Homicide domestique? – arme blanche
Montréal, Saint-Henri, 3726 Notre-Dame Ouest - ? SC
Non élucidé. Napoléon Demers, acquitté.
En 1895, Mélanie Massé, 28 ans, habitait avec son mari Napoléon Demers au 3726 Notre-Dame Ouest dans le quartier Saint-Henri, à Montréal. Hélène-Andrée Bizier, auteure de La petite histoire du crime au Québec (1981), a décrit Mélanie comme gentille mais peu souriante et qui « ne fréquente que ses proches et consacre tout son temps à ses deux enfants, une fille de 5 ans et un bébé de 3 mois. Lorsqu’un homme lui sourit, Mélanie Massé-Demers craint qu’il ne veuille la séduire. Elle s’enferme donc à double tour dès que son mari quitte leur appartement. »[1]
Selon le journal La Patrie : « Dans la nuit de mercredi à jeudi, Mme Demers qui était reconnue comme une personne distinguée par son éducation et ses bonnes manières, avait pris soin de son bébé malade. Hier matin, son mari, un ouvrier à l’emploi de M. Latimer, manufacturier de voitures, voyant que sa femme était fatiguée de cette longue veille, lui dit qu’il n’irait pas travailler afin de permettre à Mme Demers de prendre quelques heures de repos. » Mélanie lui a répondu qu’il pouvait aller travailler l’esprit tranquille, ce qu’il a fait.
Ce matin-là, les voisins Deguise ont constaté que Demers était anormalement matinal pour aller fendre du bois dans la cour. Avant 6h00, il a déposé le pot de lait à la porte pour permettre au laitier de le remplir, puis il a quitté pour son travail. Vers midi, des témoins ont vu Mélanie descendre dans la cour arrière de la résidence pour ramener une brassée de bois de chauffage. Vers 13h00, Rose-Alma Sauvé s’est heurtée à une porte verrouillée chez les Demers. C’est en jetant un coup d’œil par la porte arrière qu’elle a distingué le corps de Mélanie. Celle-ci gisait sur le plancher dans une mare de sang.
Selon Bizier, le crime aurait été suivi d’un enchaînement d’incompétences de la part des enquêteurs, entre autres parce que la scène de crime n’a jamais été protégée.[2] À son retour du travail, Napoléon Demers s’est montré si bouleversé qu’il s’est effondré. Bizier ajoute : « une paire de ciseaux découverte dans la chambre a peut-être été l’arme du crime … Trop tard. Lorsque l’on voudra en faire l’analyse ils auront été nettoyés et utilisés pour … ouvrir un poisson. »
Lors de l’enquête du coroner, les soupçons se sont d’abord tournés vers Charles Deguise, un voisin de 72 ans qui sera finalement écarté. Des lettres anonymes ont tenté, apparemment sans succès, de faire mauvaise réputation à la victime. Puis, le 31 août, le bébé Demers est mort alors qu’il était confié à des membres de la parenté à Saint-Charles-sur-le-Richelieu.
À en croire Bizier, un débat sur les circonstances du meurtre s’est joué autour de la rigidité cadavérique et des odeurs reliées à la décomposition. On a fini par accuser Napoléon du meurtre de sa femme. Son procès a débuté le 9 septembre au palais de justice de Montréal. Puisque le jury a été incapable de s’entendre sur un verdict unanime, un deuxième procès s’est instruit le 9 décembre et au cours duquel on a entendu 78 témoins. Le 30 décembre, après cinq minutes de délibérations, Demers a été acquitté.
Selon la lettre ouverte d’un médecin publiée le 3 décembre dans La Patrie, il aurait fallu s’attarder davantage à la thèse du suicide.
[1] Hélène-Andrée Bizier, La petite histoire du crime au Québec (Montréal: Stanké, 1981).
[2] La prudence est de mise en ce qui concerne le fait de juger les anciennes techniques d’enquête avec nos connaissances modernes. Vingt-cinq ans après le meurtre non résolu de Mélanie Massé, celui de Blanche Garneau, survenu à Québec en 25 ans, présente lui aussi des éléments qui nous paraissent troublants. Il a fallu attendre plusieurs décennies encore avant que les techniques d’enquête deviennent plus uniformes; encore faut-il préciser que celles-ci sont en constante évolution.
Commenti