2474 rue Saint-Hubert – 1 SC 

Luigi (Francesco) Romano, condamné à mort, sentence commuée en emprisonnement à vie. 

Vers 1h00, dans la nuit du dimanche 9 novembre 1913, Humberto Califano94 retournait à sa pension du 2474 rue Saint-Hubert à Montréal. Il était en train de grimper l’escalier qui conduisait au 2e étage lorsqu’il a entendu prononcer son nom. En se penchant pour mieux voir, il a reçu deux balles de revolver en pleine poitrine. En s’effondrant dans l’escalier, il a eu le temps de voir deux ombres disparaître dans la nuit. Des voisins l’ont immédiatement transporté à l’intérieur pour tenter de le soigner, si bien que l’ambulance de l’hôpital Royal Victoria a été demandée seulement à 5h00. Là-bas, les médecins ont constaté la gravité des blessures et le juge Lanctôt, comme il l’avait fait dans l’affaire Yacovloff (1912), s’est rendu à son chevet avec un sténographe officiel pour recueillir ses dernières paroles.  La victime a cependant refusé d’identifier ses agresseurs, ce qui a poussé La Patrie à supposer que les quatre heures écoulées avant l’arrivée de l’ambulance avaient permis au mourant de s’entretenir avec des amis et parents pour organiser sa vengeance posthume. D’ailleurs, les inspecteurs qui ont interrogé son entourage n’ont recueilli aucun élément valable. 

Éventuellement, les policiers ont tout de même ciblé un Italien du nom de Luigi Romano. Ce dernier devait subir un premier procès en juin 1914, au terme duquel il a été trouvé coupable. Son avocat, Me Alban Germain, s’est opposé à la lecture de certaines dépositions qui n’avaient pas été signées par le juge et la Cour d’Appel lui a donné raison en ordonnant la tenue d’un deuxième procès. Celui-ci s’est ouvert le 7 juin 1915 au palais de justice de Montréal devant le juge Louis-Philippe Pelletier. Au matin du 8 juin 1915, Luigi Romano a témoigné pour sa propre défense, niant de façon catégorique avoir tiré sur Califano. 

Au matin du 9 juin, Me Germain a livré sa plaidoirie de 10h00 à 12h30, au cours de laquelle il « a disséqué la preuve faite au cours du procès pour démontrer que tout l’échafaudage étayé par la couronne repose entièrement sur des suppositions et des hypothèses. Il a prétendu que pas l’ombre d’une preuve directe n’avait été établie pour démontrer la culpabilité de Francesco Romano. »95 Néanmoins, le jury a retenu les arguments du procureur de la Couronne car il a déclaré Romano coupable pour la seconde fois. « L’hon. Juge L. P. Pelletier était visiblement ému lorsqu’il a prononcé la sentence de mort, et c’est avec des sanglots dans la voix et les mains tremblantes qu’il a prononcé les paroles de la condamnation. »96 

Quand il a vu le juge pleurer et l’interprète Viglino lui traduire ses propos, Romano, jusque-là impassible, a eu un moment de faiblesse. Le sergent Hannan et le garde Horace Barré ont supporté le condamné pour lui éviter de s’effondrer. Me Germain pleurait également, si bien que La Patrie a parlé d’une « scène pathétique. » Dans la salle des pas perdus, la femme de l’accusé attendait avec leur enfant de 3 ans. Elle a eu une crise d’hystérie avant de menacer « de son poing crispé les personnes que son imagination surchauffée rendait responsables de l’épouvantable sort que sera celui de Romano ». L’exécution de Romano a été fixée au 15 octobre 1915, mais sa peine a été commuée en emprisonnement à vie au pénitencier Saint-Vincent-de-Paul. 

Par ailleurs, le soi-disant deuxième agresseur que Califano a vu au moment de s’effondrer dans l’escalier n’a jamais été identifié ni retrouvé.