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Le premier meurtre par contrat au Québec?

  • 17 mai
  • 4 min de lecture


Au sein de l’histoire judiciaire québécoise, on s’entend généralement pour dire que le premier meurtre par contrat se serait produit en 1934. Or, serait-il possible de resituer ce fait historique en 1930? Voir mieux, en 1916?

      Le 12 août 1934, un inconnu a téléphoné à Alexandre W. Soulgikoff, un homme de 55 ans qui travaillait comme interprète dans les causes criminelles de Montréal. Son interlocuteur lui a donné un rendez-vous à une adresse sous prétexte d’avoir une traduction à lui soumettre. Soulgikoff s’est rendu au rendez-vous. Alors qu’il roulait tranquillement sur la rue Lanaudière, à Montréal, trois hommes armés ont grimpé sur le marchepied de son automobile. L’interprète détenait un port d’arme, mais il n’a pas eu le temps de s’en servir. Dans la seconde qui a suivi, il était criblé de balles.

On croit que les trois mêmes tueurs, probablement des Américains, seraient à l’origine de l’assassinat de Charlie Feigenbaum, un racketteur et trafiquant de drogue tué une semaine plus tard. Encore une fois, trois tueurs ont été aperçus, sans compter que pour les deux dossiers on aurait utilisé des armes de poing de calibre .45. Or, selon les recherches actuelles du DHQ, ce serait la première fois qu’on utilisait ce type de calibre pour commettre un homicide au Québec.

Bien sûr, les trois mystérieux tueurs n’ont jamais été identifiés.

Un meurtre par contrat est un acte prémédité impliquant au moins un tueur à gage et un commanditaire. Le crime est normalement commis à la manière d’un blitz et le tueur a le choix des armes. Il agit sous les ordres du commanditaire, en échange d’une somme d’argent, d’une faveur quelconque, d’un sentiment de vengeance ou encore pour protéger les règles d’une puissante organisation. Il n’y a donc aucun doute que les deux meurtres de 1934 faisaient partie de cette catégorie.

       Toutefois, les recherches du DHQ ont permis de découvrir qu’à la fin juin 1930 on a découvert le corps de Henri Bouclier à Laval-sur-le-Lac. Bouclier était très connu dans le milieu du crime organisé, à la fois à Montréal, à San Francisco et à Chicago. Il s’adonnait au commerce de l’opium et de la traite des blanches.

Quoique son meurtre n’a jamais été élucidé, il semble bien évident que Bouclier aurait lui aussi été victime d’un meurtre par contrat.

Serait-il possible de repousser cette limite dans le temps d’une quinzaine d’années encore?

Voyons voir!

Le 28 août 1916, Guiseppe D’Amore, un immigrant récemment arrivé d’Italie, est entré au White Palace, sur la rue Saint-Laurent, à Montréal, en compagnie de trois amis. Soudain, Gemnaro[1] Pezza, un homme qui avait des antécédents judiciaires, est entré à son tour dans l’établissement.

Après avoir commandé des consommations, D’Amore venait d’entamer une conversation avec ses amis lorsque Pezza a sorti une arme et a fait feu sur D’Amore. Aucune parole n’aurait été échangé. Atteint directement au cœur, D’Amore s’est effondré, pendant que le tueur prenait la fuite.

Pezza n’est pas allé bien loin car le frère d’un policier l’a pris en chasse et a même vu le tueur abandonner son arme pendant sa course. Dans les journaux de l’époque, il existe cependant une autre version selon laquelle il aurait fallu le désarmer.

Jusque-là, le crime pourrait résulter d’une dispute ou d’une affaire de mari jaloux. Mais tout indique le contraire. En fait, le journal La Patrie a souligné que Tony Frank, le parrain du crime organisé montréalais, était resté auprès D’Amore. Il était donc présent dans l’établissement au moment du drame.

Par ailleurs, on a dit de la victime qu’il était né à Naples en 1887 et arrivé à New York en 1901. Quant à Pezza, les journaux de l’époque étaient convaincus qu’il faisait partie du milieu des souteneurs. Lors de l’enquête du coroner, Tony Frank sera appelé à témoigner mais il dira n’avoir aucun souvenir du meurtre puisqu’il était ivre, cet après-midi-là.

En novembre 1916, l’accusation de meurtre portée contre Pezza a été réduite à homicide involontaire. Pourtant, le geste paraissait bien prémédité. Ce bénéfice, l’accusé le devait certainement à son avocat Me Alban Germain, une grosse pointure dans le milieu des criminalistes de l’époque. En témoignant pour sa propre défense, Pezza a expliqué qu’il ne gardait aucun souvenir de l’incident du 28 août ... parce qu’il avait trop bu. Avait-il inspiré sa stratégie de celle de Tony Frank?

Quoiqu’il en soit, pour un homme ivre, il a visé plutôt juste : une seule balle en plein cœur.

Pezza a fini par plaider coupable pour homicide involontaire, ce qui lui a mérité une sentence de 17 ans de pénitencier.

Alors? 1930 ou 1916?

Tout au long du dossier de l’affaire D’Amore, il n’a jamais été question d’une quelconque motivation autre que celle du meurtre par contrat. Du moins, le crime en a les apparences. L’utilisation d’une arme à feu; le tueur savait où trouver sa cible; il a tiré sans hésitation; et la présence de Tony Frank n’est certainement pas banale.

Selon La Patrie, Pezza est décédé le 17 octobre 1918 alors qu’il purgeait sa peine au pénitencier Saint-Vincent-de-Paul. « La mort de Pezza est l’épilogue d’une affaire criminelle qui a fait sensation aux assises criminelles il y a deux ans. » Malheureusement, l’article ne contenait aucune précision sur la cause du décès. Rappelons seulement qu’il avait 27 ans.

Quant à Tony Frank, il sera reconnu coupable en 1924 pour avoir participé à un spectaculaire hold-up qui a coûté la vie à un agent de la paix, rue Ontario, à Montréal. Il sera le seul chef du crime organisé montréalais à avoir été pendu pour meurtre.

 


[1] Ou Genaro.

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