1971, 20 mai – Brigitte Parker (ou Parkeur, Packer ou Pakeur), 21 ans
- 16 déc. 2024
- 28 min de lecture
Dernière mise à jour : 20 févr.
Homicide à motif indéterminé – Objet contondant (marteau ou hache)
Montréal, rue Sacré-Cœur/Sainte-Anne-des-Plaines – au moins 2 SC
Non élucidé.
Le 20 mai 1971, c’est dans le secteur de Sainte-Anne-des-Plaines qu’on a retrouvé le corps de Brigitte Pakeur, 21 ans. Elle se trouvait près d’un dépotoir dans le rang Mollet. Elle n’avait aucun papier d’identification sur elle et portait des hot-pants de couleur rouge. La veille, on l’avait vu au moment où elle quittait son logis sur la rue Sacré-Cœur. Elle a quitté en direction de la rue Fleury, à Montréal.
Selon l’autopsie, Brigitte a été tuée à coups de marteau ou de hache portés à la tête. Selon ce qui a pu transpirer dans les journaux de l’époque, il semble qu’elle ait été tuée sur place. Son vrai nom de famille était Pakeur, mais les journaux l'ont écrit de différentes façons.
Enquête du coroner:
Une demande de copie de l'enquête du coroner a été envoyé le 27 janvier 2025. Nous l'avons reçu le 19 février 2025. En voici d'ailleurs le contenu dans la section suivante:
C’est le 15 mars 1972 que s’est tenu l’enquête du coroner sur les circonstances de la mort de Brigitte Pakeur[1]. Le premier témoin appelé devant le coroner a été Denis Racine, un cultivateur de 36 ans. C’est lui qui avait trouvé le cadavre le 21 mai 1971.
- J’avais été prendre une marche dans … sur le terrain, pis j’ai vu le cadavre, là.
- Quel terrain?, lui a demandé Me Richard Morin de la Couronne.
- Si … j’avais commencé par aller sus mon terrain chez nous, après ça j’ai traversé la Montée Morel, pis j’t’allé l’autre côté, pis c’est là que je l’ai vu.
- Vous avez vu un cadavre. Pis de quelle façon était-il vêtu ce cadavre-là?
- D’un « hot pants » ou une jupe rouge avec un petit coat bleu.
- Pis vous, est-ce que vous avez l’occasion d’aller souvent sur ce terrain-là?
- C’était la première fois.
- C’était la première fois depuis quand?
- Depuis, peut-être … on a passé là en hiver, peut-être un an … une fois par année, auparavant.
- Pis de quelle façon était-il disposé sur le sol?
- Couché la figure contre terre.
- C’est tout ce que vous pouvez nous relater de l’individu?
- J’peux pas dire d’autre chose, j’ai pas vu d’autre chose.
- Ça c’était vendredi, le 21 mai 71, c’est ça?
- Approximativement …
- Vers quelle heure à peu près?
- J’l’ai découvert alentour de … entre 18h00 et 19h00.
Le témoin suivant était Fernand Racine, un étudiant de 15 ans.
- Alors, monsieur Racine, pouvez-vous nous raconter les circonstances dans lesquelles vous avez vu ce cadavre?
- Ben … j’ai passé là en bicyclette …
- Quand ça?
- Voulez-vous parler plus fort, suggéra le coroner, s’il vous plaît, pour qu’on vous entende bien, là.
- Le mercredi, qui est le 19 …
- Oui…?
- J’ai passé là et elle n’était pas là.
- Y avait rien?
- Non.
- Quand vous dites passé là, vous avez passé où?
- À l’endroit où elle était étendue.
- Mais où c’est, cet endroit-là?
- Sur le terrain de … que monsieur Trudel le connaît …
- Mais, pouvez-vous nous le décrire de façon plus précise par rapport, disons à une route, où était ce terrain?
- Le deuxième terrain sus l’bord de la Montée Morel.
- Sus l’bord de la Montée Morel. Maintenant, vous dites que vous avez passé là, le mercredi, 19 mai et puis qu’y avait rien sur ce terrain-là?
- Pis j’ai repassé le jeudi…
- Jeudi c’était le 20 mai ça, oui … puis?
- Puis y était là.
- Y était là. Qu’est-ce que c’était … j’veux dire de quelle façon était-il vêtu, est-ce que c’était un corps de femme ou un corps d’homme?
- Un corps de femme.
- De quelle façon était-il vêtu?
- Une jupe ou un « hot pants » rouge … c’est tout … c’est à peu près tout c’que j’ai pu remarquer.
- Vous avez pas remarqué autre chose, pis vous avez pas eu l’idée de … de lui parler, de l’interpeller à c’moment-là?
- Non.
- Puis, maintenant, vendredi le 21 mai, est-ce que vous étiez avec … c’est votre père Denis Racine?
- Non.
- C’est votre oncle?
- Non.
- C’est pas parent?
- Aucune parenté.
- Est-ce que vous étiez avec lui … avec monsieur Denis Racine lors de la déc…?
- Non, c’est lorsque … une de mes tantes a entendu à radio que … la police avait trouvé un cadavre sur le bord de la Montée Morel, pis là j’me suis rendu avec mon père.
- Vous vous êtes rendu avec votre père … pis vous l’avez vu à c’moment-là, ça c’était le vendredi, 21, ça?
- Oui.
- Vous l’avez vu, de quelle façon était-il vêtu?
- Ben, elle était recouverte d’une toile.
- Oui. Puis vous l’avez pas vu comme tel.
- Ben, là … quand j’suis allé le vendredi, le Provincial était là.
- Hum, hum.
- C’est parce que le monsieur l’avait dénoncé.
- Je vous remercie.
On a ensuite appelé l’agent Jean Laframboise, 27 ans, de la SQ.
- Alors, monsieur Laframboise, vendredi, le 21 mai 71, dans l’exercice de vos fonctions, vous avez été appelé, je pense, près de la Montée Morel?
