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1934, 20 décembre – Rose-Anna Asselin



Homicide motivé par des gains relatifs aux assurances ou à l’héritage – Par noyade – Mise en scène

Saint-Zotique, quai du Lac Saint-François – 1 SC

Non élucidé. Rhéal Léo Bertrand, son mari, acquitté. Il sera pendu pour le meurtre de sa deuxième femme, commis en 1951.

Au cours de la soirée du 20 décembre 1934. Rhéal Léo Bertrand a amené son épouse, Rose-Anna Asselin, faire une balade en voiture. Plus tard, il dira avoir roulé en direction du quai du Lac Saint-François à Saint-Zotique mais en constatant que la voiture ne pouvait s’arrêter, il avait dû sauter en marche. L’auto a plongé dans les eaux froides avec à l’intérieur Rose-Anna, qui a été incapable de sortir de la Plymouth 1933. Lorsqu’on a extirpé des eaux le véhicule, on a découvert que la portière côté conducteur était ouverte alors que toutes les autres étaient fermées. « La poignée de la porte de droite [passager] en avant manquait. Le corps de Mme Bertrand fut trouvé sur le siège avant et retiré de l’auto submergé[e]. On transporta le cadavre au garage. Bertrand n’attendit pas que le corps fut ramené à la surface; il disparut et on ne le revit pas de la nuit. »[1]

La police a développé de sérieux doutes quant à la version de Bertrand, au point où elle en est venu à porter une accusation de meurtre contre lui. Le procès de Bertrand s’est ouvert au début de décembre 1935 devant le juge Louis Cousineau. La Couronne était représentée par Me Gérald Fauteux alors que la défense était assurée par Mes Oscar Gagnon et Roch Pinard. Le Dr Jean-Marie Roussel a témoigné à l’effet que l’autopsie lui avait permis de déterminer que la cause du décès était la submersion. Le cadavre ne portait toutefois aucune marque de violence. Mme John Cuerrier, 58 ans, a dit avoir vu une auto filer à grande vitesse sur le quai. Une dizaine de minutes plus tard, Bertrand frappait à sa porte pour lui demander de l’aide. Roméo Avon a affirmé que Bertrand lui avait dit qu’il était encore temps de sauver sa femme puisque la voiture se tenait en équilibre au bout du quai. En se rendant sur les lieux, le témoin avait vu des traces de pneu dans la neige jusqu’à l’extrémité du quai.

Avant même que sa voiture ne soit retirée des eaux, Bertrand aurait tenu des propos étranges. Entre autres choses, il avait demandé si son antigel serait réutilisable. Toutefois, la défense a démontré que la transmission était restée enclenchée en 2e vitesse et que le frein d’urgence avait été actionné. « Le pneu de gauche à l’avant était dégonflé mais une pièce de machinerie brisée suffisait à prouver que les freins n’avaient pu fonctionner. »[2] La défense a également prouvé que le témoin Albert Gauthier s’était contredit, et qu’en réalité Bertrand ne lui avait pas dit que sa voiture était en équilibre au bout du quai mais plutôt sous l’eau.

En revanche, Bertrand aurait demandé à Albert Robert, un horloger d’Ottawa, de ne rien dire à son sujet si toutefois la police venait pour l’interroger. Il aurait également confié à Robert que « ma femme est enceinte; elle l’était lorsque je l’ai épousé. Avant de me marier, j’ai su qu’elle retirerait plus tard un héritage, sans quoi je ne l’aurais jamais épousée. »[3] Quelques mois plus tard, celle-ci mettait un enfant au monde.

Ensuite, « l’audience fut à même d’entendre un véritable cours de mécanique donné par M. Paul Godin, gérant de la firme Chrysler Motors, un expert en automobile. Le témoin a minutieusement expliqué le fonctionnement de certaines parties d’une automobile et certifié qu’une poignée de porte ne pouvait tomber d’elle-même, qu’il fallait l’enlever avec des instruments. Après certaines expériences faites par M. Godin devant deux détectives, le témoin, se servant d’un Plymouth 1933 tel que celui de Bertrand, réussit à atteindre une vitesse de 55 milles à l’heure en 2e vitesse. On se souvient que l’auto de Bertrand fut retirée du lac St-François, embrayée en seconde vitesse. »[4]

De plus, Godin a réussi à répéter l’expérience en se tenant sur le marchepied et après avoir baissé la vitre de la portière, expliquant ainsi que l’accusé avait pu se tenir dans cette position pour sauter en marche. Quant aux freins, Godin a laissé entendre qu’un bris mécanique était impossible. Toutefois, il a dû admettre que ce scénario était difficilement réalisable avec une vitre baissée à seulement 5 pouces, comme on l’avait retrouvée sur la voiture de Bertrand.

