Homicide commis lors d’un vol – Arme à feu (Colt .38)
Lachine – 2 SC
George McDonald, 24 ans, pendu; et Doris Palmer McDonald, condamnés à mort, sentence commuée.
Le 19 juillet 1927, le corps criblé de balles d’Adélard Bouchard, propriétaire d’une compagnie de taxi de Lachine, a été retrouvé dans un fossé le long de la route principale de Huntingdon. C’est un citoyen du nom de Charles Helm qui a fait la découverte, à quelques pas de la frontière américaine. L’enquête a permis de découvrir les détails de la dernière course de Bouchard. Trois jours plus tôt, celui-ci avait fait monter trois clients à l’hôtel Mont-Royal, deux hommes et une femme. Une heure après le drame, les douaniers leur avaient interdit l’accès aux États-Unis parce qu’ils ne possédaient pas les papiers du véhicule et que le conducteur avait tenté de se déguiser en chauffeur. De plus, la femme assise à l’arrière était complètement nue.
Les deux individus ont été identifiés comme George McDonald et sa femme, Doris Palmer. Selon L’Action Catholique du 19 août 1927 « la police de New York prétend posséder une photographie qui ne serait autre que celle de Mme Francis Clarke Allen, populaire parmi les actrices de cinéma sous les noms de Majorie Anderson. Cette photographie a été envoyée au chef de la sûreté provinciale M. D. Lorrain et plusieurs personnes ici disent qu’elle représente cette femme qui faisait partie du trio qui a tué Bouchard, c’est le détective Ouellette de la sûreté municipale qui a identifié la photo comme étant celle de la femme recherchée, parce qu’il l’a eue sous garde au château Inu « près de Montréal » le jour avant le meurtre, alors que McDonald et la femme Anderson étaient accusés, avec Palmer, d’avoir volé 250$ à l’épouse d’un capitaine de navire Danois. Ils furent relâchés faute de preuve. »
Il s’est écoulé encore quelques semaines avant qu’on puisse retracer le couple par des faux chèques et procéder à leur arrestation dans le Montana. En octobre, on les a ramenés à Montréal. Un troisième suspect, Frank McMullen alias George Vance, ne sera jamais appréhendé.
Selon Daniel Proulx, qui a consacré un chapitre à cette affaire dans son ouvrage Les grands procès (1996) : « on apprend que McDonald est en fait un Canadien au casier judiciaire chargé malgré ses 24 ans. Natif de la Nouvelle-Écosse, il a émigré avec sa mère dans le Maine et a très tôt eu une disposition au crime. Il a fait de la taule au Canada puis dans l’État de New York. Engagé dans la garde côtière américaine, il a déserté puis a été pris. Il s’est évadé, a été repris puis s’est évadé à nouveau. Il a été déporté deux fois au Canada. Son chemin est parsemé de faux chèques, de petits vols avec violence puis de hold-up. »
Le procès conjoint de McDonald et Palmer a eu lieu du 7 au 17 décembre 1927 à Valleyfield devant le juge Joseph C. Walsh. Ils étaient défendus gratuitement par les avocats Alex Legault et R. L. Calder, tandis que la Couronne était représentée par les procureurs Philippe Brais et Ludger Codebecq. La beauté de Doris, qui se voulait actrice, a attiré l’attention des journalistes. Le juge a d’abord refusé un délai demandé par les avocats de la défense, qui venaient à peine d’hériter du dossier. La Couronne a ensuite établi des liens matériels entre les accusés et la scène de crime puisque des vêtements leur appartenant ont été retrouvés près du corps. Puis on a reconstitué leurs déplacements avant le meurtre. Le témoignage du Dr Rosario Fontaine a permis d’établir que le revolver Colt de calibre .38 retrouvé sur les accusés au Montana était bien l’arme qui avait tué Bouchard. Entre autres choses, il a expliqué qu’une balle de calibre .25, qui correspondait à l’arme de Doris Palmer, avait été retrouvée dans la voiture de la victime. Elle n’avait pas atteint Bouchard mais on venait de faire la preuve qu’elle avait tirée dans sa direction et qu’elle avait donc eu l’intention criminelle de l’assassiner.
Pour sa part, la défense a choisi de ne faire entendre aucun témoin, ce qui lui donnait l’avantage d’être la dernière à présenter sa plaidoirie. Elle a d’ailleurs jeté le blâme sur l’accusé absent, Vance, soulignant que c’était lui le cerveau puisque les autorités ne l’avaient toujours pas arrêté. Il faudra pourtant 25 minutes au jury pour déclarer les deux accusés coupables. À l’annonce du verdict, Doris s’est effondrée par terre en criant et en sanglotant. Pour sa part, McDonald a craqué seulement à son arrivée dans les cellules. Leur exécution conjointe a été fixée au 23 mars 1928. L’opinion publique américaine s’en est mêlée car « des sociétés pour l’abolition de la peine de mort écrivent au président Coolidge, à l’ambassadeur américain à Ottawa et au gouverneur général pour sauver Doris Palmer de la potence. Le célèbre criminaliste américain Clarence Darrow est sur l’affaire. Le Chicago Women’s Club fait circuler une pétition à la grandeur des États-Unis : à la mi-février, plus de vingt mille personnes, dont certaines fort influentes, l’ont signée. La presse d’outre-frontière parle d’un procès injuste, critique la loi canadienne en matière de complicité et dénigre nos cours d’appel. »[1]
À quelques semaines de l’exécution, selon Proulx, le premier ministre du Québec annonce que désormais le public et les journalistes ne seront plus admis aux exécutions, suivant ainsi l’exemple britannique. Le 21 mars, la sentence de Doris a été commuée en emprisonnement à vie. Deux jours plus tard, son jeune mari de 25 ans a été le seul à monter sur l’échafaud, supervisé par le bourreau Arthur Ellis. La veille du supplice, il avait reçu un message de sa jolie épouse dont La Patrie a publié un extrait : « demain, une messe et la communion seront offertes, et je ne cesserai pas de prier pour toi. Puisse la Vierge te recevoir au seuil du paradis. » On a permis à McDonald de lui répondre par écrit, l’abbé Léon Verschelden se chargeant de transmettre le message à Doris. Elle a écrit une autre lettre à Me Legault afin de le remercier de ses services.
Quant à lui, le supplicié a été accompagné par l’abbé Verschelden jusqu’à la potence. À 5h37 au matin du 23 mars, la trappe s’est ouverte sous les pieds de George C. McDonald. Sa mort a été instantanée. Selon Proulx, Doris a retrouvé sa liberté une dizaine d’années plus tard. Elle serait retournée aux États-Unis avant de sombrer dans l’oubli.
[1] Daniel Proulx, Les grands procès du Québec, p. 109.
Comments