- C’est ça, monsieur le coroner, suite à un appel de l’agent Tremblay, y m’a demandé d’aller rencontrer monsieur Racine, sur le Trait-Carré à Ste-Anne-des-Plaines. Alors je me suis rendu à la demeure de monsieur Racine, pis ce dernier, m’a tout simplement indiqué qu’y avait retrouvé une personne, qy’y pouvait pas dire si elle était vivante ou quoi. Y m’a indiqué le chemin, l’endroit exact se trouve sur la Montée Morel à peu près à … on peut dire un quart de mille du Trait-Carré en direction nord, je suis rentrée comme dans un genre de dépotoir…
- Hum, hum…
- J’ai traversé ça, pis j’t’arrivé dans une clairière, et j’ai vu la personne qui était … qui était étendue dans l’champ, le visage contre terre.
- C’que vous avez vu, c’état une personne … un corps de femme?
- Un corps de femme, c’est ça, visage contre terre, elle n’avait pas de soulier, les souliers étaient enlevés pis elle avait comme … comme habillement un « hot pants » pis … quant au chandail en haut, j’peux pas dire si c’est un …
- Quelle couleur le « hot pants »?
- Rouge. Ça j’me souviens de ça.
- Qu’est-ce que vous avez fait à c’moment-là?
- À c’moment-là, j’ai vu qu’y avait des personnes déjà d’arrivées, j’ai pris une couverture, j’ai abrié le corps. Pis là, à c’moment-là, ben … l’agent Tremblay est arrivé après, pis on a fait appel au Caporal Delorme, Montréal, les homicides …
- Hum, hum,
- … voyant le cas.
- Pis ensuite, est-ce que vous avez fait d’autres constatations sur les lieux?
- Sur les lieux mêmes où la personne a été découverte?
- Oui?
- Ben, je sais quand que le Caporal Delorme est arrivé, on s’est aperçu qu’il y avait un commencement d’un creusage d’un trou …
- Hm, hm.
- J’ai remarqué ça … Pis … j’ai vu d’autres traces, mais j’sais que tout simplement qu’il y avait comme un trou qui avait été commencé à creuser près du corps de la personne.
- Maintenant, si j’vous montrais les photos … est-ce que vous pourriez reconnaître, cette personne qui est sur les photos, comme la dame que vous avez vue, étendue près de la Montée Morel?
- Moé, je l’ai vue, monsieur le coroner, surtout quand qu’y avait le visage contre terre, j’ai pas vu la figure clairement ce soir-là.
- Vous étiez pas là, quand on a tourné le corps, là?
- J’étais présent, mais j’peux … j’peux pas me rappeler exactement, t’sais … me semble qu’avec l’habillement j’l’ai vue était surtout contre terre … visage contre terre …
- D’accord … Et puis, ensuite, qu’est-ce que vous avez fait, est-ce que vous … après avoir … appelé le Caporal Delorme, qu’est-ce que vous avez fait?
- Ben, on a communiqué avec le coroner, naturellement, du district, on a fait venir une morgue et moi-même j’ai té chercher monsieur le coroner, je l’ai amené sur les lieux, la morgue est arrivée, pis là, ben y a eu question de photos, ainsi de suite … sur les lieux mêmes, qu’on a retrouvé la personne.
Avant d’appeler le témoin suivant, le procureur de la Couronne a lu le rapport d’autopsie concernant la cause du décès : « Selon les constatations de l’autopsie, à mon avis le décès remonte à quelques 48 à 72 heures avant mon examen. La cause du décès, contusions et lacérations cérébrales avec multiples fractures et enfoncement du crâne. Le ou les objets qui sont entrés en contacts violents avec la tête, étaient surtout de nature contondante mais devaient avoir au moins une face angulaire. Il y a eu au moins six coups portés à la tête. Et c’est signé : Jean-Paul Valcourt, pathologiste médico-légal. »
Le témoin suivant a été Louis Dejean, policier de 27 ans pour la SQ.
- Alors, monsieur Dejean, le soir du vendredi 21 mai 1971 vous êtes-vous rendu près de la Montée Morel?
- Oui, monsieur, vers 23h00 le soir.
- Et puis, à la demande de qui?
- Du Caporal Delorme, des homicides.
- Hm, hm
- Concernant un cadavre.
- Est-ce que vous avez vu ce cadavre?
- Oui. Disons que j’ai pris des photographies concernant cette découverte de cadavre.
- Vous avez pris des photographies des lieux?
- Oui.
- Ici, vous nous montrez une photographie qui représente quoi?
- Disons, que cette photographie représente le rang St-Pierre et l’intersection à gauche comme nous pouvons apercevoir, mentionnée comme le rang Morel.
- Ici, c’est c’qu’on appelle la Montée Morel, c’est ça?
- C’est ça.
- Ensuite?
- Disons, que cette seconde photographie représente un aperçu de la Montée Morel.
- Hm, hm. La troisième?
- Cette photographie-ci représente l’entrée d’un dépotoir qui se situe dans le rang Morel qui est situé à environ 1,5 mille du rang St-Pierre.
Les photos ont été déposées en preuve avant que le témoin poursuivre son explication. Malheureusement, nous n’avons pas eu accès aux photos originales. Elles dorment probablement dans le dossier de police.
- Cette photographie-ci représente la position de la victime qui était face contre terre, nous pouvons apercevoir à l’extrême droite de la photo, la paire de souliers qui est détachée des jambes.
- Maintenant, cette personne était habillée comment?
- Photo C-5?
- Un « hot pants » rouge, avec … un genre de petit coat en nylon. Disons, cette photo-ci représente le même cadavre mais pris dans une situation différente… une position … différente.
- Est-ce que … ici, les choses que je vois, c’est quoi ça?
- Ben, disons, c’est certains coups qui ont été portés à la tête, et nous pouvons voir à l’extrémité du collet du blouson, certaines taches apparentes de sang … d’éclaboussures de sang.
- Hm, hm.
- Cette photographie-ci représente la victime après déplacement.
- Qui l’a déplacée?
- Le Caporal Delorme et moi-même.
- Hm, hm.
