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1934, ?-29 juin – Nicolas Sarao



Homicide motivé par des gains relatifs aux assurances et à l’héritage – Objet contondant (pierre et bâton)

Montréal - 1 SC

Angelo Donafrio, 19 ans; Leone Gagliardi; et Tommasina Teolis Sarao, sa femme de 45 ans, pendus.

            Dans la matinée du 29 juin 1934, Steven Barzen, un adolescent de 16 ans, marchait tranquillement en compagnie de son ami Wilbur Kennedy dans le secteur de la piste de course Blue Bonnets à Montréal lorsqu’il a découvert le corps d’un homme étendu sur les rails de chemin de fer. La victime, de race noire, leur a d’abord paru être ivre et endormi. En revenant plus tard au cours de la journée, les deux amis ont constaté que l’homme n’avait pas bougé. Alerté par les jeunes marcheurs, le chef de police Elliott a débarqué sur les lieux avec le constable Marshall et le Dr Ross. L’homme a été identifié sous le nom de Nicolas Sarao. On lui avait vraisemblablement fracassé le crâne à coups de pierre. D’ailleurs, on a retrouvé sur la scène de crime un bâton et une pierre tachés de sang coagulé. Après la prise des photos judiciaires, le corps a été transporté à la morgue et confié au Dr Jean-Marie Roussel.

L’enquête policière a permis de déposer des accusations de meurtre contre la veuve, Tommasina Teolis Sarao, une Italienne de 45 ans, ainsi que ses présumés complices, Angelo Donafrio, un étudiant de 20 ans, et un certain Leone Gagliardi, décrit comme un petit homme trapu « à la figure grasse et très brune aux épais sourcils noirs, aux lèvres accentuées. »[1] Quant à la veuve, on a précisé qu’il s’agissait d’une « grasse personne aux cheveux noirs. » Après son arrestation, Gagliardi a fait une confession dans laquelle il affirmait avoir commis le meurtre avec Donafrio. En retour, ce dernier a fait des aveux similaires. Toutefois, La Patrie a souligné que « les deux femmes, dont l’une est, dit-on, à demi-idiote, prétendent avoir été ensorcelées par les deux hommes. »[2]

            Le procès conjoint s’est ouvert le 1er octobre 1934 devant le juge Louis J. Loranger.  L’arme du crime, une pierre de 67 livres encore tachée de sang et de cheveux, a été déposée en preuve. Selon le Dr Roussel, la victime avait été tuée deux heures après son dernier repas, ce qui faisait remonter le crime à une quinzaine d’heures avant la découverte.

            Appelé comme témoin, Gagliardi a prétendu avoir été malmené par les policiers.  « Gagliardi jure que les détectives Francoeur et Prisky se sont servi de la force pour obtenir sa confession, le premier le frappait à coups de poing et le second le menaçant d’un revolver. Angelo Donofrio [sic], ce jeune homme qui travaillait auparavant comme cireur de chaussures, prétend également qu’il aurait été obligé de signer la confession lue en Cour ce matin. »[3]

            Lors de son témoignage, Donafrio a affirmé, alors qu’il montait à bord d’une voiture dans laquelle se trouvait déjà son complice, que Gagliardi lui aurait dit « c’est inutile, nous sommes finis. Regarde ce qu’ils m’ont fait. » Pour leur part, les détectives Prisky et Francoeur ont livré une autre version. Le constable Dellaniello a témoigné en leur faveur en disant qu’aucune promesse ni menace n’avait été faite aux suspects. Le juge a tranché en faveur des policiers, soulignant que la confession de Donafrio contenait des détails si précis que cela ne pouvait avoir été inventé sous la contrainte. Dans un extrait de la confession de Donafrio publiée par La Patrie, on peut lire : « je connaissais Gagliardi depuis 3 ans. Il y a trois semaines (avant le meurtre) il me demanda si je tuerais un homme, qu’il y avait quelqu’un qu’il détestait et dont il voulait se débarrasser, m’offrant 500$, quand la femme de l’homme aurait retiré les assurances. Je répondis que je ne savais pas. »

Les aveux précisaient que Donafrio avait frappé Sarao à la nuque. La victime aurait poussé un cri avant de porter une main à son cou et de s’effondrer sur ses genoux. « Je continuai à frapper le vieil homme sur la tête et Gagliardi prit alors le bâton pendant que je tenais Sarao par son habit, tâchant de l’empêcher de crier. Gagliardi frappa à son tour et m’attrapa sur l’index, c’est la petite coupure que l’on voit encore sur ma main. »

Après avoir placé leur victime sur les rails, les deux tueurs s’étaient assuré que Sarao était bien mort. Ensuite, Gagliardi avait remis 5$ à Donafrio avant de prendre la direction de la ville. Un dénommé Vézina a raconté que Gagliardi lui avait déjà proposé de tuer un homme. Peu après, le révérend Charles M. O’Dohersy de l’Ordre de la Présentation de Marie dira sous serment que Donafrio, qui avait étudié le latin au high school, « avait une excellente conduite et ne mentait jamais. »[4]

