Homicide sexuel – Battue à mort – Surpuissance – Mise en scène
Pointe-Saint-Charles – 2 SC
Franklin Maywood Romine, décédé en 1982, identifié en 2023 par son ADN.
Le 28 mars 1975, vers 19h00, Sharron Prior, 16 ans, quittait la maison familiale (rue de la Congrégation, dans le quartier Pointe-Saint-Charles, à Montréal) afin de se rendre dans un restaurant de la rue Wellington, le Marina Pizzeria, où l’attendaient des amis. Toutefois, Sharron n’a jamais atteint la destination.
Le lendemain, elle était portée disparue. La jeune fille, qui ne transportait ni argent ni carte d’identité, fréquentait le Verdun High School.
Le 1er avril, « Le corps partiellement dévêtu d’une jeune fille découvert mardi soir dans un boisé de Longueuil a été identifié hier comme celui de Sharron Prior, une adolescente de 16 ans qui avait disparu samedi soir de sa résidence de Pointe-Saint-Charles. L’autopsie pratiquée hier a démontré que la jeune fille avait été violée et sauvagement battue, et qu’elle avait subi la fracture de la mâchoire ainsi que la perforation du thorax. Le corps fut découvert vers 21h00 dans un champ, à une cinquantaine de pieds du boulevard Guimond, près du chemin du Lac, à Longueuil, par un résident de l’endroit. Selon la police, l’adolescente a pu être tuée dans une automobile ou ailleurs et son corps aurait ensuite été déposé à cet endroit. […] La police pense qu’en se rendant au restaurant, Sharron Prior a probablement traversé un secteur où une jeune femme de 23 ans, Mlle Cheryl Roy, fut attaquée vers la même heure, samedi, par un individu armé d’un couteau. Selon Mlle Roy, l’agresseur a pris la fuite lorsqu’elle a appelé au secours et que des enfants ont accouru. »[1]
La petite culotte de la victime a été retrouvée accrochée à une branche, près de son corps. Son jean a aussi été retrouvé à proximité. Dans ses cheveux, les enquêteurs ont découvert un morceau de ruban adhésif qui semblait avoir été mâché. La victime a été violée et battue à mort. Les policiers pensaient que le meurtre avait été commis ailleurs, ce qui impliquait qu’on se retrouvait devant un minimum de deux scènes de crime. « D’après le médecin légiste, la cause de la mort est l’asphyxie provoquée par l’accumulation de sang dans ses poumons. L’assassin s’est acharné sur sa victime au point de lui défoncer le sternum à coups de genou. Détail encore plus morbide : l’autopsie révèle que Sharron était encore vivante moins de 20 heures avant la découverte de son cadavre. Ce constat suppose deux scénarios : ou la jeune Prior a agonisé longtemps avant de mourir étouffée par son propre sang, ou elle a été maintenue captive pendant trois jours. »[2]
En avril 1975, on a même envisagé que le meurtre soit relié à celui de Norma O’Brian, commis en juillet 1974 dans des conditions étrangement similaires. Selon le Montréal-Matin du 4 avril 1975 : « L’enlèvement, le viol, la manière dont les deux petites victimes ont été torturées avant d’être finalement tuées présentent, en effet, les mêmes caractéristiques et vont même jusqu’à dénoter chez l’agresseur un comportement étrangement semblable dans les deux cas. Norma a été retrouvée dans l’après-midi du 10 juillet dernier dans un champ de hautes herbes, à une centaine de pieds de la rue Saint-Francis, à Châteauguay, presque nue. L’autopsie devait révéler que la fillette de 12 ans avait été violée, battue, et étranglée par son ignoble agresseur qui avait vraisemblablement enfoncé de son genou la poitrine de sa victime pour mieux assurer, sans doute, sa prise meurtrière. Comble de sadisme, le monstre avait plongé la brosse à cheveux de la fillette jusqu’au fond de la gorge de celle-ci. Sharon, âgée de 16 ans, a été découverte mardi soir dernier, près d’un rucher, à Longueuil, aux trois quarts nue. Une autopsie dont on ne connaissait hier que les préliminaires, a révélé que l’adolescente de Pointe-Saint-Charles avait été violée, battue et vraisemblablement étranglée par son bourreau lubrique qui lui a enfoncé la poitrine de son genou. »
Cette hypothèse a toutefois été abandonnée quelques mois plus tard avec le meurtre d’une autre jeune adolescente. Cette fois, les enquêteurs ont pu arrêter le tueur et le condamner. Il s’agissait d’un jeune adolescent qui avait sensiblement le même âge que ses victimes.
En 2003, la police a rouvert l’enquête une première fois dans l’affaire Prior, puis encore en 2012. Une récompense de 10 000 $ a été offerte par un inconnu via l'organisme Jeunesse-au-Soleil. La mère de Sharon croyait que le meurtre de sa fille pourrait être relié à celui de Tammy Leaky, commis en 1981. Cette dernière avait été séquestrée et violée avant d'être assassinée.
En 2021, André Pronovost a écrit un livre inspiré de l’affaire Sharon Prior, mais il m’a confié qu’il s’agissait plutôt d’un récit personnel plutôt que d’un document basé sur les faits judiciaires.
Grâce aux technologies de l’ADN, c’est en 2023 qu’on a enfin rendu public la résolution de ce crime. Le tueur de Sharon Prior était donc Franklin Maywood Romine, un Américain décédé en 1982. Quoique les policiers affirment aujourd’hui que l’affaire est maintenant résolue, le présumé tueur ne pourra jamais faire face à la justice et ainsi mettre un point final à cette triste histoire.
En 1982, on souligne que Romine est décédé à l’hôpital de Verdun à l’âge de 36 ans d’une cause inconnue et que son corps a ensuite été rapatrié par sa famille aux États-Unis. Le 2 mai 2023, les restes du suspect ont été exhumés pour pratiquer des prélèvements. Il y a tout de suite eu concordance entre l’ADN retrouvé sur les vêtements de la victime et celui de Romine. En effet, l’enquête a aussi déterminé qu’il se trouvait à Montréal au moment du meurtre. Il habitait d’ailleurs près des lieux et connaissait très bien le lieu qui allait ensuite devenir la scène de crime. Il avait un lourd passé criminel, entre autres pour des crimes violents et des agressions sexuelles.
[1] « Sharon a été violée et battue », La Presse, 3 avril 1975, Revues et journaux québécois, Bibliothèque et Archives nationales du Québec.
[2] Christian Page, Dossiers mystère 3 (Laval: Guy Saint-Jean, 2020).
Autres photos:
Enquête du coroner:
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