- Nous pouvons voir au bas de la photo, à gauche, une mare de sang…
- Quand vous nous parlez là, fit le coroner, d’éclaboussures de sang, c’est … j’imagine c’est des constatations que vous avez faites sur les lieux et …
- Oui…
- … non pas d’après vos photos…
- Non, non, sur les lieux.
- C’est des photos que vous avez prises vous-mêmes sur les lieux…?, reprit le procureur.
- C’est ça …
- … à la demande du Caporal Delorme, n’est-ce pas?
- Oui… qui ont été développées par moi-même.
- Hm, hm.
- Cette photographie-ci représente le cadavre prise de face également … Et pour fins d’identification, la victime qui a été photographiées en date du 22 mais 71, au laboratoire Médico-Légal à Montréal.
On a ensuite appelé John Pakeur, 67 ans, le père de la victime. On a d’abord profité de sa présence afin de confirmer avec lui qu’il avait bel et bien identifié le corps comme étant celui de sa fille.
- Maintenant, je vous ramène le soir du mercredi, 19 mai 71, quand la dernière fois, vous avez vu votre fille?
- La dernière fois que je l’ai vue, c’est … à 20h30, le 19 mai au soir.
- Comment était-elle? Était-elle bien portante?
- Oui, oui.
- Et puis, voulez-vous nous raconter les dernières circonstances dans lesquelles vous l’avez vue?
- Ben, les dernières circonstances, de qu’est-ce qui est arrivé … on a attendu jusqu’à … d’habitude quand a sortait comme ça, elle quand a sorti a m’a dit : « Papa, j’sors pour une vingtaine de minutes. » Alors … j’ai pas pris trop trop … la chose autrement dit … je l’ai pris comme d’habitude. Alors, au bout d’un certain temps, j’ai vu qu’a retardait, a r’tardait, pis a travaillait le lendemain, alors, j’ai pris des informations, j’ai appelé un peu partout, pour voir si y l’avait vue, pis y l’avait pas vue.
- Comment était-elle vêtue votre fille, lorsqu’elle est partie de chez vous, le mercredi?
- Était vêtue d’un « hot pants ».
- Quelle couleur?
- Rouge vin.
- Ensuite?
- Et puis, elle avait des … des sbaots, de couleur … comment j’dirais ben ça … couleur cuir naturel, si vous voulez, et puis elle avait un genre de jacket.
- Quelle couleur?
- Ah, la couleur … ben c’est comme un genre de « cocu », vous savez.
- Hm, hm… et puis c’était vers quelle heure ça lorsqu’elle est partie de chez vous?
- Quand a l’a partie de chez nous, y était 20h30.
- Y était 20h30, puis vous l’avez pas revue de …
- Non, quand je l’ai revue, le Caporal Delorme m’avait appelé pour aller l’identifier.
- La dernière fois que vous l’avez revue, c’était à la morgue?
- Oui.
Le témoin suivant s’appelait Jacques Senécal, un jeune chômeur de 23 ans qui habitait au 9582 Berri, à Montréal.
- Monsieur Senécal, connaissez-vous Brigitte Pakeur?
- Oui, monsieur.
- Depuis combien de temps?
- Ah, au moins 2 ans, 2ans et demi, 3 ans.
- Comment la connaissiez-vous?
- Ben, comme ça. Comme amie, comme ça.
- Juste comme amie?
- Ah, oui.
- Vous êtes jamais sorti avec?
- Non, jamais.
- Jamais. Maintenant, la dernière fois que vous l’avez rencontrée c’était quand?
- C’est le mercredi … mercredi soir.
- Vers quelle heure?
- Y était à peu près 21h00 à peu près.
- Vers 21h00?
- À peu près, 21h00, 21h30.
- Puis où c’était ça?
- En arrière de la taverne… Bienvenue Bar Salon.
- Le mercredi, c’est quelle date ça?, demanda le coroner.
- Mercredi, c’était le 19 mai 71, répondit le procureur. Pis-vous, vous étiez là depuis longtemps au Bienvenue?
- À peu près, j’dirais … à peu près 5 heures à peu près, le soir de … à 17h00 le soir. A l’a pas rentré en dedans, était … était en arrière, dehors dans le parking.
- Maintenant, vous là, si vous voulez nous raconter ça par étape, là, vous êtes arrivé là au Bar Salon Bienvenue à quelle heure?
- Ben, à peu près vers 17h00, j’dirais à peu près.
- Puis qu’est-ce que vous avez fait?
- Ah, on a pris une bière, pis on jasait avec les gars.
- Vous avez jasé avec qui?
- Ben, y avait … ben y avait Michel Proulx, y avait une couple de gars là…
- Hm, quels gars?
- André Daoust. …Y avait André Leblanc …
- Tâchez d’en oublier le moins possible là, monsieur, lui suggéra le coroner.
- Oui, oui, … c’est correct.
- Forcez-vous un peu, oui …
- Hm, hm…
- Vous avez dit, reprit le procureur, André Daoust, ensuite …
- Oui, Robert Benoît, j’pense qu’y était là.
- Robert Benopit, pis ensuite, combien vous étiez?
- On était une couple de gars parce qu’on voulait écouter la game de hockey qui jouait ce soir-là.[2]
- Ça c’était vers quelle heure?
- C’t’à peu pr;es, j’dirais à peu près vers 20h00, 20h30.
- Pis ça vous étiez à l’intérieur du bar?
- Oui.
- Bon, maintenant, qu’est-ce que vous avez fait ensuite?
- On a rien fait, on a écouté … ben c’est parce que y avait Michel proulx qui jouait en arrière y …
- En arrière où … en arrière de quoi?
- Dans le parking, dans l’parking en arrière. Y jouait aux trente sous collés pis on allait le voir ça qui c’est qui gagnait, qui c’est qui perdait pis entre-temps, mademoiselle Pakeur est arrivée… On a jasé mais on rentrait pour écouter la …
- Elle est arrivée toute seule?
- Non, est arrivée avec mademoiselle Plaisance, pis là ben on jasait, on rentrait pis on sortait …
- Pis est arrivée vers quelle heure, elle?
- Ah, j’dirais à peu près … quoi, 20h45, 21h00 à peu près.