Selon le témoin Jean Béique « un corps lancé dans le vide accomplit une trajectoire horizontale et si l’on prend le quai de Saint-Zotique comme point de départ, il fallait que la voiture ait été lancée à une vitesse de 39 milles à l’heure pour s’arrêter à 54 pieds plus loin. Le témoin a fait ses calculs en prenant en considération la résistance de l’air puis celle de l’eau. »[5] Me Oscar Gagnon, l’un des défenseurs de Bertrand, a ensuite voulu faire dire au même témoin que le fait d’avoir frappé le parquet d’une hauteur de 4 pouces en bordure du quai avait réduit la vitesse du véhicule et sur ce « le témoin affirme que si le choc comprime un instant les pneus et les ressorts, l’auto tombera sans une différence de vitesse appréciable. »[6] Lorsque Me Gagnon lui a demandé si c’était la première fois qu’on lui demandait de reconstituer un tel accident, la Couronne s’est objectée. Le juge a maintenu l’objection, privant ainsi le jury de la réponse. Peu après, Me Gérard Fauteux a déclaré sa preuve close.

La défense a appelé à la barre un certain Picard, un témoin que la Couronne avait finalement écarté. Celui-ci a commencé par dire qu’il connaissait l’accusé depuis 1933. Puisqu’il était monté à quelques reprises dans la voiture de Bertrand, il a dit que la portière côté passager fonctionnait mal. Picard, un agent d’assurance d’Ottawa, a raconté être celui qui avait sollicité Bertrand pour prendre une police d’assurance. Après ce témoignage, Me Gagnon a déclaré en avoir terminé. Le lendemain, 6 décembre, les procureurs ont fait entendre leurs plaidoiries. Dans ses directives au jury, le juge Cousineau a rappelé que l’accusé n’avait même pas appelé les secours pour tenter de sauver sa femme et à propos du mobile « le motif peut être considéré dans le témoignage d’Eugène Picard, d’Ottawa, agent d’assurance, qui avait vendu à Bertrand une police de $5,000 indemnité double, sur la vie de sa femme. La police était datée de trois jours avant la tragédie et livrée le jour qui la précéda. Le témoin dit que l’accusé était anxieux de l’avoir parce qu’il voulait aller la porter chez la tante de sa femme, demeurant à Sainte-Justice, pensant qu’elle consentirait à payer la balance de $120 sur la première prime. Mme Bertrand fut tuée durant le voyage de retour et six jours plus tard Bertrand révéla qu’il n’avait reçu que $10. Le jury aura à décider si l’intention criminelle aurait pu être inspirée par la petitesse de la somme, ou si le crime était prémédité quand demande a été faite pour une police d’assurance, ou si la tragédie a été entièrement dû à un accident. »[7]

Le jury a délibéré durant trois heures avant de revenir, à 21h10, avec un verdict d’acquittement. Selon l’auteur Raymond Ouimet, Bertrand a continué de courir les femmes et après quelques mois seulement, il avait dépensé tout l’argent de l’assurance. En juin 1936, c’est avec l’aide d’un complice qu’il a braqué une banque. En tirant un coup de feu, il a manqué de tuer le gérant de l’établissement. Arrêté deux jours plus tard, Bertrand a écopé d’une sentence de 15 ans avant d’être transféré au pénitencier de Kingston. Il a été libéré le 9 mars 1948.[8]

            En 1951, on l’a accusé du meurtre de sa deuxième femme. Encore une fois, il aurait agi dans le but de toucher l’argent des assurances et de l’héritage. (1951, 10 novembre – Dolorosa Trépanier).


 

[1] La Patrie, 4 décembre 1935.

[2] Ibid.

[3] La Patrie, 5 décembre 1935.

[4] La Patrie, 5 décembre 1935.

[5] La Patrie, 6 décembre 1935.

[6] La Patrie, 6 décembre 1935.

[7] La Patrie, 7 décembre 1935.

[8] Raymond Ouimet, Tuxedo Kid la beauté du diable, 2018, p. 75-86.

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