Donafrio et Mme Sarao étaient défendu par Me Mario Lattoni, alors que Gagliardi était représenté par Me Willie Proulx. Dans sa plaidoirie, celui-ci a tenté d’expliquer que Donafrio souhaitait se venger en incriminant son complice. Selon les journaux d’époque, les trois accusés écoutaient attentivement sans aucun signe de nervosité. Les délibérations ont duré 25 minutes avant que le jury déclare les trois accusés coupables. Gagliardi se serait légèrement mordu les lèvres. « Donafrio demeura impassible, les yeux sans expression, alors que la femme Sarao regardait avec angoisse, ne semblant pas se rendre compte de la situation. »[5] Quand on leur a demandé s’ils avaient quelque chose à déclarer, Gagliardi secoua la tête négativement. Ils sont demeurés imperturbables devant les prononcés des trois sentences de mort. La date de leur pendaison a été fixée au 18 janvier 1935.

La triple pendaison a été repoussée jusqu’au 29 mars 1935. À 8h00 du matin, Gagliardi et Donafrio ont été escortés jusqu’à l’échafaud par l’abbé Léon Verschelden, précédés par le gouverneur de la prison Napoléon Séguin. Selon le compte-rendu de La Patrie, les deux condamnés se sont arrêtés un instant en voyant l’échafaud avant de reprendre leur marche vers la mort. L’abbé Verschelden marchait à reculons devant eux pour leur montrer le crucifix.  Après avoir embrassé la croix, les deux hommes, les mains attachés dans le dos, « furent secoués d’un léger tressaillement nerveux lorsque le bourreau Ellis leur couvrit rapidement la tête de la cagoule noire des condamnés. Quand le bourreau plaça le bonnet noir sur la tête de Gagliardi, un coup de vent survint et le bonnet quitta sa place pour aller tomber dans la cour, en bas. Il fallut aller le chercher et tout fut à recommencer. Cela eut le don d’énerver un peu le bourreau. »[6]

Les deux suppliciés, côte à côte, ont plongé dans le vide dès l’ouverture de la trappe.  Les deux corps ont été envahis par des spasmes nerveux. La mort de Gagliardi aurait été instantanée, tandis qu’il a fallu une dizaine de minutes pour son complice.

« La pendaison de la femme Sarao, pesant 182 livres, ne fut pas aussi facile que celle des deux autres condamnés. Elle se termina malheureusement par une véritable boucherie et le spectacle fut horrible pour tous ceux qui en furent témoins. Quand elle monta sur l’échafaud on lui plaça le bonnet noir sur la tête et le bourreau allait lui passer la corde autour du cou quand elle demanda, comme dernière faveur, d’embrasser une dernière fois le crucifix. Cette faveur lui fut accordée par le shérif et on lui enleva le bonnet. Ceci eut l’effet d’énerver davantage le bourreau qui, après avoir remis le bonnet, plaça la corde trop longue. Quand il déclancha [sic] la trappe, le corps fut trop lourd pour la corde. Le coup fut terrible. La tête fut brusquement arrachée du tronc et alla tomber sur l’échafaud, pendant que le corps pesant comme il était, alla tomber sur le deuxième balcon, en bas, le sang sortant par l’énorme blessure du cou. »[7]

On a dénombré plusieurs malaises parmi les témoins de l’exécution.

Tommasina Teolis a été la première femme à monter sur l’échafaud de la prison de Bordeaux. Son corps a été réclamé par ses fils. Selon Sébastien Bossé et Chantal Bouchard, les auteurs de Bordeaux l’histoire d’une prison, ce désastre aurait poussé le bourreau Ellis à prendre sa retraite en 1936.[8]

Alisero, qui devait lui-même être pendu le 3 mai 1935, aurait perdu conscience en regardant l’exécution par la fenêtre de sa cellule. Le lendemain, La Patrie a corrigé son erreur selon laquelle ce n’était pas l’abbé Léon Vershelden qui avait escorté les suppliciés mais plutôt l’abbé Poirier. L’exécution de Mme Sarao a suscité un mouvement de protestation contre les conditions entourant la peine de mort. L’un de ses fils, Carmine Sarao, est décédé à Montréal le 17 octobre 1979 alors que le second, Tony Sarao, s’est éteint le 13 avril 1995 à l’âge de 78 ans.


 

[1] La Patrie, 2 octobre 1934.

[2] La Patrie, 1er octobre 1934.

[3] La Patrie, 4 octobre 1934.

[4] La Patrie, 5 octobre 1934.

[5] La Patrie, 6 octobre 1934.

[6] La Patrie, 29 mars 1935.

[7] La Patrie, 29 mars 1935.

[8] Sébastien Bossé et Chantal Bouchard, Bordeaux l’histoire d’une prison, (2013), p. 99.

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