- Hm, hm. Pis qu’est-ce que vous avez fait à c’moment-là?
- On a rien fait, on a écouté la game de hockey, moé après ça j’me sus en allé à St-Philippe parce que je demeurais là. Oui, mais vous lui avez parlé à mademoiselle Pakeur?
- Ah, oui, parlé comme ça, oui, comment ça allait, pis c’que j’faisais d’bon, c’est tout.
- Pis y était quelle heure à ce moment-là?
- Y était à peu près 21h00, j’dirais.
- Est arrivée à 21h00, elle?
- À peu près 20h45, 21h00, à peu près.
- [Elle] Est arrivée à c’t’heure-là?
- Oui.
- Et puis, vous là, vous lui avez parlé?
- Oui, on a parlé comme ça.
- C’était où ça?
- En arrière dans le parking de la taverne, là.
- Pis tait pas toute seule?
- Non, était avec Diane Plaisance.
- Hm, hm. Et puis là, qu’est-ce que vous avez fait ensuite, après c’t’heure-là, après que vous l’ayez rencontrée, que vous lui ayez parlé un peu?
- Bon, on a rentré en dedans, j’allais écouter entre les périodes, on sortait pis on jasait, pis j’ai écouté la game de hockey, pis après ça ben, on s’est en … on a descendu à St-Philippe, c’est là que je restais.
- C’est vers quelle heure ça, que vous vous êtes rendu à St-Philippe?
- On a parti de là, à peu près vers 22h00, 22h30.
- Vous êtes parti d’où?
- D’la taverne, là.
- De la taverne, vers quelle heure?
- Vers 22h00, 22h30.
- Puis vous êtes parti comment?
- En auto, avec l’auto de mon … un de mes chums. C’est une Ford 63.
- Avez-vous un bicycle vous, monsieur?
- Oui, monsieur.
- Quel est le nom de votre chum, là?, questionna le coroner.
- Y s’appelle André Daoust … celui qui avait l,auto, ben, le gars qui a descendu avec moi, u s’appelait André Daoust, pis celui à qui appartenait l’auto y s’appelle Robert Maurice.
- Hm, hm. Aviez-vous votre bicycle ce soir-là?
- Non.
- Où est-ce qu’y était votre bicycle?
- Mon bicycle y était brisé, le générateur y marchait pas, y était au local.
- Comme ça vous êtes parti vers quelle heure vous m’avez dit?
- Vers 22h0, 22h30.
- Et puis, Brigitte Pakeur, est-ce qu’était encore là?
- Non, était partie.
- Et vous l’avez vue partir, vous?
- Oui.
- Avec qui elle était?
- Avec Diane Plaisance.
- Vers quelle heure?
- Ah, j’dirais vers 22h00 peut-être ben, peut-être ben avant ça. Non 22h00, 22h15. J’le sais pas, à peu près.
- Lui avez-vous parlé à Brigitte Pakeur?
- Oui, j’y ai dit, comment ça allait, pis tout ça, pas plus que ça.
- Pis à l’autre, est-ce qu’à Diane Plaisance est-ce que vous lui avez parlé?
- Oui, oui, … c’était la première fois que je la voyais.
- Vous quand vous êtes parti, vous êtes parti avec qui?
- Avec André Daoust.
- Dans le char de qui ça?
- De Robert Maurice.
- À St-Philippe?
- Oui.
- Combien ça vous a pris de temps vous rendre-là?
- Ah, je dirais, une demi-heure, trois quarts d’heure.
- Donc, vous êtes arrivé là vers quelle heure?
- À peu près 23h00, 23h15.
- Qu’est-ce que vous avez fait à ce moment-là?
- On a soupé, on a mangé, c’est-à-dire, pis on est allé se coucher.
- Vous étiez avec qui?
- J’étais avec André Daoust.
- Puis vous êtes allé vous coucher?
- Oui.
- Vous avez rien fait d’autre de la nuit?
- Ben, non.
- Pis le lendemain, qu’est-ce que vous avez fait?
- Ben, le lendemain, on est retourné à la taverne là.
- Pis le lendemain c’était quelle date, c’était jeudi le 20?
- Hm, hm.
- Qu’est-ce que vous avez fait à c’moment-là?
- On a rien fait … on s’est assis, pis on a pris une bière pis c’est tout.
- Pis est-ce que vous avez revu Brigitte Pakeur?
- Non.
- … cette journée-là?
- Je l’ai pas revue.
- Vous l’avez pas rencontrée?
- Non.
- Et puis … quand est-ce que vous avez appris la mort de Brigitte Pakeur, un moment donné?
- Ben, je l’ai appris par les journaux.
- Quand ça?
- Ben, c’est ma blonde qui m’avait appelé, moé j’étais …
- Quelle date ça?
- Ça s’trouve … quand j’ai été au local, pis a l’a appelé, pis a m’a dit qu’avait vu ça dans les journaux.
- Qui ça votre blonde?
- C’est Claudette Trépanier.
- Puis, c’était quel jour qu’à vous a appris la mort de Brigitte Pakeur?
- C’est … le dimanche, le dimanche … le samedi au dimanche, le dimanche.
- Le dimanche?
- Oui.
- Qu’est-ce que vous avez fait à c’moment-là?
- Ben, j’ai rien fait.
- Vous étiez avec qui, au local lorsqu’elle vous aurait appelé?
- Y avait … André Daoust, pis j’pense Robert Maurice était là.
- Maintenant, je vous ramène le soir du mercredi, est-ce que vous avez remarqué de quelle façon était habillée Brigitte Pakeur?
- À l’avait des « hot pants » rouge.
- Pis ensuite?
- Ben … j’peux pas me rappeler … un jacket quelque chose de même… une blouse, j’sais pas trop.
- Donc, vous l’avez vue partir vers quelle heure, vous m’avez dit?
- À peu près 21h00, 21h30.
Le témoin suivant était Michel Proulx, un chômeur de 24 ans qui habitait au 10270 Saint-Charles, à Montréal. Quoique son témoignage s’est avéré être sensiblement pareil à celui de Senécal, parmi les éléments nouveaux Proulx avouera qu’il habitait près du Bienvenue Bar Salon, au point de dire que « c’est juste en arrière de chez nous. » Le bar se situait donc au 920 Fleury, alors que lui habitait sur la rue Saint-Charles.
