Profit personnel – Arme à feu
L’Acadie, entre Chambly et Saint-Jean - 2 SC
Paul Renaud alias Dolor Lépine, 21 ans, pendu.
Le 27 avril 1916, un jeune homme qui disait s’appeler Paul Renaud s’est présenté chez Albert Wing, un cultivateur qui tenait également une forge dans la paroisse de l’Acadie, entre Saint-Jean et Chambly. Le jeune homme, qui disait venir de Montréal, a demandé à Albert s’il pouvait lui donner du travail. Wing l’a fait entrer chez lui pour lui offrir l’hospitalité. Après avoir discuté toute la soirée, les membres ont regagné leur chambre, et Paul Renaud est demeuré à coucher. Vers 2h00 de la nuit, Mme Wing a été réveillée par un bruit. En sortant de sa chambre, elle s’est retrouvée devant le jeune homme qui lui demandait de l’argent. Albert Wing a fini par se réveiller lui aussi et il a vite constaté ce qui se passait. Dans une main, Renaud avait déjà une poignée de dollars qu’il venait de prendre sans permission. Wing lui a alors demandé de lui rendre cet argent. C’est là que Renaud a sorti un revolver. Plusieurs coups de feu ont été entendus. Albert Wing s’est écroulé sur le plancher, baignant dans son sang. Pendant ce temps, sa femme courait dans tous les sens en criant au secours.
Pour échapper au pire, les filles de Wing ont sauté par une fenêtre. À l’arrivée des premiers témoins, Albert Wing était déjà mort de trois balles dans la peau. Des voisins ont aussitôt organisé une chasse à l’homme. Grâce au courage de ces citoyens, Renaud a rapidement été appréhendé. Le procès de Paul Renaud, de son vrai nom Dolor Lépine, a eu lieu du 23 au 25 octobre 1916 à Saint-Jean devant le juge Monet. On a décrit l’accusé comme amaigri et morose, car il ne dormait qu’une heure ou deux par nuit. Selon les journalistes, le procès a attiré tellement de curieux – on a parlé de 500 personnes – que plusieurs devaient rester debout dans le prétoire. Selon les docteurs N. A. Sabourin et George Phoenix, qui ont réalisé l’autopsie, la victime avait reçu trois projectiles : un à l’abdomen, qui a perforé les intestins, et deux autres dans la région du cœur et des poumons. On a noté d’autres blessures derrière un bras et dans le dos, ainsi qu’une cicatrice profonde au côté de la tête, vraisemblablement le résultat d’un coup de crosse de pistolet. Il semble que Lépine se soit acharné sur lui après avoir vidé son arme.
La veuve de la victime, née Betsie Smith, a raconté que, vers 3h00 de la nuit, elle avait entendu un grincement de clé dans la serrure d’une porte de la salle à manger. Elle a aussitôt réveillé son mari, qui est allé voir ce qui se passait. Immédiatement après, elle avait entendu quatre ou cinq coups de pistolet. « Mon mari est tombé à genoux près de mon lit. En rentrant dans ma chambre, j’ai vu qu’il était blessé. Le prisonnier est entré lui aussi dans la chambre, je lui ai dit que s’il voulait de l’argent je lui en donnerais. Puis je suis montée en haut dans la chambre de mes filles, Annie et Marie, et je fermai la porte. Le prisonnier est venu frapper à la porte et il a tiré trois ou quatre coups de pistolet à travers la serrure qu’il a brisée. J’ai été blessée au second doigt de la main et à la jambe. Il est entré alors dans la chambre et il a dit à ma fille Annie et à moi de sortir de cette chambre et d’entrer dans la chambre opposée et il a fermé lui-même la porte. Alors j’ai ouvert le châssis, j’ai jeté un lit de plume en bas. J’y ai laissé glisser ma fille en la tenant par les mains et moi j’ai sauté en bas. »[1]
Marie Ethel[2], la fille de Betsie, a corroboré les dires de sa mère avant que John Wing raconte comment il s’était présenté sur les lieux et avait épaulé son fusil pour viser le meurtrier et l’obliger à lever les mains en l’air. Lépine a été reconnu coupable et condamné à mort. Quand on lui a demandé s’il avait quelque chose à déclarer, « ce dernier se contenta de dire que si on voulait le libérer il se hâterait de s’enrôler. »[3]
Il a été pendu le 24 novembre 1916 à la prison commune de Saint-Jean. La veille, lorsque le prêtre lui avait annoncé que tous les recours avaient été épuisés, Renaud aurait dit : « c’est bon, je suis content. C’est le plus beau jour de ma vie. » Quelques centaines de personnes ont assisté à sa pendaison. Le corps n’étant pas réclamé par la famille, il aurait été enterré, selon La Patrie, dans le cimetière catholique de Saint-Jean.
[1] La Patrie, 25 octobre 1916.
[2] Elle épousera plus tard un dénommé Trépanier avant de s’éteindre à Rawdon le 28 juillet 1983 à l’âge de 87 ans.
[3] La Patrie, 26 octobre 1916.
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