Selon lui, outre les autres personnes nommées par Senécal, il se trouvait également dans la taverne les frères Jacques et Robert Dubois. Il a aussi parlé d’un certain Paul Fournier.
- Ensuite, j’ai continué à boire tout l’temps pis là après, un moment donné, Jean-Pierre Morency est arrivé… J’ai … y voulait jouer aux trente sous, t’sais collés… Là j’ai joué dehors. Juste en arrière, en ouvrant la porte, juste en arrière, sur le mur, collé au mur.
Tout comme le témoin précédent, vers 20h45, il avait vu Brigitte Pakeur en compagnie de Diane Plaisance. Après le départ de Brigitte, il a dit avoir commandé une pizza à l’arrière de la taverne parce qu’il ne voulait pas la partager avec les autres gars.
- Pis là après moé, il y a trois, quatre filles qui sont arrivées, Linda Uticombe, Manon Demers pis Marcelle Narbette. Là, j’étais avec mon chum Yvon Robitaille, on a mangé la pizza, on a jasé un peu, après j’t’allé reconduire les trois filles, après j’t’allée…
- Les trois filles, celles que vous venez de nous nommer là?
- Oui, Marcelle Narbette, Manon Demers, Linda Uticombe.
- Oui?
- J’t’allé les reconduire chez eux. Pis après j’t’allé reconduire mon chum Yvon Robitaille chez eux, pis après j’me suis en allé chez moi.
Au lendemain de cette soirée, Proulx a dit être allé faire de l’équitation à l’écurie Bois des Filion en compagnie de Jacques Chartrand et Gilles Danoum. Et le jeudi il est allé travailler à la station Shell.
Avant de remercier le témoin, une question du coroner lui a fait dire qu’au moment de son départ de la taverne, Brigitte Pakeur et sa copine avaient pris la direction de la rue Peloquin, à pied. Il a ensuite affirmé ne jamais être allé à la Montée Morel mais qu’il allait parfois au garage de Welly Therrien à Sainte-Anne-des-Plaines, non loin de là.
Il semble que Proulx ou d’autres personnes dans la salle ont émis des rires puisque le coroner a lancé ceci : « Et j’avertis les témoins qui suivent que l’enquête porte sur un décès et j’endurerai pas de témoignage à la légère, ceux qui sont venus ici pour faire des farces vont se ramasser dans les cellules. C’est clair. Aux enquêtes de coroner à Saint-Jérôme, y a pas de show de la part des témoins. Y en a jamais eu, pis y en aura pas… »
On a ensuite appelé Diane Plaisance, une caissière de 20 ans qui habitait au 10230 Sacré-Cœur, à Montréal. Selon les témoignages précédents, elle était la toute dernière personne à l’avoir vu vivante.
- Mademoiselle Plaisance, depuis combien de temps connaissiez-vous Brigitte Pakeur?
- Je l’avais connue à l’école.
- Ça fait combien de temps?
- Mon Dieu, cinq … six ans, peut-être plus.
- 5 ou 6 ans. Maintenant, quand l’avez-vous vue pour la dernière fois?
- Ben, la nuit … le soir qu’à s’est fait tuer je crois, le mercredi.
- Mademoiselle Plaisance, intervint le coroner, y faudrait répondre fort parce que c’est enregistré par la mécanique là.
- Le mercredi soir.
- Le mercredi soir, reprit le procureur, vers quelle heure?
- Mon Dieu, y était à peu près 22h00 est venue me reconduire à la maison.
- Est venue vous reconduire à la maison?
- Oui.
- Maintenant, où vous l’aviez rencontrée ce soir-là?
- Je revenais de mes cours, je l’ai rencontrée en face du petit restaurant.
- Y était quelle heure à c’moment-là?
- 20h30, 20h45.
- Bon. Qu’est-ce que vous avez fait à partir du moment où vous l,avez rencontrée?
- Ben, on s’est promené.
- Vous vous êtes promenées où?
- Sur la rue Fleury pendant un petit bout de temps, après ça on est allé à la taverne en arrière.
- Dans le parking en arrière?
- Oui.
- Qu,est-ce que vous avez fait à c’moment-là?
- Ben, on a jasé avec les garçon qui étaient là, a les connaissait …
- Hm, hm?
- A m’a présentée.
- Pis ces garçons-là, les connaissiez-vous, vous?
- Non, pas avant. Ben, quelques-uns depuis, mais j’les connaissais pas avant.
- Est-ce que vous pouvez les reconnaître aujourd’hui?
- Oui, peut-être.
- Oui. Est-ce que vous pouvez reconnaître …
- Oui, monsieur. … Pis lui y était là, y n’avait d’autres aussi.
- Michel Proulx pis monsieur …
- Oui.
- … Dagenais, hein?
- Oui, ben j’savais pas leur nom.
- Vous saviez pas leur nom. Et puis … quelle heure y était à c’moment-là quand vous les avez rencontrés?
- 21h00.
- Qu’est-ce que vous avez fait à ce moment-là?
- Ben, on a jasé, c’est tout.
- Pis ensuite, qu’est-ce qui s’est passé?
- Ben, ensuite on est parti.
- Vous avez jasé avec qui particulièrement?
- Ben, moé j’parlais pas tellement, c’était surtout Brigitte qui leur parlait, a les connaissait plus que moé.
- À parlait à tout le monde qu’y avait là?
- Oui, à peu près, oui.
- Puis vous êtes partie vers quelle heure?
- 21h30, 21h45 à peu près. Parce que j’t’arrivée chez nous y était à peu près 22h00.
- Vous étiez avec qui à ce moment-là?
- Avec Brigitte.
- Pis d’la taverne-là, à chez vous, y a combien de distance?
- Deux, trois … non, trois, quatre rues à peu près.
- Trois, quatre rues, ça veut dire que ça vous prend combien de temps ça?
- 5 minutes.
- Et puis vous étiez avec Brigitte, mais est-ce qu’y avait quelqu’un d’autre avec vous?
- Non, on était toute seules.
- Vous êtes partie à pied?
- Oui, à pied.
- Puis … vous êtes arrivée chez vous vers qu’elle heure, vous m’avez dit?
- À peu près 22h00. J’ai pas regardé l’heure mais y était à peu près c’t’heure-là.
- Avez-vous revu Brigitte durant la soirée?
- Non, non, j’sus restée chez nous à la maison.
- Pis quand avez-vous appris qu’elle était morte?
- Le dimanche.
- Le dimanche, par la voie des journaux?
- Non, je l’savais même pas … j’lis jamais les journaux. C’est par un garçon, y l’savait que je l’avais vue ce soir-là.
- Quel garçon?
- Ben, y était assis avec elle, quand je l’ai rencontrée.
- Y est pas ici, là?
- Non, y est pas ici.
Interrogée par le coroner, elle a fini par dire qu’il s’agissait d’un certain Burelle qui habitait la même rue qu’elle.
- Son prénom à Burelle…?
- Ah, j’le sais pas.
- Le savez-vous? Non…
- J’pense que c’est Richard mais j’sus pas certaine, alors …
- Où demeure-t-il?
- Sur la même rue, Sacré-Cœur. L’adresse j’le sais pas.
- Pis vous l’aviez connu comment ce monsieur Burelle?
- Ben, ça fait longtemps qu’on reste dans le même bout, fait qu’on se connaissait comme ça.
- L’aviez-vous déjà vu avec Mademoiselle Pakeur?
- Avant le soir? J’le sais pas. J’me tenais pas avec eux autres, ni avec Brigitte.
- Ce soir-là?
- Ce soir-là, il était avec Brigitte, oui. Ben y était assis … quand j’l’ai rencontré … quand je l’ai rencontré y était assis avec Brigitte, sur un banc pis il lui parlait, ensuite Brigitte est partie avec moi.
- Où étiez-vous, vous, quand vous l’avez rencontrée Brigitte ce soir-là?
- Sur la rue Fleury en face d’un petit magasin.
- Vous, vous étiez seule?
- Oui, j’étais seule, je revenais de mes cours.
- Pis mademoiselle Brigitte était avec qui?
- Était assis avec deux garçon, un c’était Burelle, pis l’autre …
- Pis l’autre…?
- Pis l’autre, j’le connais pas son nom.
- L’aviez-vous déjà vu?
- Oui.
- L’avez-vous revu depuis ce temps-là?
- Oui. Ben, comme ça, on l’voit souvent, y reste dans le bout lui aussi, fait que j’le vois souvent.
- L’avez-vous revu avec des gens que vous voyez dans la salle aujourd’hui?
- Non.
- Quand vous l’avez laissée, mademoiselle Pakeur, est-ce qu’elle a dit, quelles étaient ses intentions où elle voulait aller?
- Non, j’pense pas.
- Elle vous a certainement dit, j’m’en vais quelque part?
- Non, a m’a seulement dit, qu’à voulait pas retourner tout de suite à la maison.
- Près de la taverne quand vous avez rencontré les messiers, là, est-ce que c’est vous qui avez décidé de partir ou si c’est elle?
- Oui, c’est moi, parce que j’avais mal au cœur, j’étais malade, j’avais été à montagne dans l’après-midi pis j’avais attrapé une insolation.
- Puis elle, mademoiselle Pakeur, est-ce qu’elle a émis l’intention de revenir ou de rester là?
- Ben, j’m’en souviens pas. Peut-être qu’a n’a parlé mais j’m’en souviens pas.
- Depuis que vous avez appris son décès là, au mois de mai, avez-vous rencontré quelqu’un qui, … que vous voyez dans la salle aujourd’hui?
- Non.
- Personne? Pouvez-vous jurer là, que depuis ce temps-là vous n’avez reçu aucun téléphone de gens vous suggérant des … de donner une description des faits?
- Oui, j’peux le jurer.
- Vous avez reçu aucune menace?
- Non
- Aucune suggestion?
- Non.
- Vous avez fait une déclaration à l’enquêteur?
- Oui.
- Comment s’appelle-t-il l’enquêteur?
- Monsieur Claude Delorme.
- Correct, merci.
La fin de ce témoignage laisse clairement entendre que Diane Plaisance aurait fait une déclaration différente à l’enquêteur en charge du dossier, à savoir qu’elle aurait été menacée en lien avec son témoignage. Devant le coroner, elle a tout nié. Pourquoi? A-t-elle dit tout ce qu’elle savait?
Il n’y a que le dossier de police qui pourrait nous renseigner, mais celui-ci restera sous scellé jusqu’en 2071 ou 2072.
Pour entendre le prochain témoin, on a demandé un huis clos, sans qu’on précise pourquoi mais on aura un doute par la suite. Ceci veut dire qu’on a fait sortir presque tout le monde de la salle et qu’il était interdit de rendre son nom public. Or, aujourd’hui, il est possible de le révéler pour la première fois. Il s’agissait de Jacqueline Kingslay, une serveuse de 42 ans qui s’est décrite comme une ménagère habitant au 2335 Côte Terrebonne, à Saint-Louis de Terrebonne. Lisons maintenant son témoignage intégralement.
- Madame, vous témoignez à huis clos, les gens qui sont ici sont des gens du Ministère, des enquêteurs, privés ou non, plus deux membres d’un journal qui ne prennent ni photo, ils ne donneront pas votre nom, est-ce que c’est clair?
- Oui.
- Ils ont le droit d’écouter, y peuvent se servir de votre témoignage si c’est nécessaire, pour faire comprendre au public c’qui s’est passé, mais sans mentionner où ils ont pris leurs renseignements. Ça va?
- Correct.
Après cette importante précision du coroner, le procureur Richard Morin a commencé son interrogatoire.
- Madame Kingslay, le soir du 19 mai, qu’est-ce que vous faisiez?
- J’étais serveuse au bar chez Philippe.
- Au bar …?
- Chez Philippe.
- Chez Philippe?
- Montée Gagnon … on peut dire que c’est Blainville, d’autres disent que c’est Ste-Anne-des-Plaines, mais c’est à environ 4 milles à 5 milles de Ste-Anne-des-Plaines. Mais de la découverte du corps de la victime, j’dirais que c’est à peu près 7 milles.
- Pis la Montée Morel …
- … c’est sur Montée Gagnon, route 65 qui mène à Ste-Anne ou à Saint-Lin.
- Pis vous, vous avez commencé à travailler à quelle heure?
- Moi, j’travaillais de soir, ce soir-là, j’ai commencé à 19h00.
- Maintenant, durant la soirée, est-ce que vous avez eu à servir quelqu’un qui ressemblait à la victime?
- Oui, monsieur.
- C’était vers quelle heure?
- Pour vous donner l’heure exacte, j’pourrais pas … mais j’dirais que … 22h30, 23h00 ou 22h00, ou 22h30, mais j’peux pas être exacte… dans l’heure.
- Maintenant, est-ce qu’elle était seule Brigitte Pakeur ce soir-là?
- Non, elle était accompagnée de trois jeunes hommes.
- Ces jeunes hommes-là, pouvez-vous les identifier, les avez-vous vus ici?
- J’ai … ben, dans la salle non.
- Vous les avez pas vus?
- Non, monsieur.
- Senécal, ça vous dit rien ça?
- J’connais pas personne, monsieur. Excepté que j’suis allé avec le Caporal Delorme… Disons que c’est tellement sombre dans un bar salon que … on m’a montré des personnes là … j’sais pas comment vous appelez ça là … la chambre à miroir.
- Oui?
- Quelques-uns pouvaient avoir certaines ressemblances mais de là à dire, j’voudrais pas condamner une personne qui est pas coupable.
- Oui, mais les avez-vous reconnus ici?
- Ben, ici dans la salle, y a pas personne, non.
- Y a pas personne?
- Non. Comment y étaient habillés ces gars-là?
- Y avaient des … des jackets, là.
- Des jackets, quel genre de jacket?
- Mon Dieu, …
- C’était-tu des jackets en linge ou des jackets en cuir, en suède?
- Disons que c’était en cuir, un genre de cuir.
- Et puis est-ce que vous pouvez nous donner leur description à ces trois gars-là?
- Y en a un qui avait les cheveux, attendez un peu là … lui y mesure …
- Comment y étaient assis à la table, là-bas.
- C’est ça que j’essaie de remédier.
- Oui, d’accord.
- L’entrée est comme ça, ils ont pris les deux premières tables de même … Mademoiselle Pakeur me faisait dos, quand j’étais au bar.
- Elle vous faisait dos, donc …
- À côté d’elle, y avait un jeune homme … Un genre de petite barbiche … là.
- Oui, quelle grandeur à peu près?
- Ah, mon doux … dans les 5 pieds et six ou sept pouces. Peut-être un petit peu plus grand.
- Son poids?
- Son poids … c’est assez difficile.
- Est-ce qu’y était maigre ou si y était gros?
- Ni maigre ni gras.
- Pis les deux autres?
- Pis les deux autres … y étaient face à moi, si j’suis au bar, y étaient sus c’côté-là, du côté d’un genre de petit mur qui séparait le portique. Mademoiselle Pakeur était assis[e] de côté, elle avait une sacoche, était accotée comme ça, pis elle roulait sa bouteille de bière ou son verre, j’me souviens pas exactement.
- Pis les deux autres, pouvez-vous nous les décrire?
- Les deux autres, c’était … disons à peu près dans la même âge que le premier que je viens de décrire … mais j’pourrais pas le décrire aussi clairement que celui qui était assis à côté d’elle. Parce que c’est lui qui m’a payé … et puis qui a commandé.
- C’est lequel qui a payé, pis qui a commandé…
- Ben, celui qui était assis de côté de mademoiselle Pakeur.
- Celui qui avait une barbiche?
- Un genre de petite barbiche folle là, vous savez floue, là …
- Et puis les deux autres, vous avez dû remarquer si y n’avait un qui était grand, si y n’a un qui était blond… gros?
- Du côté blond, c’est pas exactement blond … disons que ça peut être châtain, pas trop foncé, vous savez là …
- Pis leur grandeur vous avez pas remarqué?
- J’ai pas remarqué.
- Pis leur grosseur, est-ce qu’y en avait un qui était plus gros que les autres?
- Peut-être un petit peu plus gros que les autres, mais pas dans les gras.
- Pas dans les gras?
- Non.
- Ensuite, combien de temps y sont restés chez vous?
- Le temps de prendre une bière.
- Une bière. Ça veut dire combien de temps?
- Ah, disons une quinzaine de minutes. Pis j’me sus retournée de bord, pis y étaient sortis tous les quatre.
- Et puis y sont arrivés vers quelle heure, vous m’avez dit?
- L’heure exacte, j’peux pas vous le dire, mais moi j’dirais peut-être entre 22h30 et 23h00 ou 22h00 et 22h30, entre ces heures-là, parce que c’est assez difficile, on sait pas nous autres qu’est-ce qui va se produire un moment donné. Y rentre du monde, y en sort.
- Pis lequel … vous m’avez dit que celui qui avait une barbiche, vous a payé?
- C’est lui qui m’a payé, oui.
- Oui, pis ensuite qu’est-ce qui est arrivé, y sont sortis?
- Y ont pris leur consommation … y a pas eu … y avait pas l’air d’avoir rien d’anormal, mais comme de raison j’avais d’autre ouvrage à faire…
- Vous avez pas entendu des conversations entre eux autres?
- Absolument pas, non.
- Y a pas eu des éclats de rire, y a pas eu …
- Non, y avait mademoiselle Pakeur qui était assis[e] de côté, c’est pour ça que quand que le Caporal Delorme est venu … que la photo, y m’a montré une photo de la jeune fille… assise exactement, j’le sais pas si c’est … un adon ou si … c’est une manière à elle de s’asseoir … Mais la photo m’a frappée, même que j’aurais voulu dire que je l’avais pas vue, dans la figure je l’avais vue.
- Mademoiselle Pakeur, quelle était son attitude vis-à-vis les autres parce qu’à …
- Elle avait l’air jongleuse…
- Jongleuse?
- Jongleuse, elle avait l’air d’une personne, si mettons moi, j’ai quelque chose, j’sais pas, j’pense à quelque chose … j’ai des troubles ou … j’sais pas, une déception, ben j’t’assise là, pis disons que j’tourne une bouteille de même, ou mon verre, ou bien j’voulais pas parler à personne pus j’ferais ça.
- À vous a pas adressé la parole?
- Absolument pas.
- À vous a rien dit?
- Non.
- Pis lorsqu’ils sont partis là, dans quel ordre étaient-ils, est-ce que vous avez remarqué?
- J’me suis reviré de bord, j’les ai vus sortir, y ont fait ça en groupe.
- Y ont sorti en groupe?
- En groupe.
- Pis est-ce que …
- Même qu’y en a un qui m’a dit « Bonsoir, merci. »
- Lequel ça?
- Ça, j’me souviens de ça.
- Vous pouvez pas …
- J’ai juste entendu la voix.
- Et puis est-ce que vous avez remarqué si y sont partis avec un véhicule ou … comment ils sont partis?
- Non, ça j’pourrais pas vous dire.
- Vous avez pas entendu de bruit?
- Ah, ben ça, des bruits on n’entend … les clients arrivent, y r’partent mais c’est parce que j’avais d’autres clients, j’étais toute seule… Fallait que j’fasse le bar et le plancher. Alors, j’étais trop occupée, j’pouvais pas, de toute façon, on peut pas aller … disons, à chaque client qui va partir, regarder qui est-ce qui s’en va, hein!
- Puis vous, vus pouviez pas voir à l’extérieur lorsu’ils sont partis?
- Non, parce qu’on avait des … on a des draperies, là, on avait des draperies fermées. Le jour, ces draperies-là sont ouvertes, mais le soir c’est fermé pis c’est des lumières assez sombres.
- Et puis … vous avez pas entendu de bruit particulier, par exemple, si des motos partaient vous pourriez reconnaître ça de l’intérieur?
- Oui, si y avait eu des motos, j’crois que j’aurais entendu.
- Vous auriez entendu?
- Oui, j’crois que j’aurais entendu parce que ça mène assez de bruit.
En 1976, un certain Jacques « Coco » Senécal, 27 ans, a été accusé de trafique de drogue avec plusieurs complices. S’agissait-il du même individu? (Montréal-Matin, 18 février 1976). À tout le moins, son âge semblait correspondre.
En 2001, un certain André Daoust, 59 ans, a été condamné à 24 ans de prison pour tentative de meurtre et le juge Maurice Galarneau s’est permis de le décrire comme un homme « dangereux et irrécupérable ». Daoust était un récidiviste. Toutefois, il m’a été impossible de confirmer qu’il s’agissait bien du même Daoust cité lors de l’enquête en 1972.
En 2014, on retrouve le nom d’un certain Richard Burelle, considéré comme un multirécidiviste dans le milieu de la drogue. Encore une fois, impossible de confirmer hors de tout doute s’il s’agit bien du même homme dont Diane Plaisance a fait mention.
Questions :
Le coroner a manqué une belle occasion d’interroger le jeune Fernand Racine, qui disait avoir vu le cadavre le jeudi, donc 24 heures avant qu’on le signal à la police. Pourquoi alors n’a-t-il pas contacté la police immédiatement? Personne n’a pensé à lui soumettre cette question pourtant très pertinente. Avec l’évaluation de l’autopsie à propos de l’heure probable du décès, il faut donc en déduire que Brigitte a été assassinée entre le mercredi 22h00 et le lendemain, heure à laquelle le jeune homme n’a pas eu l’occasion de fournir puisque son interrogatoire a été mal conduit.
Ensuite, lorsque Diane Plaisance a répondu avoir vu Brigitte pour la dernière fois le soir où elle a été tuée, comment pouvait-elle savoir que le meurtre avait eu lieu ce soir-là? En fait, ce détail est toujours inconnu. On ignore à quelle heure – et même le jour – où elle a été assassinée. Évidemment, on peut en déduire de par le témoignage de Kingslay que Brigitte a été éliminée peu de temps après son départ du bar avec les trois inconnus.
Malgré toutes ces questions, je tiens à le préciser, il n’y a aucun indice sérieux pouvant permettre de cibler qui que ce soit. Ce n’est pas parce qu’un comportement est étrange qu’il est celui d’un coupable. Par ailleurs, vous aurez compris entre les lignes qu’il était question d’un crime sur fond de motards criminalisés. On a parlé de moto, de vestes de cuir et même de « local ».
Quoiqu’il en soit, cette affaire demeure non élucidée.
Finalement, si on doit en croire le fait qu’on avait commencé à creuser un trou sur la scène de crime et que celui-ci était destiné à y enterrer le corps, faudrait alors envisager la piste du meurtre par contrat. Le meurtre de Brigitte Pakeur aurait alors été prémédité, peut-être parce qu’elle savait quelque chose de compromettant pour cette bande de motards. En fait, il y a même des similitudes à faire avec le meurtre, lui aussi non résolu, de Denise Vouligny, également assassinée en 1971 apparemment parce qu’elle en savait trop sur un certain milieu criminel.
[1] Appellation du nom dans le rapport du coroner.
[2] Il voulait certainement faire référence à la finale de la coupe Stanley. Le 19 mai 1971, les joueurs du club de hockey Les Canadiens défilaient dans les rues de Montréal pour célébrer leur victoire contre Chicago, la veille. Mais cela voudrait dire que la joute de hockey se serait déroulé au soir du 18 mai et non le 19 mai comme le témoin semble le dire ici. Le 18 mai 1971, les Canadiens l’ont emporté par un compte final de 3 à 2 aux dépends des Blackhawks de Chicago. C’est Henri Richard qui a marqué le but vainqueur de la soirée à 2 minutes 34 secondes de la 3e période. D’ailleurs, c’était son deuxième but de la soirée.
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